Le 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment
119 attaque la Ligne Maginot à Hatten


Janvier 1945 - PC du bataillon :

Le lieutenant-colonel Pröll, qui commande le groupement d'accompagnement des blindés, réunit ses subordonnés pour leur transmettre les ultimes directives concernant le franchissement de la Ligne Maginot à Hatten.

Pour l'essentiel, cet ordre d’attaque est le suivant :


 

Les moyens mis en oeuvre seront :

Le groupement non blindé, sous les ordes de l'Oberstleutnant (lieutenant-colonel) Pröll, chef du 35e Panzer Grenadier Regiment, comprenant :

Le groupement blindé, sous le commandement de l'Oberstleutnant Huss, le patron du Panzer Grenadier Regiment 119, avec :

Le groupement Pröll attaquera en premier la Ligne Maginot près de Hatten, percera ses défenses et investira le village. Ensuite, le groupement Huss, avec ses chars, attaquera en profondeur et avancera jusqu’à Rittershoffen et même Hohwiller.

 

Détail des opérations :

Dans une zone située à droite de la route Niederrœdern-Hatten, le groupement Pröll, du Panzer Grenadier Regiment 35, attaquera les fortifications de la Ligne Maginot, les traversera et avancera jusqu’au bord du village de Hatten qu'il investira par le nord. A sa droite, le régiment sera au contact avec la 21e Panzer Division, sur sa gauche, avec le 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119.

Depuis la zone boisée, au sud du village de Niederroedern, le 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, renforcé par d'autres éléments, prendra d'assaut les ouvrages de la Ligne Maginot situés à l'est de Hatten. Il en percera les défenses, puis abordera le village par le sud, pour ensuite remonter vers le nord et faire la jonction avec le Panzer Grenadier Regiment 35.

Sur sa droite, le bataillon prendra contact avec le Panzer Grenadier Regiment 35. Pour protéger son flanc gauche, il disposera de l'appui des éléments de reconnaissance de la Panzer Aufklärungsabteilung 25. La coordination de l’attaque sera assurée par le commandement du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119.

 

Réfléchir avant d'agir :

Au poste de commandement, le capitaine von Rosenberger, qui avait une longue expérience du commandement de première ligne, fit observer que l’équipement des troupes n’était pas adéquat pour une attaque de cette envergure. Les armes antichars et antibéton étaient insuffisantes, ainsi que l’artillerie lourde. D'ailleurs, personne n'avait évoqué un possible soutien de la part de l'aviation. Les photos aériennes du secteur et les renseignements sur les ouvrages fortifiés à combattre étaient inexistants.

En 1940, dit-il, alors que l'armée allemande était forte, la Ligne Maginot a été contournée et l'affrontement principal avait eut lieu à Sedan. Maintenant que nos troupes sont affaiblies et que l’ennemi a acquis une nette supériorité, surtout matérielle, nous devrons conquérir la Ligne Maginot quasiment "à mains nues". Une telle attaque, se déroulant comme prévu de jour, pourrait certes se faire avec succès, mais occasionnerait certainement de grosses pertes en hommes et en matériels.

Pour la réalisation de cette attaque, le capitaine von Rosenberger demanda en priorité des prises de vues aériennes du secteur ainsi que des informations plus concrètes sur les ouvrages fortifiés ; dans un deuxième temps, l'appui de chars et d'armes capables de percer les fortifications.

Le lieutenant-colonel Pröll admit que le capitaine von Rosenberger avait raison d'exprimer son opinion et que celle-ci était fondée. Cette analyse était d'ailleurs partagée par les autres officiers qui participaient à la réunion. Pröll dit aussi que cette attaque avait été ordonnée par le Führer en personne, et que l'état actuel des opérations militaires ne permettait d'espérer la mise en oeuvre d'autres troupes, ni d'autres moyens, surtout pas de l'aviation. Il promit de s’occuper personnellement de la demande en photos aériennes, ainsi que de la dotation en lance-flammes, mines, et dynamite nécessaires aux pionniers qui attaqueront en premier les ouvrages fortifiés.

Pour la réalisation de cette opération, le groupe de canons automoteurs du capitaine Spiel, composé de 15 pièces d’artillerie, sera placé sous les ordres du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119. Dans l'attaque de la Ligne Maginot, le groupement de von Rosenberger sera le point fort du dispositif. Pour cela, il aura l'appoint des canons automoteurs, du groupe de reconnaissance 25 et d'une compagnie du génie ; toutes ces unités seront sous son commandement.

Le commandant du régiment interrogea alors le capitaine von Rosenberger.

"Comment voulez-vous conduire cette attaque ?"

Celui-ci répondit :

"Dans ce rapport de forces, où l'adversaire est en position de supériorité et en plus retranché dans des ouvrages fortifiés, face à nos jeunes soldats - qui ont à peine achevé leur formation en novembre 1944 et qui connaîtront là leur première épreuve du feu - seule une attaque surprise de nuit aurait une chance de réussir, car elle permettrait de limiter nos pertes en vies humaines."

Le lieutenant-colonel Pröll approuva le principe d'une attaque nocturne et s’engagea à soutenir ce choix auprès de sa hiérarchie.

Le capitaine von Rosenberger établit alors son P.C. à Niederrœdern, où le 2e bataillon avait été affecté sur le secteur. Le 8 janvier 1945, entre 17h et 18h, von Rosenberger convoqua au restaurant de Niederroedern tous ses subordonnés directs, ainsi que les commandants de compagnie, pour leur transmettre les consignes en vue de l'attaque.

L'ordre d'attaque est établi d'après les indications des photos aériennes, arrivées il y a quelques minutes à peine. Celles-ci révèlent la position de l'ennemi, ainsi que celle des fortifications où il est retranché.

 

La tactique du capitaine von Rosenberger :

Le 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, renforcé par les éléments qui lui sont affectés, attaquera la Ligne Maginot comme suit :

1) La 6e compagnie, sous les ordres du capitaine Ernst, formera une troupe de choc composée de deux groupes, plus un groupe de pionniers équipés de détecteurs de mines, de lance-flammes et de charges explosives.

Mission : en mettant à profit l'obscurité, sans être vu par l’ennemi et sans faire de bruit, faire un passage à travers le champ de mines et de barbelés. Les mines sont à enlever et le barbelé à couper et à dégager de telle manière à aménager un passage que les troupes de choc pourront emprunter en rampant à la queue leu leu, Après cela, elles pourront se rendre maîtres des ouvrages de la Ligne Maginot par un coup de main.

Au moment même où les premiers éléments seront au contact des fortifications, les hommes de la 6e compagnie emprunteront la brèche aménagée à travers le champ de mines et de barbelés, pour appuyer l'assaut de leurs prédécesseurs

2) Dès que la brèche sera franchie par les sections d'assaut, la compagnie du génie devra ouvrir un nouveau cheminement dans le réseau, notamment à hauteur du chemin forestier menant de Niederroedern à Hatten. On pourra ainsi faire avancer le reste du bataillon, tout comme les canons automoteurs, et les mettre en position d'affronter l'ennemi.

3) Sans bruit, et articulé en profondeur, le bataillon et tous les éléments qui lui sont rattachés avanceront dans la zone boisée, au sud de Niederroedern. Les éléments de tête pousseront jusqu'à la lisière de la forêt, non loin des retranchements de la ligne fortifiée ennemie. La 7e compagnie du sous-lieutenant Volk progressera le long du côté droit du chemin, la 5e compagnie du sous-lieutenant Otto du côté gauche. Avec son armement lourd, la 8e compagnie du lieutenant Hahn cheminera à la suite de la 5e compagnie.

4) La 25e Panzer Aufklärungsabteilung progressera à travers la forêt, au sud de Niederrœdern, en direction du sud-ouest, et se mettra en position de flanquement pour couvrir la mise en place du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119. Des patrouilles de reconnaissance partiront en éclaireurs vers le sud. Dès le début de l’attaque, les groupes de reconnaissance iront au contact de la Ligne Maginot, afin de flanquer le bataillon sur sa gauche.

5) Au cours de l'investissement par surprise de la Ligne Maginot, la section des canons automoteurs restera dans le secteur de Niederrœdern, prête à entrer en action sur le champ de bataille. Dès que l'assaut aura perdu son caractère de surprise, que le bruit des chenilles ne sera plus une gêne et que le champ de mines du chemin forestier sera neutralisé, les canons automoteurs passeront à l’action. Les ordres lancés par radio déclencheront l'attaque sur Hatten, en soutien de l’infanterie du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment.

6) Dès le début de l'attaque, le bataillon déplacera son poste de commandement vers l'ouest, à la lisière de la forêt, à proximité de la ligne fortifiée. Avant que l'ordre d’attaque ne soit donné, des patrouilles devront reconnaître le secteur sud de la forêt de Niederrœdern, afin de s'assurer de l'absence d’avant-postes ennemis qui pourraient entraver la mise en place des unités prêtes à s'engager dans la bataille.

 

Le passage à l'action :

Vers 22h, les éclaireurs qui, sous les ordres du sous-lieutenant von Molo, avaient ratissé le terrain déclarèrent ne pas avoir aperçu d'ennemis, et par conséquent s'être établis à la lisière du bois, à proximité des ouvrages fortifiés, d'où ils étaient prêts à assurer la protection du bataillon, lors de sa mise en place. L’attaque pouvait donc être menée comme prévu, sous cette forme.

La section d'assaut de la 6e compagnie arriva aux environs de 23h à la position de départ, à la lisière de la forêt où les éléments de reconnaissance avaient sécurisé le secteur. Elle entreprit aussitôt de s'approcher du réseau défensif adverse établi en terrain découvert. Un seul homme progressant à plat ventre pouvait couper les barbelés du réseau, après avoir déterré et désamorcé les mines cachées dans le sol. Ce travail était fait par les pionniers. Si un homme n’en pouvait plus, il était remplacé par le suivant. L’essentiel était de ne pas faire de bruit et de ne pas attirer l'attention de l'ennemi. Au bout de plusieurs heures, le passage dans le champ de mines et de barbelés s'ouvrit de telle manière que les troupes d'assaut purent l'emprunter en rampant, homme après homme.

Aux environs de 4h du matin, les troupes d'assaut, rejointes par le commandant du 2e bataillon, avaient fini par franchir sans encombre et sans se faire remarquer, le réseau de barbelés adverse. Mais elles étaient toujours en terrain découvert.

Le ciel nuageux laissait entrevoir sporadiquement la lune qui, en cette nuit d’hiver, éclairait la scène de manière fantomatique en faisant apparaître les blocs de la Ligne Maginot comme des colosses sombres se dressant vers le ciel. Il règnait un silence absolu, pas un seul coup de feu n'avait retenti. Une distance de 100m séparait encore la section d'assaut de la première casemate; elle ne pouvait être parcourue qu'en rampant. Cet espace était-il occupé par l'adversaire ? Est-ce qu’il y avait des avant-postes, ou l’ennemi s’était-il uniquement retiré dans les casemates ? Est-ce que l’attaque surprise réussira ?

Questions sans réponses, qui vous rongent les nerfs ! Lentement, la troupe s'approcha des casemates. Quand la lune perçait à travers les nuages, tout mouvement était stoppé, comme pétrifié. Tout à coup, la section d'assaut se trouva devant la première casemate, sans s'être fait remarquer. Les hommes se faufilèrent, pour en faire le tour. Au passage, ils virent les armes dans les embrasures. Ils arrivèrent derrière la casemate à hauteur de la porte blindée. Celle-ci était verrouillée de l'intérieur. Que faire ? Les minutes passèrent. Finalement, le chef de section se mit à taper contre la porte blindée, avec la crosse d'un fusil. Rien ne bougea. A nouveau, dans le silence de la nuit, se fit entendre le bruit de la crosse martelant la porte, mais cette fois-ci de manière plus énergique. Celle-ci s’ouvrit de l’intérieur. Les soldats américains, surpris et encore somnolents, furent vaincus et faits prisonniers.



Les casemates de Hatten Nord et Sud


Le champ de bataille s'embrase :

Réveillés par le bruit, mais sans pour autant savoir ce qui se passait, les occupants de l'ouvrage voisin ouvrirent le feu en direction de l'étendue comprise entre le réseau de barbelés et la casemate prise par nos troupes d'assaut. Entre-temps, les deux groupes de la 6e compagnie avaient eux aussi emprunté le passage ouvert dans le réseau de barbelés, toujours en rampant, homme après homme, et étaient arrivés sur le champ de bataille. Avec l'appui des sections d'assaut et des pionniers déjà en place, ils attaquèrent la casemate voisine à l'aide de lance-flammes et de lance-roquettes. L’attaque battait alors son plein autour des ouvrages fortifiés, mais aussi sur le terrain alentour où étaient établies d'autres installations défensives.

A la seconde casemate, on réussit à bloquer à coups de lance-roquettes ce qui semblait être une coupole tournante, Après celà, les pionniers réussirent à défoncer la porte à l'aide d'explosifs. Un combat de corps à corps eut lieu, on se battit à coups de grenades. L’équipage de la casemate subira la défaite et les hommes seront faits prisonniers.

A ce moment, le Panzer Grenadier Regiment 35, qui était à droite du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, entra également en action car on entendit les bruits de la bataille. L'ensemble du front s'embrasa. Il faisait toujours nuit, le champ de bataille s'illuminait sporadiquement sous l'effet des obus éclairants et des balles traçantes. L’artillerie adverse effectua un tir de barrage en avant des ouvrages fortifiés, jusqu'à la lisière de la forêt d’où avait démarré l’attaque.

Mais il fallait poursuivre l'attaque, et profiter encore de l'obscurité avant que le jour ne se lève. Renforcée par les pionniers, la 6e compagnie, sous les ordres du capitaine Ernst, apporta son soutien à la 7e compagnie, ainsi qu'à une partie de la 5e compagnie, qui s'étaient engagées sur le champ de bataille, tout en progressant en direction du village de Hatten. En mettant en oeuvre des lance-flammes et des grenades, les soldats avancèrent en réduisant plusieurs positions défensives édifiées par l'ennemi, et en élargissant leur champ d'action.

 

L'échec des blindés :

Alors que le jour commençait à poindre et que le chemin forestier était complètement déminé, le capitaine von Rosenberger ordonna la mise en route immédiate de la section des canons automoteurs, avec pour objectif d'appuyer le 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119 dans sa progression sur Hatten. Dès que les canons automoteurs surgirent sur le champ de bataille, l’adversaire, devenu conscient de cette manœuvre, concentra le feu de son artillerie en direction de la lisière de la forêt, et plus précisément sur le débouché du chemin qui avait été déminé pour permettre le passage. Dès que les chars essayaient de sortir du bois, ils étaient pris à partie par d'intenses tirs antichars adverses qui occasionnèrent beaucoup de pertes parmi les blindés. Un nouvel essai, appuyé par les 5e, 6e et 7e compagnies du bataillon, fut mis en échec par l'intensité des tirs adverses.

En même temps, l’ennemi mena plusieurs contre-attaques à l'encontre du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, pour essayer de reconquérir les blocs de la Ligne Maginot, ainsi que le terrain perdu. Toutes les attaques américaines se soldèrent par un échec, avec beaucoup de pertes.

A ce moment, le commandant de la division s'avança en première ligne pour s’enquérir de la situation. Le Capitaine von Rosenberger mentionna la traversée de la Ligne Maginot, la prise de deux casemates et d’autres points d’appui, ainsi que la capture de 80 soldats américains (120 par la suite), tout ceci avec peu de pertes. Le commandant de la division exprima sa reconnaissance et s’informa si, dorénavant, il pouvait engager les blindés dans la bataille, comme le prévoyait le plan initial. Il était clair que l'objectif, c'est-à-dire la prise du village de Hatten, n'était pas atteint, et que la résistance adverse, en particulier la défense antichars, s'était nettement raidie et avait même pris de l'ampleur.

Sur le flanc droit, le Panzer Grenadier Regiment 35 avait également réussi à progresser, mais l'avance avait été de courte durée car il dut battre partiellement en retraite, les pertes devenant insoutenables.

 

Où l'expérience fait une fois de plus la différence :

Un lieu de rassemblement pour un débouché en force des unités blindées n'avait pas encore été désigné. Le capitaine von Rosenberger, ayant lui-même été longtemps commandant d'unités blindées, donna à nouveau son opinion. Il déclara que le 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119 pourrait faire déboucher une attaque avec ses propres blindés, à condition que celle-ci soit assez rapide. Les véhicules devront rouler aussi vite que possible pour empêcher la défense adverse de régler ses tirs. C'est seulement à cette condition qu'on pourrait espérer un succès, et percer la Ligne Maginot avec l'ensemble des unités. Si l'on progresse lentement, tous les blindés seront inévitablement détruits par les tirs adverses.

Après un rapide temps de réflexion, le commandant de la division se rallia à la tactique de von Rosenberger et s'en retourna pour ordonner aux unités blindées de s'engager dans le secteur du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, et de passer à l'attaque.

Le groupement Huss démarra son attaque vers 11 h. Dans un bel élan, il déboucha du couvert de la lisière et, de concert avec 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, fonça jusqu'à la limite sud du village de Hatten. Là, sous la pression des batteries antichars adverses, il bifurqua vers le nord, tandis que les fantassins du 2e bataillon du Panzer Grenadier Regiment 119, qui avaient profité du couvert des blindés pour avancer derrière eux, étaient durement accrochés par la resistance adverse. Ces derniers s'établirent alors en position défensive.

La bataille pour la prise du village de Hatten allait alors commencer.

Sous-lieutenant Alfons JENEWEIN, commandant de compagnie au P.G.R. 119.



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