Edouard TERNOIR - Les combats


Chef de pièce

Cloche JM de la cloche d’Aschbach Ouest

L’ouvrage de Schoenenbourg est un de ceux qui à le plus souffert des bombardements allemands. On estime à trois mille le nombre d’obus de tous calibres tombés dans le secteur. Mais de leur coté, les artilleurs de Schoenenbourg ont tiré entre le 14 et le 25 juin 1940 - 12776 obus de 75 mm et 612 obus de 81 mm.

C’est surtout le 20 juin que les artilleurs se sont distingués. Sur demande de la casemate d'Aschbach Ouest, ils ont fourni un tir de barrage sur le ravin Miconnet, à 300 mètres à l'Ouest du bourg d’Aschbach où l’ennemi s'était infiltré, avec une rapidité et une précision qui méritent d’être soulignées. Leur intervention a certainement été décisive dans l’issue des combats. L'ennemi mis en déroute s’est retiré, laissant sur place huit morts et un matériel important. Il y avait même un énorme drapeau à croix gammée. Le Gefreiter (caporal) Freytag, s'il est encore en vie pourra parler en connaissance de cause. Il se trouvait dans le ravin lorsque les premiers obus sont tombés. Il n’a trouvé son salut que dans la fuite comme bon nombre de ses compagnons. Il est revenu huit jours plus tard pour récupérer son sac à paquetage. Il ne cessait de maudire ces canons du diable que les Allemands appelaient les Ratsch-Boum.

On sait qu'après le 10 juin 1940 les troupes d’intervalle et certains avant-postes avaient été retirés. Les casemates étaient pratiquement seules pour se défendre. Les Allemands se sont rapidement rendus compte de la situation et ont attaqué les quelques avant-postes encore tenus. Il y eut même des combats au corps à corps.

Le 19 juin, la cloche d'observation d'artillerie de la casemate d'Aschbach Ouest a été fortement endommagée par des obus de 88 mm.

Mais c'est le 20 juin que les combats ont été les plus durs dans le secteur. Cinq Français ont trouvé la mort et les Allemands ont abandonné douze cadavres sur place.

Vers 13 heures 30, un avion d'observation ennemi a survolé les casemates d'Aschbach et d'Oberroedern. Cet avion était occupé par le Hauptmann (capitaine) Von Der Heyde, un universitaire dont l’épouse est Française. En 1945 le Oberst (colonel) Von Der Heyde s’est distingué dans les Ardennes où il commandait des troupes aéroportées de Von Rundstett. L'avion d’observation était suivi de près par plusieurs vagues de Stukas. Les Stukas (Sturzkampfflugzeug) étaient des bombardiers qui piquaient droit sur leur objectif pour lancer des chapelets de trois ou quatre petites et d'une grande bombes. Pendant leur mouvement ils émettaient un bruit de sirène particulièrement démoralisant. Les bombes créaient des cratères d'un diamètre de 5 mètres et d'une profondeur de trois à quatre mètres. Les casemates étaient secouées comme un navire dans la tempête. Les services de renseignements français n’avaient jamais parlé de l’existence de ces engins.

Les trois casemates de Hoffen ont été bombardées en premier. Elles ont résisté et le personnel a conservé son moral. Puis ce fut le tour des Aschbach Ouest et Est. A part la destruction des lignes téléphoniques reliant les casemates entre elles et de l'antenne radio, il n'y eut pas d'autres dégâts.

La casemate d'Oberroedern Nord a le plus souffert. Un pilote particulièrement maître de son appareil a réussi à placer une bombe dans le fossé diamant. Sous la violence de l'explosion, le mur du sous-sol a été enfoncé. Les casemates d'Oberroedern Sud, de la Seltz et de Hatten Nord n'ont pas subi de dégâts particuliers.

Après le passage des avions ce fut l’attaque de l'infanterie, les Stosstrupps. A Oberroedern Sud, la casemate commandée par le lieutenant Rieffel a été immédiatement prise sous le feu des canons antichar. Le sergent Delsart avait remarqué une pièce installée derrière le carrefour "Bellevue" entre Stundwiller et Buhl. Cette casemate ne comportant pas de cloche JM, Delsart a retiré l'épiscope du créneau de la cloche de guet pour y placer le fusil-mitrailleur. Il a eu la tête arrachée par un obus placé en plein dans le créneau. Le Lieutenant Rieffel a de suite repris la situation en mains et l'ennemi a été tenu à distance pendant toute la journée.

La cloche GFM de la casemate Oberroedern Sud



La casemate Oberroedern Nord avait été fortement endommagée à hauteur de la chambre de repos. Pour maintenir la surpression atmosphérique, la brèche a été bouchée avec des matelas et des paquetages. A un moment donné le chef de la chambre de tir a voulu observer le réseau rails à l'aide de la lunette de pointage du canon de 47 mm. Là, il a eu la stupéfaction de voir un Allemand, au bord du fossé diamant, se tenant au tube même du canon pour déposer un paquet sur le créneau. Le réflexe fut immédiat. Un obus était engagé dans le canon, il ne restait qu'à faire partir le coup. 

Par la suite on a retrouvé le cadavre déchiqueté sur plus de deux cents mètres à la ronde. A l'arrière de la casemate, un feldgrau a réussi à pénétrer dans le fossé diamant, tout près de l’endroit où le sous-sol avait été éventré. Il y eut un échange de coups de feu et c'est finalement un coup de pistolet tiré par le créneau de la porte qui a mis fin au combat. L'Allemand est mort dans le fossé diamant. Un troisième Feldgrau a réussi à atteindre le remblai Ouest de la casemate. Il a été abattu par les tirs conjugués des casemates de Hoffen et d'Aschbach Est. La casemate Oberroedern Nord était commandée par le Lieutenant Vialle qui a entraîné ses hommes d'une façon remarquable. Il était partout et avait un mot d'encouragement pour chacun. A un moment donné, l'équipage a même entonné la Marseillaise.

Entre les casemates d'Oberroedern Nord et celles d'Aschbach un point d'appui tenu par le sergent-chef Kerneis et deux hommes avait pour mission de surveiller le réseau-rails. Un Allemand a réussi à s'approcher du blockhaus. Le chef Kerneis et le soldat Thomas ont été mortellement blessés. Il sont mort carbonisés. Leur camarade a pu s'échapper et a trouvé refuge à la casemate d'Oberroedern Nord. Le Chef Kerneis avait lui même construit son blockhaus fin 1939. La trémie destinée à renforcer le créneau ne lui a été livrée que courant mars 1940. Elle avait été déposée devant et à droite du dit créneau. L’Allemand s'est caché derrière et de là a pu lancer la grenade dans le blockhaus. Il a été abattu par la casemate d'Aschbach Est. Lorsqu'il a été retrouvé huit jours plus tard, il se trouvait déjà dans un état de décomposition avancée.

Profitant du passage des Stukas, l'ennemi partant de la lisière du bourg d'Aschbach a cherché à atteindre le ravin Miconnet situé à trois cents mètres à l'Ouest. De là, il aurait pu encercler les deux casemates d'Aschbach. Le terrain particulièrement accidenté à cet endroit lui offrait un gros avantage. Mais il a été stoppé dans son élan par le tir des cloches de tir et de guet. A un moment donné un canon antichar de petit calibre, bien dissimulé près du ravin a atteint le cache-flamme du F.M. de la cloche de guet d'Aschbach Ouest. Ce fut la bousculade dans la cloche, mais le F.M. a conservé sa puissance de feu. 

Le canon a de suite, été pris sous le feu de la cloche de tir et réduit au silence. Par la suite il a réapparu en bordure du village d'Aschbach. De là, il n'a tiré qu'un seul obus dont l'impact est toujours visible sur la cloche JM qui a répondu sur le champ. Une vingtaine de minutes plus tard, les servants de la cloche JM ont remarqué une animation à l'endroit où se trouvait le canon. C'étaient des brancardiers qui agitaient leur drapeau. Ils ont évacué les blessés et la pièce est restée muette jusqu'à la nuit. Le lendemain matin, elle avait disparu. Quant au personnel de la cloche JM, il a respecté les conventions de Genève, très impressionnés par le courage des brancardiers.

La cloche JM de la casemate Aschbach Ouest



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