Les combats dans le Secteur Fortifié de Haguenau


20 juin 1940

Au petit jour, les blocs du ravin Miconet sont pris à partie par les armes automatiques et les 88 de rupture ennemis. Un bloc est détruit. Il devient difficile de circuler sur la crête, même dans les boyaux (C.A. du lieutenant Imbona).

L'ennemi entreprend dès la début de la matinée un tir systématique sur les casemates d'Aschbach et d'Oberroerdern.

Vers 11 heures, les destructions du Finkenmuhl de Leiterswiller et de Hoffen sautent. Vers 14 heures, l'action de l'artillerie ennemie qui s'accentue sur tout le quartier d'Oberroedern prend les apparences d'une préparation d'attaque .

A 16h30, des vagues successives d'avions commencent un bombardement systématique des casemates. Les avions, après avoir reconnu les casemates, piquent chacun leur tour sur leur objectif en lâchant leurs bombes parfois à moins de 100 m. d'altitude.

D'une façon générale, chaque avion lâche une grosse bombe centrale et quatre petites. L'acharnement que l'ennemi apporte dans l'accomplissement de sa mission fait mal à voir, ce n'est pas un combat mais un exercice rendu facile par l'absence totale de moyens de défense (D.C.A., avions de chasse). Les casemates d'Aschbach et d' Oberroerdern Nord sont les plus visées.

Cette dernière est la plus atteinte. Une brèche et provoquée dans le mur de soutènement (côté Nord) par une bombe de gros calibre tombée dans le fossé diamant. Les cloisons intérieures sont fendues et écroulées. Une poussière et une épaisse fumée envahissent la casemate.

Les dégats dans la casemateOberroedern Nord

Il convient ici de noter que la casemate d'Oberroerdern Nord inscrit une belle page au journal de marche du bataillon. Extrait de notes prises par un homme de l'équipage " A la suite des bombardements, la casemate se trouve isolée de tous et de tout. L'obscurité est totale. La fumée des bombes pénètre dans le casemate. L'air est rempli de poussière de béton .

Le moral de l'équipage est ébranlé par le bombardement et ses résultats sur la casemate.

Le lieutenant Vialle rappelle à ses hommes l'exemple de nos anciens de Verdun.

Vous êtes bien français, nos chambres de tir sont intactes, nous avons des munitions, nous devons tenir et ils ne passeront pas. La Marseillaise s'élève. L'appel de l'équipage est fait : tous vivants, chacun rejoint son poste.

Les deux casemates d'Aschbach sont moins atteintes mais les câbles téléphoniques sont coupés à proximité des casemates d'Aschbach Est et Oberroedern Nord. De la Seltz et de l'abri de Hoffen, sur les trois casemates de la crête, il ne s'est pas déversé moins de 70 bombes en quelques minutes.

Dans le même instant, l'abri de Hoffen n'est pas épargné. On peut se demander si l'ennemi ne croit pas trouver là un P.C. L'abri s'est fendu, les cloisons sont atteintes, la porte a été arrachée, une épaisse fumée envahit l'ouvrage, le puits crevé déborde, il y a quelques blessés.

Le capitaine Quinet prend la décision de faire sortir de l'abri ce qui n'est pas troupe combattante. Il envoie au P.C. du sous-secteur le lieutenant Imbona pour demander au commandant Henry l'autorisation de déplacer son P.C. Le commandant Henry est d'accord.

Il prescrit au capitaine Quinet de s'installer soit à la boîte de coupure 500 m S.E. de Leiterswiller soit à l'ancien P.C. de Rittershoffen. Il envoie une équipe de transmission pour établir à ces endroits une liaison téléphonique.

Tandis que le capitaine Quinet, le lieutenant Imbona et leurs sections de commandement se transportent à la boîte de coupure I.15, une nouvelle vague d'avions envahit le ciel du secteur.

Un nouveau bombardement commence, les objectifs sont les casemates de Hoffen (1/79), d'Oberroedern N. et S. et de la Seltz. Ces deux dernières sont très sérieusement atteintes, mais conservent une intégrité de feux presque totale.

Les communications téléphoniques de la Seltz sont coupées. Pendant ces différents bombardements d'aviation, l'action de l'artillerie ennemie ne s'est pas ralentie sur tout le quartier d'Oberroedern et principalement sur la crête d'Aschbach et la casemate d'Oberroedern Nord. Les obus fumigènes font leur apparition. L'ennemi cherche manifestement à aveugler les casemates. En même temps, les pièces d'artillerie à tir tendu concentrent un tir systématique de destruction sur les casemates et les créneaux des blocs d'intervalles.

La presque totalité des cloches des casemates d'Aschbach et d'Oberroedern N. et S. sont mises hors d'état de servir. Le Sergent Delsart est tué par un projectile de rupture à son poste de combat dans la cloche d'Oberroedern Sud. La cloche d'observatoire d'artillerie d'Aschbach est est mise également hors de combat.

La cloche G.F.M. de la casemate Oberroedern Sud
dans la quelle est mort le sergent-chef Delsart


Dès l'arrêt des tirs d'artillerie, l'infanterie attaque. L'approche des fantassins aux abords des casemates est rendue possible par l'anéantissement des cloches. L'ennemi est toutefois pris à partie par les casemates voisines et les mortiers. Son avance est de ce fait rendue difficile et meurtrière ; principalement sur les casemates d'Oberroedern N. et Aschbach E où l'ennemi semble vouloir percer.

Les Allemands qui ont réussi à se frayer des brèches dans le réseau apportent un matériel important autour de la casemate d'Oberroedern Nord. Des spécialistes s'apprêtent à faire sauter les embrasures des créneaux, cependant que 4 pièces de 37 en batterie à 300 m et plusieurs mitrailleuses protègent leur action et neutralisent les cloches.

La résistance de l'équipage est magnifique. Il se défend par les moyens dont il dispose encore. L'attaque est menée par le coté Est. La cloche de mitrailleuses, le canon de 47 agissant par son souffle et un mortier de 50 restés intacts prennent l'assaillant à partie. Par les créneaux de défense rapprochée, le lieutenant Vialle tire à coups de revolver, des grenades lancées dans le fossé diamant par les goulottes.

De la casemate d'Aschbach Est, sur le signal 6 feux verts (sommes encerclés tirez sur nous) lancé par le lieutenant Vialle, les soldats Vannesson et Breton tirent au mortier de 50 sur Oberroedern N. jusqu'à ce que leur tube ( le dernier) soit sectionné par un projectile ennemi.

Depuis un moment déjà, le sergent Martin au jumelage et le sergent-chef Mugg au canon de 47 prenaient à partie les fantassins ennemis. Pas une des tentatives ennemies pour faire sauter les créneaux n'aboutit. Les pertes de l'ennemi sont lourdes, les assaillants refluent abandonnant sur le terrain de nombreux morts et un matériel important (mitraillettes, charges allongées, pétards, grenades, munitions, caisse d'obus de 37, équipements etc. De son coté, la casemate d'Aschbach Ouest prend à partie deux infiltrations ennemies, l'une dans le ravin à l'ouest d'Aschbach Est, l'autre dans le ravin N.E.. Là encore l'ennemi doit se replier.

Dans les intervalles, l'action de l'ennemi se manifeste également, le sergent-chef Kerneiss après avoir tiré de nombreuses rafales de mitrailleuse est tué sur sa pièce par un projectile percutant. Par la suite les munitions du bloc prennent feu et le corps de Kerneiss est carbonisé. Le soldat Thomas, blessé à son poste, meurt quelques instants plus tard dans le boyau.

Sur la crête, entre les casemates d'Hoffen et d'Aschbach, les blocs de mitrailleuses et de F.M. sont l'objet d'un tir de destruction par obus de rupture. Les soldats Rossi et Boudault sont tués sur leurs pièces. Sur la crête entre les casemates Oberroedern Nord et Sud, l'ennemi tente également de s'infiltrer, mais les hommes du P.A.4 bis sous l'impulsion de leur chef le sergent Hauser réussissent à arrêter l'ennemi.

A la tombée de la nuit la situation est la suivante : une tentative d'infiltration est signalée par le commandant Henry au ravin Miconet et à l'ouest de la cote 169s.

Une reconnaissance faite par le capitaine Quinet entre 19 et 20 heures prouve que :

1) l'ennemi n'est pas passé à l'intérieur de la position.

2) les casemates d'Aschbach et d'Oberroedern sont serrées de très près par l'ennemi. Aschbach Est et Oberroedern Nord sont encerclées.

Le capitaine Quinet établit son P.C.. dans la tranchée qui se trouve près de l'ancien P.C. de Rittershoffen. Les communications téléphoniques n'ayant pu être rétablies, la liaison avec le P.C. du sous-secteur n'est plus possible que par agent de liaison .

Dans la nuit, les casemates lancent des fusées éclairantes et effectuent des tirs repérés. A Aschbach Est, le Lieutenant Beck, le caporal Choquet et le soldat Wollenschneider montent sur la casemate et bien qu'encerclés réussissent à boucher les créneaux des cloches avec des sacs à terre. Les soldats Goetz et Frade du groupe franc réussissent à atteindre Aschbach Est et Oberroedern Nord.


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