L'effet des projectiles sur l'ouvrage de Schoenenbourg


Extraits du rapport de 1941, rédigé en captivité par le capitaine Pierre STROH, commandant du génie de l'ouvrage de Schoenenbourg.

IMPACTS DE 280 mm : Les deux tirs ont été effectués le 14 mai par une pièce d'A.L.V.F. (artillerie lourde sur voie ferrée) située dans le Nord-Ouest, à Budenthal, à une distance d'environ 25km. Le point moyen du premier tir (20 coups) est légèrement court et encadre les réseaux à l'Ouest de l'ouvrage. Entonnoirs 7m x 2m80. Un coup : 12 rails détruits ou projetés. Un autre coup 8 rails coupés. Dans les deux cas, le réseau de rails reste infranchissable aux chars. Le deuxième tir (13 coups), un peu plus long, a donné quelques coups près du bloc 4. Effets : nuls (un peu de terre projetée sur la tourelle).

EFFETS DES OBUS DE 420 mm : Quatre tirs dont trois de 14 coups chacun, tirés à raison de un coup toutes les 7 minutes. Distance de tir environ : 11.500 mètres. Projectiles : obus de rupture, poids 950 kg. Les dégâts sont énumérés plus loin.

TIRS D'OBUSIERS DE 150 mm  : De nombreux tirs ont été exécutés sur le fort, à partir du 10 mai, en particulier en riposte aux tirs de la section de 120 placée près du bloc 6.

Le 26 mai, un coup éclate au pied de la cloche du guetteur du bloc 5. L'explosion brise l'épiscope du créneau Nord et les débris atteignent à la tête le guetteur, qui est tué net. Pas d'autres résultats que ce coup de hasard, au cours des autres tirs.

TIRS DE CANONS DE 105 mm : Très nombreux tirs de 105. Le 14 mai, un projectile tombe sur une niche contenant des caisses à charges de 120 L. Deux caisses brûlent. Un autre projectile tombe sur un tas d'obus de 120 qu'il disperse. Depuis le 20 juin, les deux tourelles sont soumises à des tirs ajustés chaque fois qu'elles se mettent en batterie.

Le 22 juin, vers 15 heures, alors qu'elle effectue un tir vers le nord, la tourelle du bloc 3 est touchée en pleine muraille (à l'est) à la jointure muraille-coupole. La flamme et la fumée de l'explosion pénètrent dans l'étage intermédiaire de la tourelle par le joint d'avant-cuirasse. Aucun dégât, sauf une légère bavure de métal, qui empêche l'éclipse totale de la tourelle. Cette bavure est facilement enlevée dès la nuit, au burin et au marteau.

La chance a voulu que la tourelle effectue à cet instant un tir dans la direction du nord. Si, comme c'était le cas le plus fréquent, la tourelle avait tiré à l'est, une des bouches à feu aurait pu être avariée par ce coup heureux de plein fouet.

BOMBES D'AVIATION : Entonnoirs de 5 à 20 mètres de diamètre et de 2 à 8 mètres de profondeur suivant le calibre. Effets de souffle sur les créneaux. Effets de choc sur le béton. La pièce de 120 L. de la section encore en état a été projetée, face à l'ouest et enterrée sous le fascinage écrasé. Son tube émerge de quelques centimètres de l'amas des terres projetées. L'abri en sape construit entre les deux pièces est intact.

EFFETS CONSTATES SUR LES BLOCS :

Bloc 1 :  Une bombe de 500kg éclatant devant la face sud projette dans le fossé diamant le personnel qui servait un F.M. de D.C.A. Vêtements brûlés, 3 blessés légers (tympans crevés). Un cadre de mitrailleuse faussé par le souffle est rapidement remplacé.

Bloc 3 : Un coup de 420 sur le béton près de l'avant-cuirasse creuse une souille de 0,60m de profondeur sur 1m10 de large et 3m de long. Grosse secousse à tout le bloc. Dans le magasin à munitions, à 20m des impacts, le radier est fissuré et séparé des murs du fait des secousses provoquées par les bombes et les obus.

Bloc 4 : Un obus de 420 fait " camouflet " au contact de la paroi nord du bloc. Grosse secousse. Une bombe de 500 kg. tombe sur le béton à 1,50m de l'avant-cuirasse. L'entonnoir a 2 mètres de diamètre sur 0,10m de profondeur.

Le choc fissure légèrement la voûte de l'étage intermédiaire. Des éclats de béton s'engagent entre la tourelle et l'avant-cuirasse. il faut sortir les dégager pour éviter les coincements et permettre à la tourelle de pointer en direction. Une bombe de gros calibre tombe près du bloc dans le massif rocailleux. L'entonnoir a 10m de diamètre sur 5m de profondeur; le bloc est déchaussé sur 3m50.

Aux blocs 3 et 4, une cassure existe entre le radier et le puits. Elle est due aux chocs formidables encaissés par la masse des blocs.

Bloc 5 :  Un obus de 420 touche le bloc près de la cloche lance-grenades, qui n'est fermée que par une mince plaque de métal. La souille a 0,70m de profondeur sur 1m20 de large et 3m de long. La première couche de fers est mise à nu. Les bombes d'avion tombées à proximité enfouissent la tourelle sous 1m de déblais. Il faut travailler trois heures, de nuit, pour la dégager. Le tir était impossible. Les obus de 420 faisant camouflet aux environs immédiats du bloc provoquent dans les locaux inférieurs des fissures assez importantes. La chambre d'officier de ce bloc présente des cassures dans les piédroits et dans le radier par où l'eau peut pénétrer.

Bloc 6 : C'est le plus malmené. Plusieurs bombes tombées aux abords immédiats et une contre le mur sud-ouest ont disloqué l'escalier intérieur qui s'est détaché des murs. Une partie menaçant de s'écrouler a dû être abattue et réfectionnée par le Génie de l'Ouvrage. Une bombe est tombée dans le fossé diamant dont le mur a été en partie détruit. Un fort ménisque de béton s'est détaché du mur à l'intérieur de la chambre de repos et aurait blessé les hommes qui étaient couchés, si ceux-ci n'avaient été projetés en dehors des couchettes par la secousse provoquée par l'explosion.

L'antenne de T.S.F. est complètement détruite. Un obus de 420 a frappé le bloc sur la partie ouest. Le coup a arraché la cloche de prise d'air et l'a projetée à 50m. Tous les appareils radio (dont le poste est sous le point d'impact) ont été mis hors de service par le choc.

Deux cassures horizontales sont constatées dans le puits; une au radier et une à 2 mètres au-dessus du radier de la galerie; la maçonnerie du puits s'est affaissée d'environ 0m20 et s'est détachée de celle de la galerie.

Le bloc 6 était, comme les autres blocs de l'ouvrage, construit sur piliers car le sol, constitué par des sables boulants, retenait de nombreuses poches d'eau et une source existait entre les blocs 5 et 6. Le coup de 420 a été comme un formidable coup de poing qui a enfoncé légèrement tout le bloc dans le terrain mou.

Un tir prolongé de 105 dirigé sur la façade n'a donné aucun coup dans les créneaux.

Comme autres effets, à reste à signaler qu'une fissure ancienne dans la voûte du P.C. d'artillerie s'est accentuée pendant les tirs de 420, dont les points de chute les plus rapprochés sont à plus de 100m. Les lunettes de visée des jumelages de mitrailleuse des blocs 1 et 6 ont eu leur lentille extérieure encrassée par les poussières projetées par l'explosion des bombes. Il a fallu les gratter au couteau pour leur rendre leur clarté.

ESSAIS DE BOMBES AUTOPROPULSEES : Malgré les ennuis causés par ces bombardements massifs et répétés, l'ouvrage n'a pas cessé, l'artillerie en particulier, d'assurer sa mission et sa capacité de résistance reste intacte. On trouve sur l'ouvrage de nombreux tubes de couleur noire. Ils ont 40cm de long, 10 de diamètre et sont percés dans la longueur d'un canal de 2cm. On les allume facilement avec un briquet et ils brûlent rapidement en émettant un hurlement de sirène.

Ce sont probablement des relais incendiaires, destinés en même temps à augmenter la vitesse initiale des bombes et par conséquent leur pénétration. Ce sont, à notre avis, les premiers essais de bombes fusées. On a retrouvé aussi sur l'Ouvrage des débris d'avion qui prouvent que nos tirs de D.C.A. n'étaient pas inefficaces.

Pierre Stroh - 1941

L'effet des projectiles sur l'ouvrage de Schoenenbourg



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