Un projet de travaux complémentaires en 1940


FORT DE SCHOENENBOURG - 1940

UN PROJET DE TRAVAUX COMPLEMENTAIRES

Le 25 février 1940, le général d'armée commandant le front du nord-est fait émettre, à l'attention des services du génie qui lui sont subordonnés, une lettre circulaire où il demande le recensement des doléances concernant l'habitabilité, le stockage, l'approvisionnement des ouvrages de la ligne Maginot et des améliorations qu'on pourrait y apporter.

Cette circulaire arrive peu après sur le bureau du lieutenant-colonel Niel, qui est directeur des services du génie de la Région Fortifiée de la Lauter. Ce dernier va alors se déplacer sur la ligne fortifiée pour interroger un à un les commandants d'ouvrages, ainsi que leurs responsables du génie car ce sont eux qui connaissent le mieux l'infrastructure de ces fortifications.

C'est ainsi que le 14 mars 1940 se réunissent dans le bureau du SRO du fort de Schoenenbourg, le Lt-colonel Niel, le commandant Reynier, qui a autorité sur le fort, et le capitaine Stroh, commandant du génie de l'ouvrage. C'est ce dernier qui fera office de secrétaire de séance et qui rédigera le procès verbal de la conférence.

Le Lt-colonel Niel résume alors brièvement le contenu de la circulaire du Haut Commandement, circulaire déjà en possession de Reynier et de Stroh qui, pour cette occasion, ont préparé un tableau prévisionnel des travaux à envisager.

Les conférents examinent ensuite le tableau, puis se prononcent sur la nécessité de la réalisation de chacune des améliorations demandées et de leur classement dans l'ordre d'urgence décrit ci-dessous :

 

RESUME DES TRAVAUX :

TRAVAUX A CONFIER A DES SPECIALISTES DE TRAVAUX SOUTERRAINS

1ère urgence : 

- deuxième forage d'alimentation en eau et construction d'une alvéole pour réservoir d'eau de 60 m3.

2e urgence : 

 - prise d'air supplémentaire (suite à une étude déjà faite en temps de paix)

 

TRAVAUX QUI PEUVENT ETRE EXECUTES PAR LA MAIN D'ŒUVRE MILITAIRE

1ère urgence :

- locaux pour la conservation des vivres de réserve

- locaux pour la conservation des filtres de réserve

- station de refoulement des eaux de l'égout de l'ouvrage

- poste de transformation et climatisation arrière

2e urgence :

- alvéoles pour la climatisation et un atelier, tous deux aux avants

3e urgence :

- local à usage de foyer du soldat

- locaux pour le logement des secrétaires du PC

- locaux pour les services administratifs de l'ouvrage

4e urgence :

- garage pour le locotracteur





DETAIL DE LA TENEUR DES TRAVAUX :

TRAVAUX A CONFIER A DES SPECIALISTES EXTERNES

1ère urgence :

- REALISATION D'UN SECOND FORAGE D'ALIMENTATION EN EAU

Constat a été fait que les ressources journalières en eau de l'ouvrage sont à peine égales à la consommation actuelle (1940). Ainsi, le forage du casernement débite 7 mètres cubes par jour tandis que le bassin de la gare avant, qui collecte plusieurs sources, en restitue 15 m3. Mais le débit des sources de l'avant est quelque peu fluctuant et certains jours on frise la pénurie.

Proposition est donc faite de faire réaliser un forage supplémentaire d'un diamètre de 60 cm, qui se situerait à l'aplomb de la galerie principale, avec un éloignement de 7 mètres (ainsi le forage se situerait derrière le réservoir de collectage), ceci 200 mètres après le virage de la morgue.

Ce devait être véritablement un problème puisque, peu après, le génie du SFH reçut le feu vert pour mandater une entreprise civile à l'exécution de ces travaux. C'est en effet la société qui exploite le pétrole de Pechelbronn qui entreprend, à partir d'avril, un forage sur la crête qui domine l'ouvrage. N'oublions pas que l'on est en état de guerre et que bien que les Allemands et les Français passent surtout leur temps à s'observer, des éclatements d'obus se font entendre sporadiquement. Les travaux se poursuivirent jusqu'au 6 juin où enfin la tête de forage perça les couches de marnes à une profondeur de 125 mètres, pour arriver dans une strate de sable blanc susceptible de contenir de l'eau.

Mais comme les activités militaires prenaient de jour en jour de l'ampleur, l'entreprise démonta le chevalement et cimenta la tête du puits. La situation resta en l'état et nul ne sut si le forage aurait été productif.

- CONSTRUCTION D'UNE ALVEOLE POUR RESERVOIR D'EAU

Si le forage des avants avait été opérationnel, il aurait fallu le compléter par un réservoir de collectage des eaux venant de ce puits. Le rapport prévoit donc la réalisation d'une vaste alvéole abritant un réservoir en tôle d'une contenance de 60 m3. Pour cela, le capitaine Stroh prévoit 500 m3 de fouilles, 250 m3 de maçonneries et 200 m3 d'enduit.

Cette alvéole serait naturellement accessible depuis la galerie principale et aurait dû se situer à 25 mètres à droite de l'emplacement des deux petites citernes visibles de nos jours, à environ 100 mètres du PC principal. Au fond de l'alvéole, derrière le réservoir, la pompe de relevage aurait été installée sur la tête du puits, dans la même configuration que la station de pompage du casernement principal.

2e urgence :

- REALISATION D'UNE PRISE D'AIR SUPPLEMENTAIRE

Toujours dans le cadre des travaux à effectuer par des entreprises spécialisées, mais cette fois- ci en deuxième urgence, la commission Niel/Reynier/Stroh préconise la réalisation d'une prise d'air supplémentaire aux arrières. Ceci avait déjà fait l'objet de propositions établies par le service local du génie et approuvées le 20 septembre 1938 par le président du Conseil, ministre de la Défense Nationale et de la Guerre.

Quel est donc le problème ? L'aération des ouvrages se fait réglementairement en régime normal (hors attaque par gaz), dit régime air pur, en aspirant l'air du dehors par un bloc d'entrée et en rejetant mécaniquement l'air vicié par le même ou un autre bloc. Mais le règlement dit aussi "aspiration par le bloc, portes fermées, mais non étanches". De ce fait, au Schoenenbourg le renouvellement – et donc l'assèchement - de l'air aux arrières est nettement insuffisant. Ainsi, dans la cuisine, les magasins à vivres, etc., l'air stagne et favorise l'apparition de moisissures. D'après Stroh, en douze heures, le pain était moisi et immangeable. L'intendance finit par le stocker dans le hall de l'entrée des munitions, exposé aux courants d'air et aux poussières soulevées par les déchargements.

Pour ventiler correctement l'ensemble des arrières, il n'y avait alors qu'une solution, c'est d'ouvrir en grand les portes blindées et portes sas de l'entrée des munitions. Le ventilateur d'extraction de l'usine jouait alors pleinement son rôle en provoquant un appel d'air frais conséquent depuis l'entrée. Mais ce système avait des inconvénients : les déchargements dans le hall d'entrée se faisaient sous un fort courant d'air qui emmenait au passage les gaz d'échappement des camions de livraison. Cela compliquait en outre la gestion de l'ouverture et de la fermeture des portes selon les saisons et la température et déroutait quelque peu les gestionnaires du bloc. Et aussi, en cas d'alerte, il fallait fermer la porte blindée et les sas, en rendant le système inopérant.

Pour ces raisons, le capitaine Stroh, qui avait déjà alerté sa hiérarchie dès 1937, demanda la construction d'une prise d'air supplémentaire qui débouche dans l'ouvrage après les sas.

Le problème devait être général car une demande similaire avait été faite pour les ouvrages du Simserhof, du Grand Hohekirkel et du Hochwald

 

LES TRAVAUX POUVANT ETRE EXECUTES PAR LA MAIN D'ŒUVRE MILITAIRE

1ère urgence :

- LOCAUX POUR LA CONSERVATION DES VIVRES DE RESERVE

Les locaux de vivres de réserve sont trop chauds et trop humides en 1940 du fait de leur proximité avec la cuisine. Là aussi, les denrées non emballées hermétiquement comme le riz se gâtent, les emballages moisissent et les boîtes de conserves rouillent. Pour pallier à ces désagréments, les conférents préconisent alors le creusement et la construction d'un local de type galerie ayant 20 m de long et 4 de large. Il serait greffé sur la galerie principale, vraisemblablement dans la gare arrière ou après l'issue de secours secrète, dans tous les cas loin de la chaleur moite de la cuisine.

- LOCAUX POUR LA CONSERVATION DES FILTRES DE RESERVE

Alors que les ouvrages majeurs de la première génération ont été généreusement dotés de locaux de stockage, nombre de ceux entamés à un an d'intervalle, comme le Schoenenbourg, ont perdu ces espaces pourtant indispensables, pour cause de restrictions budgétaires. Il en est ainsi pour le local de stockage des filtres de réserve. De ce fait, la station de neutralisation des gaz de combat (terme officiel pour la salle des filtres) du Schoenenbourg est alors encombrée d'une quinzaine de filtres de réserve.

Ces derniers occupent l'espace de circulation entre les deux rangées de filtres montés sur leurs supports et raccordés à la tuyauterie d'arrivée et de départ. Cela est non seulement contraire aux usages mais il nous semble que toute opération de changement de filtre en cas de saturation d'une batterie aurait été hautement problématique. Hélas, nul autre endroit pour entreposer ces gros cylindres est envisageable dans l'emprise de l'usine électrique du Schoenenbourg, elle aussi construite au plus juste.

D’où la demande de construction d'une alvéole de 15 m de long et de 4 m de large, donnant sur la galerie principale, dans le secteur arrière.

- STATION DE REFOULEMENT DES EAUX DE L'EGOUT DE L'OUVRAGE

En supposant qu'un bombardement bouleverse le terrain à la sortie de l'égout en empêchant l'évacuation des eaux venant de l'intérieur du fort, il est facile d'imaginer que la situation pourrait rapidement devenir fort désagréable pour ses occupants. En effet, l'égout évacue deux sortes d'eaux : les eaux usées et les eaux de transition.

Imaginez les eaux usées de 600 hommes. Bon, en 1940, on n'en produisait pas autant qu'aujourd'hui ; n'empêche, les prévisions pour les équipages d'ouvrages fortifiés se montaient à 10 litres par individu et par jour ! De plus, les eaux de captage et d'infiltration qui ne font que traverser le fort ont un débit conséquent. Pour la petite histoire, par leur volume, les eaux de captage diluaient tellement les eaux usées (toilette, WC, cuisine, etc.) que les troupes d'intervalle qui, au dehors, avaient pris position à proximité de la sortie de l'égout, lavaient leur linge dans ce qu'ils croyaient être "le ruisseau" jusqu'à ce que le capitaine Stroh leur explique que sortaient là journellement 800 litres d'urine, des litres d'excréments bien que dilués par la soude caustique, etc.

Donc, si le débouché de l'égout avait été comblé, nul besoin d'être devin pour savoir que la petite galerie visitable d'évacuation des eaux se remplirait peu à peu et que si rien n'était fait, l'inondation gagnerait l'intérieur du fort. Aussi la commission préconisa-t-elle la construction d'une station de refoulement sous la forme d'une alvéole de 4 x 6 m (donc 24 m3), pour se doter d'un local tampon afin de se donner le temps d'intervenir pour dégager l'orifice de l'égout.

- POSTE DE TRANSFORMATION ET LOCAUX POUR LE SERVICE ELECTROMECANIQUE

Comme pour la prise d'air supplémentaire, la demande pour la création d'un poste de transformation, d'un local de climatisation et d'un local pour le service électromécanique avait déjà reçu l'aval du ministère de la Guerre le 23 juin 1939. Mais comme la guerre eut la mauvaise idée d'éclater un peu plus de 2 mois plus tard, l'affaire en resta là.

Le poste de transformation du Schoenenbourg avait été bricolé provisoirement en 1937 par l'aménagement, au pied de l'entrée des hommes, d'un bout de couloir qui deviendra la cellule haute tension, Rien à voir toutefois avec les postes de transformation des ouvrages majeurs comme Simserhof, Métrich, etc, véritables cathédrales techniques à côté desquelles le poste du Schoenenbourg non seulement faisait piètre figure, mais aussi ne présentait pas toutes les commodités de fonctionnement de ses grands frères où arrivée, transformation et distribution étaient rassemblées dans un même lieu.

L'implantation du poste au pied de l'entrée des hommes avait été préférée à un projet où l'on aurait construit une alvéole perpendiculaire à l'alvéole des Sulzer (et reliée à elle), accessible d'un côté depuis la desserte de l'usine, de l'autre côté par la desserte de l'entrée des hommes. Mais cela aurait nécessité la mise en œuvre d'un gros chantier de percement et de construction, tandis que le poste au pied de l'entrée des hommes n'induirait que des transformations de maçonneries à moindre coût.

Dans l'esprit du capitaine Stroh, le poste au pied de l'entrée des hommes ne devait être qu'un poste provisoire, à remplacer par un poste similaire à celui rejeté en 1937, mais déplacé d'une vingtaine de mètres au début du périmètre de l'usine.

Le rôle du local de climatisation est difficile à cerner. Il ne faut pas interpréter le terme de climatisation en fonction de nos connaissances actuelles. En relisant les rapports de Pierre Stroh, on sent bien que cette notion est encore vague à cette époque. Ce dernier dit, en 1941, qu'il ne lui a pas été donné d'apprécier les installations de climatisation qui étaient en cours de montage pendant le printemps 1940. Le principe était de chauffer les locaux pour éviter la condensation et de les ventiler à bon escient. Des essais relativement concluants avaient été menés à l'ouvrage de Soetrich et leur généralisation décidée en haut lieu.

Au Schoenenbourg, on peut toujours voir, à l'entrée de la caserne, l'ébauche d'un aérotherme qui a été intercalé dans la tuyauterie de la ventilation, et qui aurait été alimenté par l'eau chaude des citernes de refroidissement de l'usine. Mais l'installation resta inachevée. On parle bien de "chauffer" la caserne, alors que les quelque 150 occupants devaient sans doute la chauffer pas mal rien que par leur présence. Stroh indique que la température y oscillait entre 22 et 25 degrés. Et comme cette chaleur humaine provoquait une belle condensation, on pensait qu'en chauffant d'avantage et en ventilant quand il le fallait, on résoudrait le problème de condensation. On est loin de la climatisation telle que nous la connaissons.

Mais on peut aussi imaginer que la climatisation, dont le local contenant l'appareillage aurait été situé près de l'usine, aurait pu servir à améliorer les conditions de vie des électromécaniciens qui eux, souffraient de la chaleur. Mais là, il conviendrait plutôt de refroidir. Car, d'après Stroh, la température des bâches (citernes) de refroidissement montait ponctuellement à 35° environ, et comme elles n'étaient pas isolées du reste de l'usine, elles rayonnaient une chaleur qui réchauffait toute la centrale et rendait le séjour pénible.

Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas faire réaliser un local pour le service électromécanique. Ces spécialistes, qui travaillaient et dormaient dans l'usine même – dans des hamacs tendus en travers des couloirs - n'avaient même pas un local où ils auraient pu s'isoler tant soit peu, rédiger leur courrier, se détendre, se mettre un moment à l'abri du bruit ambiant : le Sulzer qui tourne, la pompe de refroidissement qui ronronne ou la ventilation qui gronde. Seul l'adjudant-chef responsable de l'usine avait un local à lui, situé en face de l'atelier. Là aussi, on est loin de ce qui a été fait dans les véritables gros ouvrages de la ligne Maginot.

Poste de transformation, local de climatisation et local du service électromécanique pourraient être édifiés dans un ensemble situé entre la galerie de l'usine et la galerie du bloc 8. Mais ce serait un chantier conséquent, qui nécessiterait 1400 m3 de fouilles, 750 m3 de maçonneries, 850 m3 d'enduits et 70 m3 de charpente en bois provisoire. Tout cela par la main d'oeuvre militaire et en temps de guerre. On peut se demander si Niel, Reynier et Stroh n'étaient pas un peu…optimistes.

2e urgence :

- ALVEOLE POUR LA CLIMATISATION PLUS UN ATELIER AUX AVANTS

Rien, dans les écrits de Pierre Stroh, n'est en mesure de nous éclairer sur sa vision d'un système de climatisation centralisé applicable aux blocs de combat qui sont, contrairement à la caserne, des entités séparées. Il a bien préconisé le cloisonnement des puits de blocs qui permettrait une meilleure gestion de la ventilation et la maîtrise de la condensation. Mais la climatisation ? Pourtant, la demande stipule que l'alvéole où prendraient place ces équipements pourrait être édifiée à proximité de la sous-station des avants.

Son creusement nécessiterait 500 m3 de fouilles, sa construction 250 m3 autant pour la maçonnerie que pour l'enduit.

Quant à l'atelier, les électromécaniciens en avaient bien improvisé un tout au bout de la galerie principale, juste à gauche de l'entrée du bloc 2. Mais l'endroit était excentré et pas très bien équipé ni ventilé car non prévu à l'origine. Il était évident que le fait de disposer d'un véritable atelier aux avants raccourcirait considérablement les temps d'intervention des spécialistes du génie, cela pouvait se révéler important en temps de guerre. Mais il y avait sans doute d'autres motifs. En 1941, le capitaine Stroh écrit que, par manque de locaux dans l'ouvrage, la forge et l'atelier de menuiserie/charpente avaient dû être installés à l'extérieur du fort, que ces installations n'ont pas chômé un seul jour et que leur absence s'est faite sentir après le début des bombardements.

D'où la demande de la création d'un tel atelier, mais toutefois en deuxième urgence.

3e urgence :

- LOCAL A USAGE DE FOYER DU SOLDAT

L'absence de local à usage de foyer du soldat a été une grande gêne pour hommes de troupe qui n'avaient d'autre cadre journalier, dans leurs roulements par quarts, que leur lieu de travail et périodiquement leur temps de repos dans la caserne arrière. Tout ceci avec perpétuellement les mêmes collègues sur le dos, matin, midi et soir. Pas moyen de s'isoler (ou très peu), de boire une bière avec un camarade issu du même village, mais qui n'était pas de la même arme (du fait du cloisonnement des activités par blocs et par missions, les soldats d'armes différentes n'avaient quasiment pas de contacts entre eux).

Il est probable que l'absence de foyer du soldat (alors qu'il y avait un mess pour officiers et aussi pour les sous-officiers) soit dû, une fois de plus, à des mesures d'économie. On avait déjà rogné sur le nombre de dortoirs en augmentant le nombre d'étages de 2 à 3 pour les lits, on avait rogné sur des locaux techniques et même dans beaucoup d'ouvrages sur le nombre de blocs, la liste des économies serait longue. Alors construire des locaux pour le simple confort moral de la piétaille !

Et puis, n'oublions pas que la ligne Maginot ne devait servir, selon les prévisions, qu'entre deux et trois semaines, alors pourquoi y mettre du confort. Hélas, personne n'avait prévu que les Allemands mettront 9 mois à attaquer après la déclaration du guerre et 1 mois de plus pour arriver devant le gros de la ligne Maginot. Et même si c'était toujours mieux que d'être dehors, dans les bois et les tranchées, c'était quand même 10 mois de promiscuité et d'inconfort.

C'est pour cela que la commission émit la demande de construction d'un foyer du soldat aux dimensions de 10 x 4 m, qui serait greffé sur la galerie de la caserne. Mais cela pourrait être en 3e urgence.

- LOCAUX POUR LE LOGEMENT POUR LES SECRETAIRES DU PC

Selon le récit de Lucien Sahuc, les secrétaires du poste de commandement principal (hommes de troupe et sous-officiers) s'étaient arrangés pour se soustraire à l'obligation de séjourner par roulement à la caserne. Ils ne quittaient donc que rarement le PC, sauf bien entendu durant leur repos pour fumer une cigarette à l'entrée, pour poster leur courrier, laver leur linge, acheter une bière au débit de boissons improvisé par le caporal Schramm (et toléré par le commandant) dans le blockhaus de défense situé près des magasins à artifices, ou faire quelques emplettes à Soultz-sous-forêts quand c'était leur tour d'avoir quartier libre.

Pourtant, rien n'avait été prévu pour eux en matière de couchage dans ou à proximité du poste de commandement. Le capitaine Stroh fit fabriquer une série de barres métalliques ayant la largeur du couloir de desserte du PC. Des supports furent scellés à environ 2,40 m de hauteur, de manière à recevoir les barres alors disposées tous les 4 mètres, perpendiculairement au sens du couloir (toujours visibles de nos jours). A la fin du service de 12 heures consécutives, les secrétaires grimpaient dans les hamacs accrochés aux barres pour y dormir, sans doute tout habillés. Les officiers, quant à eux, passaient sous les dormeurs pour regagner leur chambre. Ce long camping durait quand même plus de 10 mois !

La commission trouva cela inapproprié et demanda la construction d'une alvéole de 6x4 mètres, accessible depuis la desserte du PC.

Cette demande n'a sans doute pas complètement disparu dans les oubliettes puisqu'il semble qu'elle ait été concrétisée après la guerre. En effet, le local qui servait de réfectoire et de mess aux officiers du poste de commandement en 1940 a été aménagé en dortoir pour 8 hommes dans les années 1950.

- LOCAUX POUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS DE L'OUVRAGE

Prévus à l'origine dans le casernement arrière des gros ouvrages, les locaux pour les services administratifs avaient été aménagés au Schoenenbourg dans un unique local qui aurait dû être une chambre d'officier.

Il semblerait que ce fut la chambre du médecin, ce dernier ayant vraisemblablement été casé chez l'intendant, le capitaine Gros.

La raison est que le Schoenenbourg a été doté, comme un certain nombre d'autres gros ouvrages victimes des mesures d'économie, d'un casernement de type "réduit". Il suffit d'ailleurs de le comparer à celui du fort de Fermont, on aura compris de suite.

Demande est donc faite pour la construction et l'aménagement d'une alvéole de 10 m de long et 4 m de large, qui serait greffée sur la galerie de la caserne.

4e urgence :

- CONSTRUCTION D'UN GARAGE POUR LOCOTRACTEURS

Si la plupart des ouvrages importants possédant un train électrique interne ont été dotés d'un garage pour l'entretien des locotracteurs et du matériel roulant, d'autres, dont le Schoenenbourg, n'en ont pas été équipés.

Ces garages sont quelquefois impressionnants par leur taille et leur hauteur puisque comportant un pont roulant sous la voûte et une importante fosse pour intervenir sous les machines. Sans compter les armoires et étagères à pièces de rechanges, poste à souder, outillage de toute nature et, selon toute vraisemblance, le vestiaire et le couchage des spécialistes.

Au Schoenenbourg, rien de tout ça. Il fallait néanmoins trouver un palliatif. Le génie fit creuser et bétonner, avant la guerre, une fosse de maintenance qui est toujours visible au pied du bloc 7 (entrée des munitions) et reconnaissable au plancher en bois qui la recouvre, de part et d'autre des rails. Pour la circonstance, l'atelier des électromécaniciens du 15e génie (sapeurs ferroviaires) sera aménagé dans un enclos grillagé, dans l'angle de la petite gare où a été aménagée la fosse. Pour le couchage, les sapeurs du train avaient fabriqué des lits en bois qu'ils avaient installés juste à côté, dans l'alvéole en cul de sac qui donne accès aux moteurs d'ascenseurs de l'entrée.

Pour la petite histoire, cet atelier avait complètement disparu après la guerre, il a été reconstitué par l'AALMA en 2007.





L'atelier reconstitué par l'AALMA en 2007

Aussi, la commission préconise-t-elle (toutefois sans beaucoup d'illusions puisque en 4e urgence) la construction d'une alvéole de 15 m de long et 4 m de large, greffée sur la galerie principale au niveau de la demi-lune (vraisemblablement le virage d'accès au casernement).

Sur ce, nous sommes arrivés au bout du tableau établi par le capitaine Stroh. La demande sera signée par lui-même, par le commandant Reynier et le Lt-colonel Niel.

Le dossier transitera dans les mains du chef de bataillon Colson, qui commande le génie du Secteur Fortifié de Haguenau, qui le validera deux jours plus tard, soit le 16 mars 1940.

Puis le dossier montera à l'état-major du 12e corps d'armée, dont le général Dentz est le patron.

Mais deux mois plus tard, c'est la fin de la drôle de guerre, les Allemands ayant déclenché la vraie, cette fois-ci. Et là, plus question de creuser des alvéoles dans les ouvrages.

Au final, seules deux actions ont été ébauchées : le forage du puits aux avants et une tentative de climatisation du casernement. Mais aucune n'a été menée à terme.

Jean-Louis Burtscher

Sources :

- Procès verbal de conférence au sujet du plan d'extension et d'aménagement de l'ouvrage de Schoenenbourg

- Ecrits, témoignages de Pierre Stroh

- Rapport de 1941, écrit en captivité par Pierre Stroh

- Récit de M. Lucien Sahuc, calculateur au PCA du Schoenenbourg

- Hommes et ouvrages de la ligne Maginot – Mary/Hohnadel – tome 2


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