Maurice SYBILLE - Casemate Esch (1989)

J’étais engagé en 1936 à Metz au 146ème RIF, et à la suite d’un stage de plusieurs mois pour passer spécialiste de l’armement automatique de la région fortifiée, je fus affecté au 23ème RIF de Haguenau, aussitôt envoyé comme instructeur à Soufflenheim, puis à Hatten dans l’abri de la 5ème Compagnie d’Equipage d’Ouvrage (CEO). Avant le début de la guerre, le 3 Septembre 39, j’étais d'avantage aux travaux divers, plus qu’à l’instruction. Le jour de la déclaration,  je me trouvais à la casemate de Koenigsbruck. L’équipage des casemates était réduit : 5 ou 6 hommes et un caporal, effectif qui a vite été augmenté avec le rappel des frontaliers.

Peu après, envoyé aux casemates de Rittershoffen durant l’hiver 39/40 et enfin au début de 1940 je fus affecté à la casemate Esch à Hatten,  où nous avions comme chef un adjudant. Nous passions plus de temps à l’air libre pour effectuer de nombreux travaux ; désherbage sur les barbelés, pose de mines ...

Jusqu’au 10 Mai 1940, vie toujours calme. A cette date, je me trouvais en permission. De retour à la casemate, la vie changeait . Toutes issues fermées à la nuit, les cloches occupées par un guetteur. Quelques rares avions allemands nous survolaient à une altitude élevée, certainement pour l’observation. A côté de ce qui s’est produit ailleurs, et par la suite, nous n’étions pas malheureux.

Le 17 Juin 40, nous apprenions l’Armistice, ce dont nous étions heureux; enfin pour nous le cauchemar semblait terminé. Ici tout était calme. Nous sentions un peu la débandade. Plus le temps passait, plus les informations du PC de l’abri de Hatten se faisaient rares. Plus aucune nouvelle officielle, mais avec des petits postes à galène nous recevions des Allemands les nouvelles en français ! Toujours de la propagande. Nous patientions sans savoir quoi faire.

Vers le 26 juin nous avons reçu l’ordre, par téléphone depuis le PC, de nous tenir prêts à quitter la casemate, en y laissant les plans de tir, l’armement de la casemate, les munitions et tout le matériel annexe, ainsi qu’un inventaire de tout le matériel. Tous les occupants emportent leur arme personnelle, mais sans aucune cartouche. Nous sommes autorisés à prendre les couvertures, tout le ravitaillement et tabac, alcool, boîtes de pansements. De plus un sergent a dû rester après notre départ, afin de passer les clés et les consignes aux Allemands qui nous ont relevés provisoirement.

Le 30 Juin 40, les occupants de la casemate Esch et des autres casemates dépendant du PC de Hatten, se sont rendus au village, et là nous passions la nuit. Toutes les maisons étaient encore désertes. Dans le village, d’autres militaires d’autres compagnies nous rejoignaient.

Le 1er Juillet 40, grand rassemblement, et par colonnes de trois nous quittons le village, et un peu plus loin, premier contact avec l’armée allemande. Un par un, dépose de notre armement individuel, visite de nos cartouchières, et en avant pour une marche vers Haguenau sous un soleil de plomb. Nous fûmes internés dans l’ancienne caserne de Cavalerie et entassés à terre dans les chambrées, sur un peu de paille. A cette date la nourriture était au point zéro, heureux celui qui avait su ménager ce qu’il avait emporté de l’ouvrage. Il faut dire que les Allemands n’avaient pas prévu un si grand nombre de prisonniers.

Juillet 40, pour beaucoup commence la vie de K.G.. Nous n’avions plus aucun officier, ne restaient que les sous-officiers avec la troupe.

A partir du 13 Juillet 1940, l’autorité allemande libère petit à petit les Alsaciens et les Lorrains , par ordre alphabétique. Le 15 Juillet c’est mon tour, alors je rejoins Metz dont je suis originaire, et heureux je retrouve mes parents. J’avais 24 ans.

Devinant ce qui m’attendait, vers le 3 ou 4 Août, je m’évade de Lorraine et je rejoins ma femme dans le centre-ouest de la France.




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