Le Schoenenbourg de 1940 à 1952
DE 1940 à 1952
Nous faisons lexamen du
«bâtiment Schoenenbourg», de la manière dont celui-ci a été
malmené en 1940 et en 1945, de la phase de remise en état et de
celle de labandon.
- Juin 1940.
Entre lentrée en vigueur de larmistice et larrivée de la délégation du haut-commandement français, le capitaine Stroh a le temps dausculter son ouvrage. Ses constatations serviront plus tard à la rédaction du «rapport de 1941», décrivant létat du fort après les combats. Pierre Stroh est bien lauteur de ce mémoire de grand intérêt.
Nous lavions attribué par erreur et par manque dinformation au commandant Reynier.
Au vu des événements, on constate que, cloués sur place par lartillerie de la Ligne Maginot dans leur tentative de débordement à hauteur dAschbach-Oberroedern, les assaillants allemands navaient dautre choix que de matraquer le Schoenenbourg, en espérant le réduire ainsi au silence.
Ils utilisèrent pour cela
lartillerie classique, lartillerie lourde, ainsi que
laviation. Le cumul de ces moyens fit du fort de
Schoenenbourg louvrage le plus bombardé de la Ligne
Maginot.
On dénombra par conséquent :
- 15 coups de 280 mm dartillerie lourde sur voie ferrée, dont aucun coup au but
- une cinquantaine de projectiles de fort calibre (420 et 355 mm), ceci le 21, 22 et 23 juin
- 2000 coups de 105 et de 155, à partir du 15 mai
- 70 grosses bombes (Junkers 87 et Heinkel 111), le 19, 20 et 21 juin
- un certain nombre de petites bombes.
Effets constatés (sans trop entrer dans
le détail) :
BLOC 1 :
1 jumelage faussé par le souffle
dune grosse bombe. Celui-ci sera réparé sur la forge de
latelier par ladjudant Jouan, après avoir été
indisponible pendant 3/4 dheure. Pas de dégâts dans le
bloc.
BLOC 2 :
Pas de dégâts dans le bloc.
Néanmoins, dans les dessous, le tableau divisionnaire est
détraqué par les secousses provoquées par les explosions.
BLOC 3 :
Un coup de 420 sest abattu sur la
dalle, créant une «baignoire»
LE LENT DEMANTELEMENT
:
Le premier juillet 1940, les Allemands
prennent possession du Schoenenbourg. Ils vont y rester
jusquau début de 1945. Pour linstant, cest
lengouement. Ils se font expliquer de long en large cette
fortification qui leur a donné tant de fil à retordre et dont
ils témoignent un certain respect. Des visites sont organisées
dans les dessous comme sur les dessus. Des panneaux explicatifs
balisent les trous de bombes de 500 kg et les cheminées
produites dans le sol par la pénétration des 420. Des officiers
supérieurs de toutes armes parmi lesquels on distingue le
général hongrois Vitez, serpentent parmi les cratères et les
entonnoirs. Au cours dune de ces visites, les commandants
des deux batteries de mortiers géants qui ont bombardé
louvrage revendiquent chacun les coups au but. En fait, le
Schoenenbourg a été à quelques jours de larmistice, un
magnifique champ dexpérience pour les campagnes futures.
Les vainqueurs relèvent scrupuleusement létendue des
dégâts.
Puis ils étudient consciencieusement
louvrage, sa structure et son environnement. Ils vont
jusquà faire des relevés hydrométriques et géologiques
dune grande précision. Non sans humour dailleurs,
allant jusquà inventorier la grenouille qui a élu
domicile dans le décanteur de la source qui traverse le bas du
bloc 6.
LAlsace étant désormais
rattachée au grand Reich, lorganisation des Jeunesses
hitlériennes fait visiter louvrage de Schoenenbourg à ses
jeunes adhérents du Palatinat. Régulièrement, les cadres de la
H.J logent dans la caserne proche du fort.
Puis les choses se tassent, car se font
jour les premiers revers de la Wehrmacht. La puissante industrie
allemande narrive plus à satisfaire lappétit sans
cesse croissant de la machine guerrière. Alors on se sert sur le
potentiel des pays conquis. Nombre déquipements et
darmements français sont immédiatement collectés et
réutilisés.
Au Schoenenbourg, les Allemands
démontent deux des quatre Sulzer, pour les réutiliser on ne
sait où. Nombre de ventilateurs munis de leurs moteurs sont
également démontés et stockés dans la caserne de Lembach,
puis acheminés vers une destination inconnue. On y retrouvera
dailleurs la pompe de récupération deau du bassin
de la gare des avants, tout comme le ventilateur «air normal»
du bloc 1 dont le moteur a été monté sur la pompe du camp.
Puis disparaissent le locotracteur Vétra (il semble que le
second nait pas été livré) et un des deux moteurs de
convertisseurs de la sous-station traction, alors que le fil du
trolley est laissé intact. Dans latelier de lusine,
le tour est démonté et emporté au dehors, ainsi que la
perceuse à colonne. Bizarrement, cela est compensé par
linstallation dun tour de fabrication allemande, qui
se révélera plus tard être incomplet.
Au dehors, le réseau antichar dont les
six rangées de rails fichés en terre sétalaient à perte
de vue, est déterré. Ces milliers de tonnes de bon acier seront
refondus dans les hauts-fourneaux de la Ruhr. Puis sont
déterrées les lignes téléphoniques militaires. Des
kilomètres de câbles sont ferraillés, pour en récupérer le
cuivre et le plomb. Le poste de transformation de chantier proche
de lentrée des hommes est démantelé. Pourtant, le gros
câble dalimentation électrique qui relie louvrage
à lextérieur reste intact.
LES EVENEMENTS SE
PRECIPITENT :
Eté 1944. Les armées alliées
déferlent à travers la France. La Wehrmacht retraite
continuellement sans pouvoir se rétablir. Le 23 novembre, le
drapeau français flotte à nouveau sur la cathédrale de
Strasbourg. Mais leffet de surprise ne joue plus et la
progression américaine vers le Palatinat est plutôt laborieuse.
Alors que les Strasbourgeois savourent depuis trois semaines leur
liberté retrouvée, la raffinerie de Pechelbronn tourne encore
au bénéfice du Reich. Le réseau électrique du nord de
lAlsace ayant été partiellement déconnecté ou
endommagé , ce sont les deux Sulzer du Schoenenbourg qui
alimenteront la raffinerie de pétrole en courant électrique.
Quelques branchements et le tour est
joué. Selon les informations de M. Pierre Jost, les moteurs
tourneront jusquau 15 décembre 1944, puis ce sera le repli
car la résistance allemande seffondre après la prise de
Haguenau, le 11. Les Américains arrivent le 15 à Soultz et
atteignent la frontière allemande le 16.
Fin décembre, lAlsace est libérée, mais pas pour longtemps. Si les premiers jours de 1945, lopération Nordwind permit aux Allemands de reprendre une partie du terrain perdu. Le 6 janvier, les Américains organisent une ligne de résistance en prenant appui sur la Ligne Maginot. Lhiver étant particulièrement rude, cette année là, les éléments de la 79e division dinfanterie US qui défendent la route de Wissembourg sabritent à tour de rôle sous la carapace de béton des blocs actifs du Schoenenbourg. Un des G.I.s, sans doute impressionné par la peinture murale de lautomobiliste du bloc 1, gravera sous celle-ci une petite citation datée du 6/1/1945.
Installés sur la crête qui domine le
vallon où est niché le village dIngolsheim, les
Américains tirent sans répit sur tout ce qui se présente en
face. La 245e I.D. qui leur est opposée et qui occupait
précédemment les positions de la ligne Siegfried était la
moins bonne unité du secteur de la Lauter; de ce fait, les
Allemands narrivent pas à investir le village. Ce
nest que le 20 janvier que ceux-ci peuvent à nouveau
progresser, profitant du retrait américain de la poche de
Hatten-Rittershoffen, et par conséquent, du repli général.
Le fort de Schoenenbourg sera une fois
de plus aux mains des Allemands, ceci jusquau 18 mars 1945.
Cependant, ceux-ci ont à présent compris que progression ne
signifiait plus victoire. Les Américains allaient certainement
reprendre du poil de la bête, aussi, ne fallait-il pas leur
laisser loccasion de saccrocher une fois de plus à
la Ligne Maginot.
Des tonnes dexplosifs sont alors
acheminées vers les ouvrages du nord de lAlsace. Les
pionniers ont eu lordre de ne laisser intact aucun ouvrage
entre Lembach et Hunspach, de manière à ce quil ny
ait aucun obstacle majeur sur limportant axe de
communication reliant Wissembourg à Haguenau. Toutes les
casemates de ce secteur sauteront, de même que labri de
Schoenenbourg, doù on pourrait faire feu sur la route
nationale. Pour les gros ouvrages, cest une autre paire de
manches. Il faudrait des semaines pour tout faire sauter. Les
artificiers sauront rendre les forts inoffensifs et inaccessibles
en dynamitant leurs entrées et en détruisant larmement et
les moyens de production délectricité.
LA MUTILATION DU
SCHOENENBOURG :
Au fort de Schoenenbourg, les pionniers
allemands démontent précipitamment les deux tubes de 75 du bloc
3 et les emportent au dehors. Ils négligent pourtant les deux
tubes de rechange qui sont soigneusement montés sur leur socle,
à létage inférieur du bloc.
Le démontage des canons du bloc 3
sétant avéré laborieux, ils se contentent alors de
saboter les pièces de 75 mm du bloc 4 en faussant les berceaux.
Sans doute craignaient-ils dentreprendre de grosses
manipulations, car 500 obus munis de fusées encombrent la
tourelle et ses abords.
La tourelle mitrailleuses du bloc 2 est
également mise hors dusage, cette fois ci à laide
dexplosifs. La charge nest pas très puissante, mais
elle lest assez pour immobiliser le fût de la tourelle,
hors de sa sellette.
Aux blocs dinfanterie 1 et 6, les
culasses des canons antichar sont enlevées.
Entre-temps, les artificiers
sactivent à lusine où ils placent des charges
contre les deux Sulzer. Les explosifs détonnent alors dans un
horrible grondement. Le souffle se propage dabord dans la
travée des moteurs, puis dans les transversales, allant
jusquà tordre la première porte sas. Du côté gauche, il
sengouffre dans lalvéole des cuves de
refroidissement, détruisant au passage le CLM. Le premier
réservoir encaisse de flanc, les autres subissent la violence du
souffle par le dessus. Tous les couvercles sont alors enfoncés
et sincurvent vers le bas (encore visible de nos jours).
A droite de la travée des moteurs, la
tornade dévaste toutes les tuyauteries de la centrale de
ventilation. Les grosses conduites ne sont plus quun
enchevêtrement de tôles déchiquetées.
Quand la fumée se dissipe dans la salle
des machines, un des Sulzer est complètement hors dusage.
Le second, en revanche, na pas trop souffert car il semble
que la charge nait pas détonné. Pour preuve, il tournera
à nouveau en 1946. Le tableau de distribution
délectricité est intact, mais le tableau de couplage
situé près du centre de lexplosion est détérioré.
LES ENTREES SAUTENT
:
A peine les grondements souterrains se
sont-ils tus que se déclenchent ceux qui vont dévaster les deux
entrées. Au bloc dentrée des munitions, les Allemands ont
placé une grosse quantité dexplosifs dans le hall de
manutention protégé par la porte blindée, ainsi que dans la
fosse du pont roulant. La mise à feu provoque un nouveau
déchaînement infernal. Dans la hall de manutention, des blocs
de béton sont arrachés et volent en tous sens. Le souffle qui
se propage détruit au passage les bennes des deux monte-charge
ainsi que les têtes de pylônes. La grosse porte blindée est
tordue comme un fétu de paille.
A quelques mètres de là, la seconde
charge pulvérise non seulement la fosse et le pont éclipsable,
mais aussi lépais mur qui surplombe le tout. Le monorail
Tourtellier du hall avant est arraché de son support et la
grille dentrée est complètement faussée. A
lentrée des munitions, le but est atteint. Le rapport du
génie daté de 1947 la décrit en ces termes : «bloc sauté,
détruit aux 3/4», précisant en outre quà cette date la
chambre de tir est toujours inaccessible, obstruée par des blocs
de béton.
A lentrée des hommes, le
résultat est encore plus concluant. Ici les pionniers allemands
se sont contentés de bourrer dexplosifs la chicane du
couloir dentrée. La formidable explosion arrache alors la
façade qui est projetée au dehors. Le radier nest plus
quun grand trou doù le souffle sétend à
létage inférieur. Au dessus du centre de
lexplosion, la dalle est fragmentée sur toute son
épaisseur et de grandes fissures rayonnent jusquaux
contours du bloc. Tel un ouragan, londe de choc dévale le
puits de communication avec les dessous, détruisant au passage
toutes les tuyauteries daération, ainsi que la benne et le
pylône dascenseur. Le souffle vint alors mourir 22 mètres
plus bas, non sans avoir endommagé auparavant le tableau
électrique du bas du bloc et cabossé les réservoirs
dhuile du local des transformateurs.
En se repliant vers le nord, les
Allemands laissent derrière eux une fortification mutilée et,
cétait bien là le but, inexploitable pour un certain
temps. Peu importe, car les éléments du 141e régiment de la
36e division dinfanterie US qui progressent sans combat
entre Schoenenbourg et Ingolsheim le 20 mars 1945 ne songeront
plus guère à sattarder sur la Ligne Maginot. En effet,
les Américains et les Français de la 3e D.I.A ont pris pied sur
le sol allemand depuis la veille, le front tenu par les Allemands
sétant effondré depuis le 16.
LE TEMPS DES RAPINES ET
DE LAVENTURE :
Inexploitable ? Pas pour tout le monde.
Car pour quelques mois, le fort est hors de toute autorité et de
tout gardiennage. Cest alors une aubaine pour les gamins
des alentours qui explorent ces mystérieux souterrains à la
lueur des bougies. Car si lentrée des hommes est peu
praticable, celle des munitions est bel et bien accessible. Il
suffit descalader les blocs de béton qui
lencombrent. Aux avants, les issues de secours sont grandes
ouvertes, tout comme légout visible . Le fait que
certaines portes blindées des dessous soient verrouillées de
lintérieur ne gêne pas les visiteurs clandestins, pour
preuve, ils forceront à lexplosif celle de lentrée
du bloc 6. Peut-être étaient-ce là des soldats?
Cest aussi une aubaine pour
certains adultes qui se servent abondamment en objets facilement
transportables. Ainsi disparaissent tous les robinets en laiton,
de petits moteurs électriques et un certain nombre de pompes à
eau. 150 mètres de câble téléphonique sont volés dans la
galerie principale. Tout loutillage de lusine est
emporté. Nous avons même retrouvé les auteurs de cette
dernière rapine en 1987, qui, dans un restaurant proche de
louvrage, se vantaient davoir fait place nette.
LA RECONSTRUCTION :
En 1945, le génie français reprend
possession de louvrage de Schoenenbourg. Le bilan est
désastreux, car outre les dégradations de 1940 et 1945, celles
du temps ont aussi fait leur oeuvre. En effet, par manque
dentretien, les fosses dascenseur des entrées et des
blocs de combat sont remplies deau. Moteurs et mécaniques
sont noyés. Aux avants, lhumidité a détérioré une
partie du réseau déclairage.
Sombre tableau, dautant plus
quen 1945 personne ne sait ce quil va advenir de la
Ligne Maginot. Larmée, qui à cette époque manque
cruellement de crédits, na rien à investir dans la
fortification que tout le monde assimile désormais à la
défaite de 1940 et qui jouit maintenant dun préjugé
défavorable. Pourtant, le génie entreprend dès 1946 quelques
réparations dont la fermeture de louvrage et la remise en
marche du Sulzer qui nétait que légèrement abîmé. Les
ouvriers de lentreprise Dietsch édifient un mur de briques
pour combler le trou béant de la façade de lentrée des
hommes, pour mettre fin aux intrusions indésirables.
En 1947, larmée dresse un
inventaire complet de létat des lieux et des équipements.
Sur ce, arrivent les premières directives ordonnant la remise en
état des ouvrages. Les premiers travaux sont entrepris, tel le
déblaiement de lentrée des munitions. Le Schoenenbourg
sera en chantier jusquà la fin de 1953.
Le génie fait alors une nouvelle fois
appel aux entreprises. Le premier travail sera la remise en état
de lentrée des munitions, car cest par là que
passeront obligatoirement tous les matériaux nécessaires à la
rénovation interne. Une fois les déblais enlevés, on y voit
déjà plus clair. Cest même plutôt rassurant, car le
bloc a moins souffert quil ny paraissait. La dalle de
couverture est fortement fissurée, mais néanmoins réparable.
On y pratiquera des injections de ciment. Le plafond sera
rebétonné par dessus un parement de poutrelles métalliques qui
prendront appui sur les piédroits. Dans le hall de déchargement
protégé, les trous laissés par lexplosion seront
comblés par du béton, le radier sera rechapé.
Le pont roulant, dont on ne voyait plus
lutilité, ne sera pas remplacé et la fosse simplement
comblée et bétonnée. Le mur séparant le hall du couloir
daccès à la chambre de tir sera lui aussi rebétonné.
Les filtres et la ventilation air gazé du bloc seront remplacés
par une installation beaucoup plus sommaire, de nouvelles
citernes à eau seront installées. La grosse porte blindée sera
remplacée ultérieurement, tout comme la grille dentrée,
qui sera cette fois-ci à deux battants.
Entre 1947 et 1951, les dégradations du
gros oeuvre vont être réparées. Les blocs 1 et 6 sont
rénovés extérieurement, de même que les blocs
dartillerie. Toutes les traces dimpact
disparaîtront. A lusine, les deux Sulzer manquants et
celui ayant sauté sont remplacés par dautres, du même
type. Latelier des électromécaniciens est rééquipé, un
locotracteur Vétra est à nouveau en mesure de circuler dans
louvrage. Léclairage est presque entièrement
restauré, le réseau de distribution deau remis en état.
Néanmoins, les W.C sont encore à réviser, ce qui na pas
de caractère durgence, vu que louvrage ne subit pas
doccupation. Du côté de la ventilation, tout reste à
faire. Telle est la situation en 1951.
Puis de nouveaux crédits permettent de
pousser plus avant les travaux de finition. Pour cela on
répertorie les dégâts internes tels les soulèvements de
radiers. On en décèlera dans une chambre troupe de la caserne,
dans la gare avant, dans les dessous de B5 et B6, ainsi que dans
les soutes à munitions de B3 et B4. Des dégradations et
décollements denduits de piédroits et fissures
consécutifs aux bombardements de 1940 sont relevés dans tous
les blocs de combat, ainsi que dans la galerie menant au bloc 6.
En 1952, les décollements et fissures
du bloc 5 sont réparés. En 1953, cest au tour du bloc 6
et de sa galerie daccès. Curieusement, les travaux
sarrêteront là et ni les fissures et crevasses de B1, B2,
B3, et B4 ne seront colmatées. La raison tient sans doute à la
réception de la facture de remise en état des tourelles.
En effet, les réparations des tourelles
des blocs 2, 3, 4, et 5, entreprises depuis 1950 viennent de
sachever. Celles-ci sont réceptionnées par le service du
Matériel en date du 29.09.1953. Les 75 et les mortiers de 81
sont alors à nouveau en état de tirer. La tourelle du bloc 2,
bien quentièrement réparée, ne sera pourtant plus en
mesure de faire feu, les mitrailleuses MAC 31 de type F
nayant jamais quitté les étagères de lE.R.M de
Strasbourg.
UN PROJET POUR
LENTREE DES HOMMES :
En fait, le gros morceau de la reconstruction sera la réfection de lentrée des hommes.
En 1951, le colonel Truc, directeur de
la section technique des bâtiments, fortifications et travaux,
émet ses appréciations dans un rapport relatif à la
réparation des blocs dentrée du Hochwald et du
Schoenenbourg (trois blocs pour le Hochwald, un pour le
Schoenenbourg).
Pour ce dernier, il conclut quil est impossible de le réparer, et soumet de ce fait les propositions suivantes :
- Remaniement du bloc démoli en 1945 en simple bloc de prise dair et dévacuation des fumées.
- Construction, à 50 mètres de là, dun nouveau bloc dentrée des hommes, doté dune tourelle de 81 pour pouvoir participer activement à la défense du fort. Ce nouveau bloc sera relié par une galerie souterraine qui débouchera au pied du bloc «fumées». Des locaux dhabitation et de servitudes seront édifiés entre le bas du bloc 8 et le blockhaus de défense interne existant.
Ce nouveau bloc reprendra la fonction de
flanquement de lentrée des munitions à laide
dun canon de 105 mm.
Ce projet ne sera pas retenu, sans doute
à cause du coût des locaux souterrains.
De nouvelles études sont alors
entreprises et lon se rend compte que les soubassements du
bloc dentrée sont encore utilisables. Il suffira de raser
les superstructures du bloc 8 et de remonter une construction à
partir des fondations existantes. Deux projets voient alors le
jour. Tous deux reprennent le principe du canon de 105 en chambre
de tir et dune tourelle de 75/05 pour la défense
périphérique.
Hélas, ces projets pourtant séduisants
durent être encore trop onéreux. Ils firent donc place à une
nouvelle étude qui, si elle reprit le principe de construction
sur la semelle existante, modifia radicalement le concept de la
défense des entrées. Ce nouveau bloc ne comportera plus du tout
dartillerie, ni darmes antichar, ni même de
mitrailleuses. Seuls, les fusils-mitrailleurs sous cloche GFM
fourniront la couverture de feu rapprochée, lartillerie du
fort devant entrer en action le cas échéant.
Cétait faire fi de bien des
enseignements des combats de 1940, notamment en ce qui concerne
la forte sollicitation des tourelles par rapport à la
multiplicité des objectifs. Sans doute la raison du
porte-monnaie a-t-elle prévalu, aussi ce projet fut-il adopté
tel quel.
LA RECONSTRUCTION DE
LENTREE DES HOMMES :
Cest en 1952 que fut entreprise la
démolition de lentrée des hommes. La reconstruction eut
lieu à partir de 1953. On parvint à caser sur les anciennes
fondations un bâtiment très différent de lancien et qui
présentera bien des particularités. Par exemple, les cloches de
guet de type B seraient à présent en façade, et non plus au
sommet de la dalle. Lentrée du personnel se ferait par un
escalier menant depuis lextérieur à létage
inférieur du bloc. Plus de fossé diamant, plus de visière
proéminente, rien que rondeurs et formes fuyantes.
En fait, une fortification plus
esthétique quefficace. Car cétait oublier que les
échappements des Sulzer débouchaient juste au dessus de
lescalier dentrée et que, par temps de brouillard,
on risquait denfumer le personnel du bloc. Dailleurs,
il eut suffi dune seule grosse bombe pour rendre cette
entrée impraticable. Pourtant, on avait aussi innové dans le
bon sens, car la prise dair principale se trouvait
désormais à larrière du bloc. Lair du dehors sera
aspiré à travers un lit de rocaille recouvert de végétation,
ce qui rend la prise dair invisible et solutionne en même
temps le problème du clapet antisouffle. Cest à la suite
dexpériences faites à louvrage de Fermont que sera
appliqué le principe de prise dair sous rocaille, non
seulement à lentrée des hommes, mais aussi aux blocs
dartillerie 3,4, et 5.
Donc les bétonnages reprennent. Selon
les instructions, les cloches dorigine ont été laissées
en place. Lancienne cloche de guet de type A sera
entièrement prise dans lépaisseur de la dalle de béton,
seul le sommet de la coupole émergera. Plus tard, on y forera un
orifice en son centre, de manière à aménager cette cloche
désormais aveugle en cloche dobservation périscopique.
La cloche lance-grenades, déplacée de
3 mètres, subsistera dans sa fonction dorigine dans
lattente dun hypothétique armement qui ne viendra
jamais. Les nouvelles cloches de type B seront insérées dans la
façade. Elles transiteront par le dépôt du génie de Neubourg.
Les portes blindées du sas dentrée poseront problème, le
stock de portes dorigine étant épuisé. Quà cela
ne tienne, on utilisera des portes de récupération fabriquées
par les aciéries allemandes, probablement destinées aux
fortifications du mur de lAtlantique.
Cest ainsi que lentrée des
hommes du Schoenenbourg fut dotée de portes blindées de type
728 P 3. Il en sera de même pour la casemate numéro 3 du fossé
du Hochwald, reconstruite durant la même période par
lentreprise Aubry.
Le gros oeuvre achevé, lascenseur qui mène aux dessous fut entièrement remplacé, tout comme le pylône, le moteur et le mécanisme dentraînement. Ces derniers ne seront plus implantés dans la fosse, en contrebas, mais trouveront place à létage supérieur du bloc dentrée, par dessus la tête du pylône. Comme en 1939, la ventilation du bloc sera assurée par lusine, tout comme le filtrage dair gazé. Enfin, la cellule haute tension fut entièrement rénovée et mise en conformité par lentreprise Loeber, de Schiltigheim.