Le Schoenenbourg de 1940 à 1952


DE 1940 à 1952

Nous faisons l’examen du «bâtiment Schoenenbourg», de la manière dont celui-ci a été malmené en 1940 et en 1945, de la phase de remise en état et de celle de l’abandon.

- Juin 1940.

Entre l’entrée en vigueur de l’armistice et l’arrivée de la délégation du haut-commandement français, le capitaine Stroh a le temps d’ausculter son ouvrage. Ses constatations serviront plus tard à la rédaction du «rapport de 1941», décrivant l’état du fort après les combats. Pierre Stroh est bien l’auteur de ce mémoire de grand intérêt.

Nous l’avions attribué par erreur et par manque d’information au commandant Reynier.

Au vu des événements, on constate que, cloués sur place par l’artillerie de la Ligne Maginot dans leur tentative de débordement à hauteur d’Aschbach-Oberroedern, les assaillants allemands n’avaient d’autre choix que de matraquer le Schoenenbourg, en espérant le réduire ainsi au silence.

Ils utilisèrent pour cela l’artillerie classique, l’artillerie lourde, ainsi que l’aviation. Le cumul de ces moyens fit du fort de Schoenenbourg l’ouvrage le plus bombardé de la Ligne Maginot.

On dénombra par conséquent :

- 15 coups de 280 mm d’artillerie lourde sur voie ferrée, dont aucun coup au but

- une cinquantaine de projectiles de fort calibre (420 et 355 mm), ceci le 21, 22 et 23 juin

- 2000 coups de 105 et de 155, à partir du 15 mai

- 70 grosses bombes (Junkers 87 et Heinkel 111), le 19, 20 et 21 juin

- un certain nombre de petites bombes.

Effets constatés (sans trop entrer dans le détail) :

BLOC 1 :

1 jumelage faussé par le souffle d’une grosse bombe. Celui-ci sera réparé sur la forge de l’atelier par l’adjudant Jouan, après avoir été indisponible pendant 3/4 d’heure. Pas de dégâts dans le bloc.

BLOC 2 :

Pas de dégâts dans le bloc. Néanmoins, dans les dessous, le tableau divisionnaire est détraqué par les secousses provoquées par les explosions.

BLOC 3 :

Un coup de 420 s’est abattu sur la dalle, créant une «baignoire»

LE LENT DEMANTELEMENT :

Le premier juillet 1940, les Allemands prennent possession du Schoenenbourg. Ils vont y rester jusqu’au début de 1945. Pour l’instant, c’est l’engouement. Ils se font expliquer de long en large cette fortification qui leur a donné tant de fil à retordre et dont ils témoignent un certain respect. Des visites sont organisées dans les dessous comme sur les dessus. Des panneaux explicatifs balisent les trous de bombes de 500 kg et les cheminées produites dans le sol par la pénétration des 420. Des officiers supérieurs de toutes armes parmi lesquels on distingue le général hongrois Vitez, serpentent parmi les cratères et les entonnoirs. Au cours d’une de ces visites, les commandants des deux batteries de mortiers géants qui ont bombardé l’ouvrage revendiquent chacun les coups au but. En fait, le Schoenenbourg a été à quelques jours de l’armistice, un magnifique champ d’expérience pour les campagnes futures. Les vainqueurs relèvent scrupuleusement l’étendue des dégâts.

Puis ils étudient consciencieusement l’ouvrage, sa structure et son environnement. Ils vont jusqu’à faire des relevés hydrométriques et géologiques d’une grande précision. Non sans humour d’ailleurs, allant jusqu’à inventorier la grenouille qui a élu domicile dans le décanteur de la source qui traverse le bas du bloc 6.

L’Alsace étant désormais rattachée au grand Reich, l’organisation des Jeunesses hitlériennes fait visiter l’ouvrage de Schoenenbourg à ses jeunes adhérents du Palatinat. Régulièrement, les cadres de la H.J logent dans la caserne proche du fort.

Puis les choses se tassent, car se font jour les premiers revers de la Wehrmacht. La puissante industrie allemande n’arrive plus à satisfaire l’appétit sans cesse croissant de la machine guerrière. Alors on se sert sur le potentiel des pays conquis. Nombre d’équipements et d’armements français sont immédiatement collectés et réutilisés.

Au Schoenenbourg, les Allemands démontent deux des quatre Sulzer, pour les réutiliser on ne sait où. Nombre de ventilateurs munis de leurs moteurs sont également démontés et stockés dans la caserne de Lembach, puis acheminés vers une destination inconnue. On y retrouvera d’ailleurs la pompe de récupération d’eau du bassin de la gare des avants, tout comme le ventilateur «air normal» du bloc 1 dont le moteur a été monté sur la pompe du camp. Puis disparaissent le locotracteur Vétra (il semble que le second n’ait pas été livré) et un des deux moteurs de convertisseurs de la sous-station traction, alors que le fil du trolley est laissé intact. Dans l’atelier de l’usine, le tour est démonté et emporté au dehors, ainsi que la perceuse à colonne. Bizarrement, cela est compensé par l’installation d’un tour de fabrication allemande, qui se révélera plus tard être incomplet.

Au dehors, le réseau antichar dont les six rangées de rails fichés en terre s’étalaient à perte de vue, est déterré. Ces milliers de tonnes de bon acier seront refondus dans les hauts-fourneaux de la Ruhr. Puis sont déterrées les lignes téléphoniques militaires. Des kilomètres de câbles sont ferraillés, pour en récupérer le cuivre et le plomb. Le poste de transformation de chantier proche de l’entrée des hommes est démantelé. Pourtant, le gros câble d’alimentation électrique qui relie l’ouvrage à l’extérieur reste intact.

LES EVENEMENTS SE PRECIPITENT :

Eté 1944. Les armées alliées déferlent à travers la France. La Wehrmacht retraite continuellement sans pouvoir se rétablir. Le 23 novembre, le drapeau français flotte à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. Mais l’effet de surprise ne joue plus et la progression américaine vers le Palatinat est plutôt laborieuse. Alors que les Strasbourgeois savourent depuis trois semaines leur liberté retrouvée, la raffinerie de Pechelbronn tourne encore au bénéfice du Reich. Le réseau électrique du nord de l’Alsace ayant été partiellement déconnecté ou endommagé , ce sont les deux Sulzer du Schoenenbourg qui alimenteront la raffinerie de pétrole en courant électrique.

Quelques branchements et le tour est joué. Selon les informations de M. Pierre Jost, les moteurs tourneront jusqu’au 15 décembre 1944, puis ce sera le repli car la résistance allemande s’effondre après la prise de Haguenau, le 11. Les Américains arrivent le 15 à Soultz et atteignent la frontière allemande le 16.

Fin décembre, l’Alsace est libérée, mais pas pour longtemps. Si les premiers jours de 1945, l’opération Nordwind permit aux Allemands de reprendre une partie du terrain perdu. Le 6 janvier, les Américains organisent une ligne de résistance en prenant appui sur la Ligne Maginot. L’hiver étant particulièrement rude, cette année là, les éléments de la 79e division d’infanterie US qui défendent la route de Wissembourg s’abritent à tour de rôle sous la carapace de béton des blocs actifs du Schoenenbourg. Un des G.I.’s, sans doute impressionné par la peinture murale de l’automobiliste du bloc 1, gravera sous celle-ci une petite citation datée du 6/1/1945.

Installés sur la crête qui domine le vallon où est niché le village d’Ingolsheim, les Américains tirent sans répit sur tout ce qui se présente en face. La 245e I.D. qui leur est opposée et qui occupait précédemment les positions de la ligne Siegfried était la moins bonne unité du secteur de la Lauter; de ce fait, les Allemands n’arrivent pas à investir le village. Ce n’est que le 20 janvier que ceux-ci peuvent à nouveau progresser, profitant du retrait américain de la poche de Hatten-Rittershoffen, et par conséquent, du repli général.

Le fort de Schoenenbourg sera une fois de plus aux mains des Allemands, ceci jusqu’au 18 mars 1945. Cependant, ceux-ci ont à présent compris que progression ne signifiait plus victoire. Les Américains allaient certainement reprendre du poil de la bête, aussi, ne fallait-il pas leur laisser l’occasion de s’accrocher une fois de plus à la Ligne Maginot.

Des tonnes d’explosifs sont alors acheminées vers les ouvrages du nord de l’Alsace. Les pionniers ont eu l’ordre de ne laisser intact aucun ouvrage entre Lembach et Hunspach, de manière à ce qu’il n’y ait aucun obstacle majeur sur l’important axe de communication reliant Wissembourg à Haguenau. Toutes les casemates de ce secteur sauteront, de même que l’abri de Schoenenbourg, d’où on pourrait faire feu sur la route nationale. Pour les gros ouvrages, c’est une autre paire de manches. Il faudrait des semaines pour tout faire sauter. Les artificiers sauront rendre les forts inoffensifs et inaccessibles en dynamitant leurs entrées et en détruisant l’armement et les moyens de production d’électricité.

LA MUTILATION DU SCHOENENBOURG :

Au fort de Schoenenbourg, les pionniers allemands démontent précipitamment les deux tubes de 75 du bloc 3 et les emportent au dehors. Ils négligent pourtant les deux tubes de rechange qui sont soigneusement montés sur leur socle, à l’étage inférieur du bloc.

Le démontage des canons du bloc 3 s’étant avéré laborieux, ils se contentent alors de saboter les pièces de 75 mm du bloc 4 en faussant les berceaux. Sans doute craignaient-ils d’entreprendre de grosses manipulations, car 500 obus munis de fusées encombrent la tourelle et ses abords.

La tourelle mitrailleuses du bloc 2 est également mise hors d’usage, cette fois ci à l’aide d’explosifs. La charge n’est pas très puissante, mais elle l’est assez pour immobiliser le fût de la tourelle, hors de sa sellette.

Aux blocs d’infanterie 1 et 6, les culasses des canons antichar sont enlevées.

Entre-temps, les artificiers s’activent à l’usine où ils placent des charges contre les deux Sulzer. Les explosifs détonnent alors dans un horrible grondement. Le souffle se propage d’abord dans la travée des moteurs, puis dans les transversales, allant jusqu’à tordre la première porte sas. Du côté gauche, il s’engouffre dans l’alvéole des cuves de refroidissement, détruisant au passage le CLM. Le premier réservoir encaisse de flanc, les autres subissent la violence du souffle par le dessus. Tous les couvercles sont alors enfoncés et s’incurvent vers le bas (encore visible de nos jours).

A droite de la travée des moteurs, la tornade dévaste toutes les tuyauteries de la centrale de ventilation. Les grosses conduites ne sont plus qu’un enchevêtrement de tôles déchiquetées.

Quand la fumée se dissipe dans la salle des machines, un des Sulzer est complètement hors d’usage. Le second, en revanche, n’a pas trop souffert car il semble que la charge n’ait pas détonné. Pour preuve, il tournera à nouveau en 1946. Le tableau de distribution d’électricité est intact, mais le tableau de couplage situé près du centre de l’explosion est détérioré.

LES ENTREES SAUTENT :

A peine les grondements souterrains se sont-ils tus que se déclenchent ceux qui vont dévaster les deux entrées. Au bloc d’entrée des munitions, les Allemands ont placé une grosse quantité d’explosifs dans le hall de manutention protégé par la porte blindée, ainsi que dans la fosse du pont roulant. La mise à feu provoque un nouveau déchaînement infernal. Dans la hall de manutention, des blocs de béton sont arrachés et volent en tous sens. Le souffle qui se propage détruit au passage les bennes des deux monte-charge ainsi que les têtes de pylônes. La grosse porte blindée est tordue comme un fétu de paille.

A quelques mètres de là, la seconde charge pulvérise non seulement la fosse et le pont éclipsable, mais aussi l’épais mur qui surplombe le tout. Le monorail Tourtellier du hall avant est arraché de son support et la grille d’entrée est complètement faussée. A l’entrée des munitions, le but est atteint. Le rapport du génie daté de 1947 la décrit en ces termes : «bloc sauté, détruit aux 3/4», précisant en outre qu’à cette date la chambre de tir est toujours inaccessible, obstruée par des blocs de béton.

A l’entrée des hommes, le résultat est encore plus concluant. Ici les pionniers allemands se sont contentés de bourrer d’explosifs la chicane du couloir d’entrée. La formidable explosion arrache alors la façade qui est projetée au dehors. Le radier n’est plus qu’un grand trou d’où le souffle s’étend à l’étage inférieur. Au dessus du centre de l’explosion, la dalle est fragmentée sur toute son épaisseur et de grandes fissures rayonnent jusqu’aux contours du bloc. Tel un ouragan, l’onde de choc dévale le puits de communication avec les dessous, détruisant au passage toutes les tuyauteries d’aération, ainsi que la benne et le pylône d’ascenseur. Le souffle vint alors mourir 22 mètres plus bas, non sans avoir endommagé auparavant le tableau électrique du bas du bloc et cabossé les réservoirs d’huile du local des transformateurs.

En se repliant vers le nord, les Allemands laissent derrière eux une fortification mutilée et, c’était bien là le but, inexploitable pour un certain temps. Peu importe, car les éléments du 141e régiment de la 36e division d’infanterie US qui progressent sans combat entre Schoenenbourg et Ingolsheim le 20 mars 1945 ne songeront plus guère à s’attarder sur la Ligne Maginot. En effet, les Américains et les Français de la 3e D.I.A ont pris pied sur le sol allemand depuis la veille, le front tenu par les Allemands s’étant effondré depuis le 16.

LE TEMPS DES RAPINES ET DE L’AVENTURE :

Inexploitable ? Pas pour tout le monde. Car pour quelques mois, le fort est hors de toute autorité et de tout gardiennage. C’est alors une aubaine pour les gamins des alentours qui explorent ces mystérieux souterrains à la lueur des bougies. Car si l’entrée des hommes est peu praticable, celle des munitions est bel et bien accessible. Il suffit d’escalader les blocs de béton qui l’encombrent. Aux avants, les issues de secours sont grandes ouvertes, tout comme l’égout visible . Le fait que certaines portes blindées des dessous soient verrouillées de l’intérieur ne gêne pas les visiteurs clandestins, pour preuve, ils forceront à l’explosif celle de l’entrée du bloc 6. Peut-être étaient-ce là des soldats?

C’est aussi une aubaine pour certains adultes qui se servent abondamment en objets facilement transportables. Ainsi disparaissent tous les robinets en laiton, de petits moteurs électriques et un certain nombre de pompes à eau. 150 mètres de câble téléphonique sont volés dans la galerie principale. Tout l’outillage de l’usine est emporté. Nous avons même retrouvé les auteurs de cette dernière rapine en 1987, qui, dans un restaurant proche de l’ouvrage, se vantaient d’avoir fait place nette.

LA RECONSTRUCTION :

En 1945, le génie français reprend possession de l’ouvrage de Schoenenbourg. Le bilan est désastreux, car outre les dégradations de 1940 et 1945, celles du temps ont aussi fait leur oeuvre. En effet, par manque d’entretien, les fosses d’ascenseur des entrées et des blocs de combat sont remplies d’eau. Moteurs et mécaniques sont noyés. Aux avants, l’humidité a détérioré une partie du réseau d’éclairage.

Sombre tableau, d’autant plus qu’en 1945 personne ne sait ce qu’il va advenir de la Ligne Maginot. L’armée, qui à cette époque manque cruellement de crédits, n’a rien à investir dans la fortification que tout le monde assimile désormais à la défaite de 1940 et qui jouit maintenant d’un préjugé défavorable. Pourtant, le génie entreprend dès 1946 quelques réparations dont la fermeture de l’ouvrage et la remise en marche du Sulzer qui n’était que légèrement abîmé. Les ouvriers de l’entreprise Dietsch édifient un mur de briques pour combler le trou béant de la façade de l’entrée des hommes, pour mettre fin aux intrusions indésirables.

En 1947, l’armée dresse un inventaire complet de l’état des lieux et des équipements. Sur ce, arrivent les premières directives ordonnant la remise en état des ouvrages. Les premiers travaux sont entrepris, tel le déblaiement de l’entrée des munitions. Le Schoenenbourg sera en chantier jusqu’à la fin de 1953.

Le génie fait alors une nouvelle fois appel aux entreprises. Le premier travail sera la remise en état de l’entrée des munitions, car c’est par là que passeront obligatoirement tous les matériaux nécessaires à la rénovation interne. Une fois les déblais enlevés, on y voit déjà plus clair. C’est même plutôt rassurant, car le bloc a moins souffert qu’il n’y paraissait. La dalle de couverture est fortement fissurée, mais néanmoins réparable. On y pratiquera des injections de ciment. Le plafond sera rebétonné par dessus un parement de poutrelles métalliques qui prendront appui sur les piédroits. Dans le hall de déchargement protégé, les trous laissés par l’explosion seront comblés par du béton, le radier sera rechapé.

Le pont roulant, dont on ne voyait plus l’utilité, ne sera pas remplacé et la fosse simplement comblée et bétonnée. Le mur séparant le hall du couloir d’accès à la chambre de tir sera lui aussi rebétonné. Les filtres et la ventilation air gazé du bloc seront remplacés par une installation beaucoup plus sommaire, de nouvelles citernes à eau seront installées. La grosse porte blindée sera remplacée ultérieurement, tout comme la grille d’entrée, qui sera cette fois-ci à deux battants.

Entre 1947 et 1951, les dégradations du gros oeuvre vont être réparées. Les blocs 1 et 6 sont rénovés extérieurement, de même que les blocs d’artillerie. Toutes les traces d’impact disparaîtront. A l’usine, les deux Sulzer manquants et celui ayant sauté sont remplacés par d’autres, du même type. L’atelier des électromécaniciens est rééquipé, un locotracteur Vétra est à nouveau en mesure de circuler dans l’ouvrage. L’éclairage est presque entièrement restauré, le réseau de distribution d’eau remis en état. Néanmoins, les W.C sont encore à réviser, ce qui n’a pas de caractère d’urgence, vu que l’ouvrage ne subit pas d’occupation. Du côté de la ventilation, tout reste à faire. Telle est la situation en 1951.

Puis de nouveaux crédits permettent de pousser plus avant les travaux de finition. Pour cela on répertorie les dégâts internes tels les soulèvements de radiers. On en décèlera dans une chambre troupe de la caserne, dans la gare avant, dans les dessous de B5 et B6, ainsi que dans les soutes à munitions de B3 et B4. Des dégradations et décollements d’enduits de piédroits et fissures consécutifs aux bombardements de 1940 sont relevés dans tous les blocs de combat, ainsi que dans la galerie menant au bloc 6.

En 1952, les décollements et fissures du bloc 5 sont réparés. En 1953, c’est au tour du bloc 6 et de sa galerie d’accès. Curieusement, les travaux s’arrêteront là et ni les fissures et crevasses de B1, B2, B3, et B4 ne seront colmatées. La raison tient sans doute à la réception de la facture de remise en état des tourelles.

En effet, les réparations des tourelles des blocs 2, 3, 4, et 5, entreprises depuis 1950 viennent de s’achever. Celles-ci sont réceptionnées par le service du Matériel en date du 29.09.1953. Les 75 et les mortiers de 81 sont alors à nouveau en état de tirer. La tourelle du bloc 2, bien qu’entièrement réparée, ne sera pourtant plus en mesure de faire feu, les mitrailleuses MAC 31 de type F n’ayant jamais quitté les étagères de l’E.R.M de Strasbourg.

UN PROJET POUR L’ENTREE DES HOMMES :

En fait, le gros morceau de la reconstruction sera la réfection de l’entrée des hommes.

En 1951, le colonel Truc, directeur de la section technique des bâtiments, fortifications et travaux, émet ses appréciations dans un rapport relatif à la réparation des blocs d’entrée du Hochwald et du Schoenenbourg (trois blocs pour le Hochwald, un pour le Schoenenbourg).

Pour ce dernier, il conclut qu’il est impossible de le réparer, et soumet de ce fait les propositions suivantes :

- Remaniement du bloc démoli en 1945 en simple bloc de prise d’air et d’évacuation des fumées.

- Construction, à 50 mètres de là, d’un nouveau bloc d’entrée des hommes, doté d’une tourelle de 81 pour pouvoir participer activement à la défense du fort. Ce nouveau bloc sera relié par une galerie souterraine qui débouchera au pied du bloc «fumées». Des locaux d’habitation et de servitudes seront édifiés entre le bas du bloc 8 et le blockhaus de défense interne existant.

Ce nouveau bloc reprendra la fonction de flanquement de l’entrée des munitions à l’aide d’un canon de 105 mm.

Ce projet ne sera pas retenu, sans doute à cause du coût des locaux souterrains.

De nouvelles études sont alors entreprises et l’on se rend compte que les soubassements du bloc d’entrée sont encore utilisables. Il suffira de raser les superstructures du bloc 8 et de remonter une construction à partir des fondations existantes. Deux projets voient alors le jour. Tous deux reprennent le principe du canon de 105 en chambre de tir et d’une tourelle de 75/05 pour la défense périphérique.

Hélas, ces projets pourtant séduisants durent être encore trop onéreux. Ils firent donc place à une nouvelle étude qui, si elle reprit le principe de construction sur la semelle existante, modifia radicalement le concept de la défense des entrées. Ce nouveau bloc ne comportera plus du tout d’artillerie, ni d’armes antichar, ni même de mitrailleuses. Seuls, les fusils-mitrailleurs sous cloche GFM fourniront la couverture de feu rapprochée, l’artillerie du fort devant entrer en action le cas échéant.

C’était faire fi de bien des enseignements des combats de 1940, notamment en ce qui concerne la forte sollicitation des tourelles par rapport à la multiplicité des objectifs. Sans doute la raison du porte-monnaie a-t-elle prévalu, aussi ce projet fut-il adopté tel quel.

LA RECONSTRUCTION DE L’ENTREE DES HOMMES :

C’est en 1952 que fut entreprise la démolition de l’entrée des hommes. La reconstruction eut lieu à partir de 1953. On parvint à caser sur les anciennes fondations un bâtiment très différent de l’ancien et qui présentera bien des particularités. Par exemple, les cloches de guet de type B seraient à présent en façade, et non plus au sommet de la dalle. L’entrée du personnel se ferait par un escalier menant depuis l’extérieur à l’étage inférieur du bloc. Plus de fossé diamant, plus de visière proéminente, rien que rondeurs et formes fuyantes.

En fait, une fortification plus esthétique qu’efficace. Car c’était oublier que les échappements des Sulzer débouchaient juste au dessus de l’escalier d’entrée et que, par temps de brouillard, on risquait d’enfumer le personnel du bloc. D’ailleurs, il eut suffi d’une seule grosse bombe pour rendre cette entrée impraticable. Pourtant, on avait aussi innové dans le bon sens, car la prise d’air principale se trouvait désormais à l’arrière du bloc. L’air du dehors sera aspiré à travers un lit de rocaille recouvert de végétation, ce qui rend la prise d’air invisible et solutionne en même temps le problème du clapet antisouffle. C’est à la suite d’expériences faites à l’ouvrage de Fermont que sera appliqué le principe de prise d’air sous rocaille, non seulement à l’entrée des hommes, mais aussi aux blocs d’artillerie 3,4, et 5.

Donc les bétonnages reprennent. Selon les instructions, les cloches d’origine ont été laissées en place. L’ancienne cloche de guet de type A sera entièrement prise dans l’épaisseur de la dalle de béton, seul le sommet de la coupole émergera. Plus tard, on y forera un orifice en son centre, de manière à aménager cette cloche désormais aveugle en cloche d’observation périscopique.

La cloche lance-grenades, déplacée de 3 mètres, subsistera dans sa fonction d’origine dans l’attente d’un hypothétique armement qui ne viendra jamais. Les nouvelles cloches de type B seront insérées dans la façade. Elles transiteront par le dépôt du génie de Neubourg. Les portes blindées du sas d’entrée poseront problème, le stock de portes d’origine étant épuisé. Qu’à cela ne tienne, on utilisera des portes de récupération fabriquées par les aciéries allemandes, probablement destinées aux fortifications du mur de l’Atlantique.

C’est ainsi que l’entrée des hommes du Schoenenbourg fut dotée de portes blindées de type 728 P 3. Il en sera de même pour la casemate numéro 3 du fossé du Hochwald, reconstruite durant la même période par l’entreprise Aubry.

Le gros oeuvre achevé, l’ascenseur qui mène aux dessous fut entièrement remplacé, tout comme le pylône, le moteur et le mécanisme d’entraînement. Ces derniers ne seront plus implantés dans la fosse, en contrebas, mais trouveront place à l’étage supérieur du bloc d’entrée, par dessus la tête du pylône. Comme en 1939, la ventilation du bloc sera assurée par l’usine, tout comme le filtrage d’air gazé. Enfin, la cellule haute tension fut entièrement rénovée et mise en conformité par l’entreprise Loeber, de Schiltigheim.


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