Le prix de la FORTIFICATION


Au poste de ministre de la Guerre, André Maginot avait succédé en 1929 à Painlevé; il avait trouvé dans ses dossiers l'estimation faite par la C.O.R.F en 1928 chiffrant à 8,2 milliards les dépenses à envisager pour construire une fortification permanente sur nos frontières de l'est et des Alpes ; il fit voter le plus notable des crédits - de 2,9 milliards - par la loi du 14 janvier 1930. Son expérience de haut-fonctionnaire lui fit séparer les autorisations d'engagement de dépense" et les "crédits de paiement". 

Cette procédure s'appelle maintenant "programmation" ; en cette époque de budget annuel, cette distinction assurait aux entrepreneurs d'amortir leurs investissements en gros outillages sur la durée de chantiers devant durer plusieurs années, donc de remettre des prix relativement avantageux.


Les difficultés financières provinrent de trois origines :

1) Comme sur tout gros chantier, des imprévus firent dépasser les estimations initiales;

2)l'inflation rognait les crédits chaque année de 12 à 15 % de leur valeur;

3)des besoins nouveaux apparurent, en armes antichars, en cloches lance-grenades de défense rapprochée, etc ...

Pour que les crédits alloués ne laissent aucun reliquat, le général Belhague, président de la C.O.R.F., faisait faire fréquemment par les officiers du Génie la balance des engagements et des sommes non dépensées encore disponibles. Faute de nouveaux crédits de paiement, la C.O.R.F. dut ajourner vers un 2' cycle hypothétique de nombreux blocs et même ouvrages.

Dans son livre LA MURAILLE DE FRANCE, paru en 1985, le lt Colonel Ph. Trutmann donne des éléments de prix au Chapitre 11 - Le Prix de la Sécurité. En particulier, à la page 522, il cite le rapport au Ministre du Général Gamelin faisant le point de la situation financière à la date du 1.1.1933:


Total des dépenses à prévoir pour exécuter le programme restreint de 1929: 4078000000.

Total des crédits de paiement affectés depuis l'origine,

en cinq lois successives 3825350000

loi du 31.3.32 : 56887500

TOTAL : 3882237500

 

Soit environ 4 milliards de francs courants de 1930 à 1933, dont un dixième pour le sud-est, les neuf autres dixièmes pour les deux régions fortifiées du nord-est.

Pour répondre à une idée fréquemment formulée selon laquelle "la ligne Maginot a coûté cher", glanons des éléments de comparaison dans le même chapitre de Truttmann. Il donne:

 

Dans cet ensemble, Truttmann fait entrer la place de Verdun pour 127 millions de francs/or de 1874 à 1914, y compris armement, équipement, munitions.

En face de Verdun, les Allemands ont dépensé 490 millions de francs/or de 1875 à 1885, plus 360 millions de 1885 à 1914.

Retenons aujourd'hui que le coût de la FORTIFICATION (les Régions fortifiées de Metz et de la Lauter et les trois Secteurs fortifiés des Alpes) équivalait en 1933 à celui du système Séré de Rivières dans son état de 1885.

En lisant le livre de Truttmann, j'ai cherché moi-même des éléments de comparaison dans une actualité qui avait banni provisoirement la notion de fortification: dans une étude - parue dans la circulaire de déc. 1986 de l'Amicale des Anciens du S.F.H. - je cherchais des éléments de comparaison du prix de la FORTIFICATION de la C.O.R.F.:

Ce n'est donc pas la construction de la ligne Maginot qui nous a empêché d'avoir des divisions blindées, mais la volonté de nos chefs. Les exemples de Truttmann et les miens montrent que le coût de la FORTIFICATION était supportable; elle n'a pas coûté cher, contrairement aux allégations émises dans l'entourage des généraux qui n'ont pas su l'utiliser.


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