La vie  dans l’ouvrage de Schoenenbourg


Préambule :

En 1938 j’ai été plongé dans les travaux de ce que l’on appelait encore par habitude « la tranche II » du fait du départ de mon prédécesseur qui n’avait eu cette affectation que pendant quelques mois. C’est le lieutenant Brice qui m’a mis au courant de la routine des Chefferies que j’ignorais

Il faut dire que, sortant des écoles, j ‘avais été plus de deux ans dans le régiment des Alpes à Grenoble et qu’il a fallu m’initier au travail des ciseaux et de la colle pour préparer les cahiers des charges, les appels d’offres, les marchés, sans compter la correspondance et la surveillance des chantiers.

Le principe de la Chefferie était (comme il est toujours) de recourir à des entreprises sur appel d’offres ; nous avions sur place deux adjudants du service du Génie (Hascouët à Hunspach et Muzeau à Oberroedern), ainsi que deux ingénieurs. Au bureau d’études de Haguenau, j’avais tous les documents nécessaires pour le travail journalier.


Alerte de 1938 et les suivantes :

D’autres alertes s’étaient déjà produites au fur et à mesure des menaces d’Hitler,  celle de 1938 (le «coup de Munich ») fut la première pour moi. Elle offrit bien des enseignements. En particulier, les frontaliers arrivèrent à la mesure 21, mais ils avaient tellement consommé d’eau de vie qu’ils n’étaient plus mobilisables. Ils restèrent plusieurs jours en veston ou en gilet ou en sabots car la délivrance des effets n’était pas au point. Pour ma part, je faisais débarrasser les chantiers d’étanchement des intrados des galeries (voir plus loin humidité et infiltrations), car les compresseurs, le sable, les bois, les outils gênaient le passage dans la grande galerie et dans les locaux de Schoenenbourg.

Un capitaine de vaisseau passa le jour où l’alerte se terminait et entendit un à un tous les officiers qu’il rencontra durant son inspection. Il écouta les sous-officiers électromécaniciens qui étaient responsables de l’usine, des moyens mécaniques de manutention et des installations d’énergie dont les études avaient été guidées par la Marine. Sans doute sous son influence, nos plaintes et nos demandes furent écoutées.

A l’alerte des Sudètes, en mars 1939, de grands progrès avaient été faits. Les maires avaient fermé les débits de boisson. Les approvisionnements étaient mieux constitués. Chacun savait où il allait et ce qu’il avait à faire.

A la mesure 41 du 24 août 1939, tous étaient à leurs postes. Ils étaient arrivés la mort dans l’âme, mais très maîtres d’eux-mêmes, chacun avec sa cantine et sa valise, et saluaient les camarades déjà connus tout en s’habillant en militaires et en se réinstallant dans les lieux.

Les deux alertes, de Munich et des Sudètes avaient été d’excellents exercices de mobilisation. La première avait démontré l’insuffisance de la seule préparation sur le papier. Celle des Sudètes et celle de la Pologne ont donné de la sûreté aux gestes de chacun.



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