L'Association
des
Amis de la Ligne Maginot d'Alsace
Les deux dernières
décennies ont vu éclore de multiples associations qui se sont
donné pour vocation la préservation du patrimoine fortifié.
Parmi celles qui se sont consacrées à la sauvegarde
douvrages de la Ligne Maginot, lAssociation des Amis
de la Ligne Maginot dAlsace (A.A.L.M.A.) sest hissée
rapidement au niveau des grandes associations déjà
constituées. Elle nen est pas la plus importante, mais son
rayonnement est sans doute le plus grand. Cela est dû en
partie à un type de développement peu commun quil faut
rapidement évoquer pour en saisir la teneur.
Le début de cette aventure remonte à 1977. Le déclencheur en fut certainement le journaliste et écrivain Roger Bruge qui révéla au grand public les combats méconnus de la Ligne Maginot. Le chapitre «la grosse Bertha contre le Schoenenbourg» impressionna au plus haut point les fondateurs de lassociation, qui neurent de cesse que davoir visité cet ouvrage tant pris à partie par ladversaire.
Parcourir à cette
époque un ouvrage de la Ligne Maginot nétait pas chose
facile. Bien que déserté par larmée depuis 10 années,
le fort de Schoenenbourg nétait connu que par un nombre
infime de civils. Malgré cela, le lamentable abandon avait
transformé cet ouvrage jadis animé par ses 620 occupants en une
misérable ruine : installations électriques détériorées et
vandalisées, galeries inondées deau et de boue, rouille
omniprésente. Les premières visites ne pouvaient, de ce fait
sexécuter quà laide de bottes et de lampes de
poches.
Jugeant malgré tout que
cette épave était récupérable, les fondateurs de ce qui devient l'AALMA lancèrent un
appel qui fut entendu par un certain nombre de futurs membres.
Cest ainsi que naquit lassociation des Amis de la
Ligne Maginot dAlsace qui entama aussitôt une demande de
concession du fort.
Les démarches durèrent
jusquen 1982, où enfin elles aboutirent. La poignée de
militants du début sagrandit rapidement, rassemblant même
un certain nombre de membres allemands. Ces derniers étaient
férus de patrimoine fortifié. Plusieurs dentre eux
allaient devenir de véritables passionnés de cette Ligne
Maginot, distante à peine de quelques kilomètres de leur
territoire national.
Ainsi, en 1983,
lAALMA prit en charge louvrage dartillerie de
Schoenenbourg, mais aussi la casemate dintervalle Esch, à
Hatten, qui deviendra un intéressant musée après deux années
de travaux.
Bien entendu, cest le fort de Schoenenbourg qui mobilisa la plupart des efforts, car il représentait un fort potentiel de visiteurs. De 6000 en 1982, on arriva à 19800 visiteurs en 1991, malgré une fréquence douverture assez restreinte. Cela était alors le point faible de lAALMA. La cause en était l'éloignement de ses membres actifs car peu d'entre eux résident dans un rayon de moins de 10 km. La solution fut la quasi professionnalisation des visites, ce qui permit l'ouverture continue pendant 200 jours par an, et de faire progresser le nombre de visiteurs à plus de 40 000.
Un autre point faible fut l'indifférence des acteurs locaux,
durant les 15 premières années. Aujourd'hui,
les collectivités locales et territoriales, au vu des résultats obtenus, se
sont engagées dans un processus de valorisation du fort qui devrait se
concrétiser dans les prochaines années.
Ne pouvant
compter que sur elle-même, lAALMA a dû consacrer de gros
efforts au maintien de sa structure associative. A lheure
actuelle, 220 membres y adhèrent, dont une bonne partie dAllemands, ce qui nécessite
un secrétariat
distinct pour chaque communauté de langues. A ceux-ci
sajoutent des Belges, des Italiens, des Suisses, etc.,.
Tous les ans, deux bulletins dinformation sont envoyés
aux membres, dont certains sont distants de centaines de
kilomètres. LAALMA a des relations suivies avec beaucoup
dassociations soccupant de fortification et fait partie de deux
fédérations de sauvegarde de la fortification. Un certain
nombre de spécialistes en fortif sont issus de ses rangs,
dautres les y ont rejoints. Daucuns sy sont
rodés, en attendant de fonder à leur tour une association
similaire.
Une trentaine de membres
sont actifs, à des degrés différents. Près de 1450 journées
dactivités ont été répertoriées en 2003, ce qui fait
une moyenne non négligeable.
Cela se voit notamment
sur le plan des travaux. Dailleurs une sage politique fait
quon essaie de sauvegarder la totalité des organes du
fort, et non seulement ce qui se trouve sur le circuit visitable.
Mais que de travail avec toute cette technique, ces mécaniques
et ces installations. Petit à petit, les trois kilomètres de
galeries souterraines et de locaux ont été remis en éclairage. La rénovation
des tourelles
dartillerie, de la centrale électrique et de l'intégralité de la
caserne a duré
plusieurs années. Une des prouesses fut la remise en
marche du train électrique interne. Un combat acharné et toujours actuel est celui de la lutte contre lhumidité propre aux
locaux souterrains, qui est en grande partie résolu grâce à des moyens efficaces, mais
coûteux.
Il fallut en outre
assurer la représentativité de lassociation. Les Anciens
de la Ligne furent sceptiques, au début. Aujourd'hui leur
caution morale est largement acquise et ils nous considèrent un
peu comme leurs successeurs, du moins dans la préservation de la
mémoire collective. Ce nest pas pour rien que les Anciens
de la Ligne Maginot ont fait ériger le mémorial du
cinquantenaire des combats de 1940 sur le site du fort de
Schoenenbourg. Du côté de larmée, il fallut plusieurs
années pour que celle-ci considère lassociation comme un
interlocuteur sérieux. Là comme ailleurs il a fallu faire ses
preuves. Mais aujourd'hui la confiance est acquise et les
relations sont au beau fixe.
En résumé, beaucoup a
été fait, mais bien plus reste à faire. Les dirigeants de
lassociation sont néanmoins confiants dans lavenir, la Ligne Maginot a encore de beaux jours devant elle, en Alsace
du Nord.