DE LA LAUTER A LA LIGNE MAGINOT
ou
QUI ETAIT DONC EN AVANT DE LA LIGNE MAGINOT ?

 

 

Nombre d'auteurs ont décrit la ligne Maginot, et donc les ouvrages de la CORF.  Ils ont commenté les batailles qu'elle livra, les bombardements qu'elle subit, les hommes qui la servirent. Mais à bien y regarder, cela ne résume nullement la totalité de ce qui occupa l'espace ni d'ailleurs l'histoire militaire dans le nord de l'Alsace en 1939/40. Car en matière d'espace, on a un peu tendance à occulter ce qui se trouvait autour et en avant de la ligne fortifiée, notamment les troupes d'intervalle des régiments de forteresse. Quant aux unités appartenant aux divisions d'infanterie classiques, elles ne sont presque jamais évoquées. C'est à ces dernières que nous consacrerons cette étude succincte.

 

Si la ligne de fortifications issue de la CORF endura quasiment seule la dernière et sans doute la plus prestigieuse phase des combats (du 14 au 24 juin), elle était quand même épaulée et surtout entourée pendant 9 mois et demi par des corps de bataille nettement plus importants qu'elle. Nous allons essayer de vous faire découvrir quelles furent les troupes qui étaient souvent bien plus proches des Allemands que ne l'étaient celles sous leur épais béton, toutefois en nous cantonnant au secteur proche de notre fort de Schoenenbourg, c'est-à-dire d'ouest en est entre le massif du Hochwald et le Rhin, au nord la Lauter, cette rivière qui fait frontière avec l'Allemagne, et au sud, la forêt de Haguenau.

 

 

LE SECTEUR FORTIFIE DE HAGUENAU

 

Le secteur fortifié de Haguenau (SFH) s'étend, d'ouest en est, du versant ouest du massif du Hochwald jusqu'au Rhin, puis le long de ce dernier vers le sud jusqu'à Sessenheim, pour revenir à l'ouest par la frange sud de la vaste forêt de Haguenau et la Moder, pour ensuite remonter vers le nord derrière le relief du Hochwald, donc vers la frontière franco/allemande à hauteur de Climbach.

Le SFH est divisé en quatre sous-secteurs : Pechelbronn, Hoffen, Soufflenheim, Sessenheim.

La défense de chaque sous-secteur est dévolue aux régiments de forteresse. Celle du secteur de Pechelbronn est assurée par le 22e RIF, de Hoffen par le 79e RIF, de Soufflenheim par le 23e RIF, de Sessenheim par le 68e RIF. Le secteur fortifié de Haguenau perdra le sous-secteur d'Herrlisheim et le 70e RIF qui lui étaient attachés au départ, au profit du secteur fortifié du Bas-Rhin.

 

La ligne Maginot traverse le SFH en barrant la trouée de Wissembourg, où elle s'incurve vers le sud pour traverser la forêt de Haguenau, pour ensuite longer le Rhin à partir de Fort Louis.

 

Les régiments de forteresse n'ayant quasiment aucune mobilité, le Quartier Général de la 5e armée complètera le dispositif par l'adjonction de deux divisions d'infanterie de campagne. Les unités de leurs régiments s'établiront en avant et en arrière de la ligne Maginot. D'ailleurs, ces troupes se revendiqueront, avec raison, être "de la ligne Maginot" bien que leur appellation n'en fasse aucunement mention. Ce qui nous fait dire que le SFH recelait, après la mise en place de toutes les défenses, d'un méli-mélo de militaires où "ceux du béton" étaient bien minoritaires.

 

Mais qui sont donc tous ces militaires qui ont pour mission d'empêcher l'adversaire, d'investir le nord de l'Alsace en déboulant depuis la province allemande du Palatinat ?

Faisons les comptes :

 

Troupes campagne :

- Deux divisions de campagne (dont 18 bataillons en ligne) qui totalisent 33 000 hommes.

 

Troupes de forteresse du SFH :

- 12 bataillons des régiments d'infanterie de forteresse (les RIF d'intervalle) soit 13 200 soldats.

- Le 69e RAMF, qui forme l'artillerie mobile des intervalles et qui aligne 1600 hommes et le 156e RAP (régiment d'artillerie de position) qui compte 1400 artilleurs qui épaulent de manière plutôt statique les RIF d'intervalle.

- Les équipages d'ouvrages et de casemates, toutes armes confondues, en alignent 2400.

- Les services du SFH, soit à peu près 2400 hommes.

 

Ainsi, avec ses troupes de forteresse et ses troupes de campagne, le secteur fortifié de Haguenau aligne donc approximativement 54 000 militaires à la mi-septembre 1939.

 

Autrement dit, il y en avait partout, même dans des zones plus reculées. L'état-major du SFH est installé à Pfaffenhoffen, l'échelon arrière du Quartier Général de la 43e DI se trouve à Niederschaeffolsheim, on trouve des services loin en arrière, jusqu'à Saverne. Ces entités ont quelquefois édifié des postes de commandement et même de petits ouvrages défensifs très loin derrière la ligne Maginot.

 

Parmi ces 54 000, environ 31 200 pourraient être appelés à combattre. 7400 sont des artilleurs de campagne et 3000 des artilleurs des RIF. 2400 hommes sont sous béton dans la ligne Maginot. Le reste représente ce qu'on appelle les services : commandement, transports, intendance, ravitaillement, dépôts de tous ordres, service de santé, transmissions, génie, parc d'artillerie, centres d'instruction, etc. – soit environ 10 000 hommes.

 

Et tout cela au milieu des civils. Heureusement, les militaires avaient au moins les coudées franches dans une zone de no man's land où, entre la frontière et jusqu'à environ deux kilomètres derrière la ligne Maginot, la population avait été entièrement évacuée dès la déclaration de guerre de septembre 1939.

 

PLUSIEURS LIGNES DE DEFENSE

 

Les principes généraux de la défense terrestre du nord de l'Alsace sont établis dès 1920 par le général Humbert. Ni la commission de défense du territoire puis celle des frontières, puis plus tard la CORF ne les remettront en cause. Aussi, pour la région Wissembourg – Seltz, il est prévu deux positions tracées parallèlement à la frontière.

 

La position de couverture s'étalera au plus près de la frontière, principalement aux endroits où son franchissement est le plus aisé.

 

La position de résistance sera établie en parallèle de la position de couverture jusqu'aux derniers promontoires ayant une bonne vue sur le Rhin et sur les débouchés de Lauterbourg.

Elle s'appuiera sur la ligne de villages établis sur la route Wissembourg/Lauterbourg et sur les reliefs qui bordent ces localités, et qui s'étirent jusqu'à la forêt de Haguenau.

 

Une position de barrage située en arrière de ces deux positions est jalonnée en grande partie par la lisière de la forêt de Haguenau. Les entrées de la forêt seront sécurisées par des points d'appui, ainsi que les carrefours à l'intérieur de celle-ci.

 

Quant à la partie ouest du dispositif, la défense se fera depuis les contreforts des Vosges qui, par leur relief tourmenté, nécessiteront un fort déploiement de troupes jusqu'à Wissembourg inclus. Dans ce secteur, l'artillerie devra être reportée au sud-ouest du ruisseau du Hausauerbach, ce qui préfigure en quelque sorte le tracé des ouvrages fortifiés de la ligne Maginot, mais qui ne sera défini que bien plus tard.

 

C'est en 1930 que débutera la construction, sous l'égide de la CORF, des premiers éléments de la ligne Maginot, qui s'achèvera à la fin de 1935.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA GUERRE

 

A partir du 15 août 1939, les mesures de mobilisation se succèdent. Du 21 au 27, le SFH prend corps avec la mise en place des troupes organiques et sera en état de défense à la fin de ce mois. Du 31 août au 1er septembre, la population civile de la zone à évacuer part avec 30 kg de bagages, dans les régions du Périgord, du Limousin et des Charentes.

Le 2 septembre, la France déclare la guerre à l'Allemagne.

 

DU RENFORT POUR LES TROUPES DE FORTERESSE

 

Parallèlement à la mise en place des troupes organiques (les RIF), le commandement de la 5e armée mit en place des troupes de campagne. La 43e division d'infanterie, qui stationnait au nord de Strasbourg, fera alors mouvement vers le SFH. Mais ce n'est que le 13 septembre qu'elle sera vraiment opérationnelle. Les GRM (gardes républicains mobiles), qui n'ont qu'une mission de surveillance, occupent les maisons fortes édifiées à proximité de la frontière. Elles sont au nombre de 14 dans le SFH. Les gardes mobiles seront remplacés ultérieurement par des éléments de la division.

 

LA 43e DIVISION D'INFANTERIE

 

La 43e DI est une division d'active, commandée par le général de Brigade Vernillat.

Elle est principalement composée du 158e régiment d'infanterie, du 3e régiment de tirailleurs marocains, de la 4e demi-brigade de chasseurs à pied dont le 1er, le 10e et le 29e BCP (bataillons de chasseurs à pied), ainsi que du 32e groupe de reconnaissance divisionnaire (GRDI). La mission des GRDI est d'effectuer des reconnaissances chez l'ennemi, d'évaluer ses forces et ses positions et de renseigner le commandement sur ce qui ce passe à l'avant des troupes de forteresse.

 

L'artillerie de la 43e DI est composée du 12e régiment d'artillerie divisionnaire (RAD) et du  212e régiment d'artillerie lourde divisionnaire (RALD).

 

A cela s'ajoutent les compagnies de sapeurs-mineurs, le groupe sanitaire divisionnaire, les compagnies de télégraphistes et de travailleurs. Ce qui nous fait un total d'environ 16 500 hommes, ce qui est l'effectif standard d'une division de campagne en 1939.

 

La 43e Di reçut pour mission de s'établir à la frontière entre la crête des Marronniers (nord-ouest de Wissembourg) et le Rhin à l'est de Lauterbourg, en vue d'interdire à l'ennemi le franchissement de celle-ci et notamment de la rivière Lauter, qui fait office de frontière sur la plus grande partie de son cours.

 

Structuration du dispositif :

Du bois des Marronniers à Altenstadt sont en position : le 158e RI,1 bataillon de mitrailleurs du 79e RIF, le GRD 46 et les gardes mobiles du secteur, l'artillerie avec deux groupes de 75 du 12e RAD, une compagnie du génie et une autre de travailleurs.

 

En fait, le commandant du 12e RAD avait aussi autorité sur les tourelles des forts, ce qui avait pour effet, selon le commandant Rodolphe (qui commande l'artillerie de forteresse), d'agacer fortement les artilleurs du groupement d'artillerie de forteresse.

 

Au centre, d'Altenstadt à Scheibenhard, se trouvent le 3e RTM, un groupe de 75 du 12e RAD, les gardes mobiles, le génie et les travailleurs.

 

A l'est, entre Scheibenhard et le Rhin dans la région de Munchhausen, se sont établis la 4e demi-brigade, le GRDI 32,  la garde mobile du secteur, un groupe de 75 mm du 12e RAD, le génie, les pionniers du 43e.

 

L'artillerie lourde de la division se partage entre Wintzenbach, avec un groupe de 105 mm et Ingolsheim, avec un groupe de 155 mm.

 

Ces hommes se mirent immédiatement à creuser ou aménager leurs positions de combat.

Ceux sur la position de couverture étaient au plus près de la frontière. Le relief montagneux à l'ouest de Wissembourg était propice pour dissimuler les positions. A Wissembourg même, les immeubles et aussi les vieux remparts permettaient de se retrancher sans trop d'efforts. Idem à Altenstadt. Mais au-delà, la nature est à nouveau présente. La forêt du Mundat est dense et la Lauter sinueuse. De vastes zones marécageuses et de profonds fossés de drainage bordent la rivière tout au long.  Inutile de penser à un front continu dans ces conditions. On se contentera de nombreux points d'appui qui verrouillent les cheminements et les croisements de voies forestières entre lesquels patrouilleront les fusiliers-voltigeurs.

 

Mais en avant des villages de Schleithal et de Salmbach, c'est une autre histoire. La forêt bordant la Lauter s'éclaircit par endroits et pourrait offrir un bon débouché pour une attaque adverse. Notamment au passage de l'écluse de la Bienwaldmühle, ce moulin situé du côté allemand dans la forêt du Bienwald, à quelques mètres de la frontière, et à Salmbach. Plus loin, de Scheibenhard au Rhin, la forêt fait place aux terres agricoles et aux prairies bordant le fleuve. Là, le dispositif devra se positionner dans ces localités à cheval sur la frontière, et dans les rares couverts naturels.

 

C'est que là nous sommes encore en été. Ainsi, sur 80 % de la zone de couverture, le camouflage naturel permet facilement de se soustraire à la vue de l'ennemi. Quand arriveront l'hiver et la chute du feuillage, les unités de la position de couverture devront se replier et se rapprocher de la position de résistance.

 

Mais le gros des troupes s'établit sur la position de résistance, c'est-à-dire dans les villages de la route de Wissembourg - Lauterbourg. Des fermes sont aménagées en points d'appui et les maisons fortes verrouillent les accès routiers vers la Lauter. A l'arrière de ces localités, le terrain se relève en un ensemble de plateaux présentant de fortes ondulations qui s'étalent jusqu'à l'orée de la forêt de Haguenau. Ce relief, propice non seulement pour masquer la présence de troupes amies aux vues de l'adversaire, sera largement utilisé pour la défense. Les régiments de campagne qui s'y établiront successivement y édifieront nombre de points d'appui. Ils s'installeront dans les villages déserts et procéderont, entre autres, au bétonnage d'un certain nombre de blockhaus aux endroits jugés névralgiques.

 

Dans le même temps, d'autres unités mirent en place la position de barrage par la constitution de points d'appui situés à peu de distance en avant de la ligne Maginot, avec un prolongement en bordure de la forêt de Haguenau.

 

La ligne Maginot coupant en quelque sorte le SFH en deux, une partie de la 43e DI était donc en avant de celle-ci, l'autre partie derrière.

 

Sur le plan des opérations, la situation est calme, on signale quelques patrouilles allemandes qui se font accrocher par les patrouilles françaises dans les vignes, au nord de Wissembourg.

D'ailleurs, les Allemands, tout comme les Français, n'occupent pas en force le terrain le long de la frontière. Ils ont bien entendu créé nombre de points d'appui, de positions de campagne, des champs de mines, mais leur ligne principale de résistance se trouve à 3 kilomètres en retrait, sur le Westwall.

 

Le 5 octobre, le stationnement de la 43e DI sera remanié. Elle quittera le sous-secteur de Pechelbronn, où elle sera remplacée par la 16e DI, pour occuper uniquement le secteur Lauter-Rhin où elle sera relevée ultérieurement par la 23e DI. La division passa aux ordres du 12e Corps d'armée et le général commandant la DI prit le commandement du secteur de Haguenau.

 

Il est peut être opportun de mentionner que les unités de la division, mais aussi de celles qui vont lui succéder, seront déplacées à maintes reprises au gré des période de mise au repos, puis de remise en ligne dans d'autres endroits du secteur, également au gré des diverses modifications dans le commandement. Ainsi, d'un mois à l'autre, un régiment peut être remplacé par un autre. Il serait fastidieux d'énumérer toues ces allées et venues qui nécessiteraient une étude beaucoup plus poussée.

 

 

LA 16e DI

 

Elle est structurée comme la 43e DI, avec trois régiments d'infanterie : le 29e, le 56e et le 89 RI, plus le 19e GRDI. Pour l'artillerie, c'est le 37e RAD et le 237e RALD. A cela s'ajoutent les traditionnelles compagnies télégraphiques, radio, hippo, auto, d'exploitation, sapeurs-mineurs, le groupe sanitaire et le parc d'artillerie.

 

Début octobre, la 16e DI releva la 43e, mais uniquement dans le sous-secteur de Pechelbronn.

En fait, le commandement s'était aperçu que la partie nord du SFH devait être organisée à deux niveaux différents, pour des raisons tactiques et de configuration du terrain. On affectera alors une division au sous-secteur de Pechelbronn, qui suit grosso modo sur son extrémité Est le tracé de la route Wissembourg-Haguenau et qui barre véritablement la trouée de Wissembourg. Une seconde division prendra en charge le secteur qu'on appellera "Lauter/forêt" puisqu'au nord elle fera face à la Lauter, donc à la frontière, et au sud à la forêt de Haguenau, à l'Est au cours du Rhin.

 

En octobre, les soldats aussi bien de la 43e que de la 16e DI ne devaient pas être à la fête. Ainsi, le 10e BCP notera dans son journal de marche : "la pluie va tomber pendant 25 jours sur 30".

Malgré cela, les hommes ne chôment pas. Le commandant Rodolphe note dans son journal de bord : "La 16e travaille ferme en créant des positions solides". Autrement, le mot d'ordre est : "pas d'histoires, pas de provocations, pas de bruit…"

Rodolphe cite encore : "Chaque nouveau chef modifie le programme en cours sans tenir compte des plans établis de longue date par les troupes de forteresse qui connaissent à fond leur terrain. Les états-majors se superposent, le nombre d'étoiles seul compte et les éléments de forteresse ne savent bientôt plus à quels ordres obéir. Les incidents sont légion et la situation ne deviendra normale que lorsque le 12e Corps  d'Armée aura établi son autorité sur tout le secteur.

 

Ce n'est pas encore la vraie guerre, mais des escarmouches ont lieu. Le 16 octobre, un groupe franc effectue une opération sur le hameau de Windhof, situé à peu de distance après la frontière.  Les tourelles de 75  des forts sont mises en alerte au cas où. Le hameau est fouillé, mais en vain. Les hommes resteront en embuscade jusqu'au soir, mais ne verront pas l'ombre d'un ennemi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA 23e ET LA 70e DI RELEVENT

 

La 23e DI du général Jeannel relève la 43e DI sur la Lauter à partir du 13 novembre.

Elle est également une division d'active. En font partie le 32e, le 107e et le 126e régiment d'infanterie, plus le 18e GRDI.

L'artillerie divisionnaire est composée des 141e RAD et 241e RALD. Les autres éléments sont identiques, d'une division à l'autre.

Elle sera relevée le 11 février.

 

La 70e DI, commandée par le général François, remplace la 16e DI dans le sous-secteur de Pechelbronn à partir du 5 décembre.

C'est une division de série B, avec un fort contingent de réservistes, avec sans doute moins de mordant que les divisions d'active.

On y trouve les 223e et 279e RI, le 4e demi-bataillon de chasseurs à pied (dont le 81e et le 92e BCP), puis les éléments standard. Les 68e et 268e représentent l'artillerie divisionnaire et l'artillerie lourde divisionnaire.

Elle sera relevée le 1er février.

 

Mais en décembre, l'artillerie allemande, silencieuse jusqu'alors, commence à ouvrir le feu, notamment sur le Geisberg. Le 10 janvier, elle effectua plusieurs tirs au nord de Schleithal, puis entre Niederlauterbach et Scheibenhard. Les incursions de patrouilles adverses deviennent de plus en plus fréquentes, surtout de nuit. L'artillerie des ouvrages réplique alors pour soulager les petits postes échelonnés le long de la Lauter. D'ailleurs, l'ennemi a poussé peu à peu ses organisations près de la frontière. Le 25, deux postes en bordure de la Lauter sont pris à partie par les Allemands, puis un autre près du moulin St Rémy, en janvier. Le 24 janvier, une patrouille allemande se glissa dans le PA du port de Lauterbourg et tenta d'enlever le Lt Villeger du 126e RI. Mais ce dernier parvint à alerter ses hommes qui repoussèrent les assaillants en faisant même un prisonnier.

 

En décembre, est aussi entamée la construction d'une ligne de défense sur le cours de l'Hausauerbach, un ruisseau aménagé en fossé antichar. En effet, les soldats commencent à bétonner une ligne de blockhaus en avant de la ligne Maginot, allant de la ferme Boesch en passant par le col et la Scherhol, puis par Rott, Riedseltz, où elle s'incurve pour se raccorder à la ligne Maginot à hauteur de Hunspach.

 

Mais en décembre, le froid se fait vif et la neige se met à tomber. Le gros des effectifs de couverture et de résistance devra quitter ses positions pour se rapprocher de la ligne Maginot et de ses avant-postes, tout déplacement dans la neige étant immédiatement détecté par l'ennemi. Seuls, les bouchons de Wissembourg-Altenstadt, Schleithal, Salmbach et Scheibenhard seront maintenus. Le 30 janvier, la neige atteindra une hauteur entre 20 et 40 cm. Le froid fut exceptionnel. On releva – 24° au courant de l'hiver 39/40. Malgré cela, les groupes francs des RIF d'intervalle font des incursions en terre allemande et se font quelquefois accrocher. Le corps franc de l'ouvrage du Hochwald n'est pas le moins actif. Pour passer le temps, nombre d'officiers de la 70e DI visitent cet ouvrage.

 

Les groupes francs des RIF opéraient aussi des reconnaissances en territoire allemand pour le compte des troupes de campagne. Un groupe franc était composé de trois groupes, chacun composé d'un lieutenant ou d'un sous-lieutenant, d'un adjudant-chef, deux sergents ou sergents-chefs, quatre caporaux et seize soldats. Le groupe franc du 23e RIF fut engagé avec le 126e RI  à Niederlauterbach de fin janvier au 20 février, puis avec le 89e RI à Lauterbourg du 1er au 13 mars, avant d'être envoyé à Schleithal où il resta jusqu'au 25 mars.

 

LA 35e DI

 

Commandée par le général Decharme, la 35e DI est une division d'active. Sont en ligne : le 11e, le 49e et le 123 RI dont le commandant Rodolphe dira qu'il s'agit de Basques et de Gascons.

Le GRDI, quant à lui, porte le n° 29. Suivent les éléments types des divisions d'infanterie. L'artillerie est composée du 14e RAD et du 214 RALD.

 

La 35e DI relève la 70 DI le 1er février, dans le sous-secteur de Pechelbronn.

Il fait encore froid et l'activité amie comme ennemie n'est pas conséquente. Mais vers la fin du mois, le temps s'améliore et la neige disparaît. Le groupe franc de l'ouvrage du Hochwald sort à chaque fois qu'il est autorisé. Le 29, il accroche une grosse patrouille ennemie et lui cause des pertes.

 

La 35e Di sera relevée par la 70 DI le 25 avril.

 

A NOUVEAU, LA 16e DI

 

Sous les ordres du général Mordant, la 16e DI, qui avait été mise au repos après avoir occupé le sous-secteur de Pechelbronn, est affectée sur la Lauter le 11 février.

 

On relève dans son journal de marche : "Jusqu'à la fin février, la fonte des neiges et la pluie rendent le terrain presque impraticable, principalement dans le Bruchwald (la forêt qui borde la Lauter entre Schleithal et Scheibenhard). L'activité ennemie et la nôtre sont forcément limitées à des patrouilles sans profondeur".

 

Au cours du mois de mars, le temps reste froid et pluvieux et les opérations sont limitées à des patrouilles le long de la Lauter. De nombreux heurts de patrouilles eurent lieu à Lauterbourg et à Wissembourg. Un détachement allemand attaqua de nuit un poste du 56e RI installé sur le carrefour en face de la Bienwaldmühle. Il fut repoussé dans un combat où il subit des morts et des blessés. Comme les patrouilles allemandes, les patrouilles françaises tentaient régulièrement de pénétrer en territoire ennemi. Au cours d'un engagement, un sergent, blessé, dut regagner les lignes françaises en traversant la Lauter à la nage.

 

En mars, les tirs d'armes automatiques se firent plus fréquents. On ne pouvait se montrer sans essuyer une rafale.

 

En avril, autant sur le front de la 35e DI que de la 16e DI, l'activité de l'artillerie adverse ne faiblit pas. Quant aux patrouilles allemandes, elles semblent un peu moins nombreuses.

 

ET A NOUVEAU LA 70e DI

 

La 70e DI remplaça la 35e DI le 25 avril dans le sous-secteur de Pechelbronn.

En mai, la température se fit plus douce et le temps plus sec, le sol devint plus praticable.

 

Le 10 mai, parvint la nouvelle de l'offensive allemande en Belgique et en Hollande. L'artillerie ennemie bombarde pour la première fois des villages, comme Trimbach. Sinon, on ne décèle aucun mouvement de son infanterie.

Mais le 13, ça s'agite dans le secteur fortifié des Vosges, un PA est pris d'assaut.

Le 14, idem au moulin St Rémy, à l'Est de Wissembourg, où notre infanterie demande un tir de soutien de la ligne Maginot. Ce secteur devenant trop "chaud" les avant-postes se replient. Les villages de Schleithal, Salmbach et Niederlauterbach flambent sous les coups de l'artillerie ennemie. On sent bien qu'elle prépare énergiquement le chemin à son infanterie.

 

LES ALLEMANDS ATTAQUENT

 

En fait, les Allemands ont traversé la Lauter le 15 mai et s'établissent sur une ligne St-Rémy-Schleithal-Neewiller-Mothern-Munchhausen. Les avant-postes se battent comme des diables et des contre-attaques essaient de rejeter les Allemands. Mais rien n'y fait. Ces derniers ont, entre autres, investi le bois du Mundat après des combats acharnés. Mais ils mettront plusieurs jours à en déboucher car l'artillerie de la ligne Maginot les en empêche. Mais leur progression est plus facile entre Niederlauterbach et Lauterbourg car ils sont hors de portée des canons de la ligne Maginot, ils pousseront rapidement jusqu'à Munchhausen, malgré la résistance française.

 

Le 16, le commandement de la 16e division, qui est quelque peu impressionné par la vigueur des assaillants, fait replier ses éléments sur la ligne des avant-postes fortifiés (et donc à l'abri des canons de la ligne Maginot). Le commandant Rodolphe estime que c'est là une décision quelque peu précipitée. Dans le secteur de la 70e DI, Wissembourg et Altenstadt vont être évacués dans la nuit sans avoir été sérieusement menacés.

Puis la situation se stabilisa.

 

LE RETRAIT DE LA 16e ET DE LA 70e DI

 

Le 22 mai, la situation générale des armées françaises allant en se dégradant, l'état-major prit la décision de retirer les divisions de campagne des fronts fortifiés. La 16e et la 70e DI quittent alors le nord de l'Alsace, la 16e partant pour le front de la Somme. Deux bataillons de la 70e resteront néanmoins sur place, mais ils devront prendre en charge, avec les RIF d'intervalle, l'ensemble du secteur allant de Climbach à Seltz. Le 81e BCP s'établira devant Rott, le 90e sur le Geisberg.

Ce ne sont pas seulement 16 bataillons sur 18 qui partent, mais aussi les 197 canons de l'artillerie divisionnaire, soit presque la moitié des 408 pièces affectées au SFH au début du conflit.

Malgré les affrontements, la ligne de front n'évolue guère jusqu'à la mi-juin.

 

 

LE RETRAIT DES TROUPES D'INTERVALLE

 

Le 13 juin, pour faire face à la situation catastrophique des armées françaises, l'état-major fait également replier les troupes d'intervalle de la ligne Maginot (les RIF) pour les amener à combattre à l'ouest. Des 12 bataillons de début mai, il n'en restera que 4, épaulés par un seul bataillon de campagne (le 81e), le second bataillon du 70e RI maintenu après le 25 mai (le 90e) partant avec les intervalles des RIF. Resteront aussi 500 hommes issus du centre d'instruction du SFH, mais sans armement collectif, et deux compagnies du génie.

 

A cette date, l'artillerie et les 171 pièces affectées aux troupes d'intervalle de forteresse quitteront complètement le SFH, ne restera que l'artillerie des ouvrages, soit 40 canons ou obusiers. Sur ces 40, seuls 23 prendront part à la bataille finale. L'artillerie lourde sur voie ferrée, avec une batterie à Rittershoffen et une autre à Kutzenhausen, sera également retirée, elle n'aura pas tiré un seul obus jusqu'à la fin des hostilités.

 

 

LES DERNIERS FEUX

 

A partir du 15 juin, les Allemands qui se sont rendu compte de l'affaiblissement de la défense française, reprennent l'offensive.  Ils nettoient la zone entre Oberseebach et Niederroedern. Alors que la situation reste calme dans le sous-secteur de Pechelbronn (qui se risquerait sous les canons du Hochwald), on se rend bien compte que le point fort de l'attaque allemande sera dans le secteur d'Aschbach. Des points d'appui tombent. La casemate CORF de Seltz est attaquée, mais arrive à se dégager.

Le 19, les défenseurs du Geisberg sont obligés de se replier, après d'âpres combats.

 

Le 20, une division allemande qui a percé dans les Basses Vosges, prend à revers le secteur et arrive à Soultz-sous-Forêts. Le 81e BCP est déplacé précipitamment jusque là, pour assurer la défense. Avec les hommes des RIF, des troupes de campagne se battent aussi du côté de Betschdorf, Hatten et Rittershoffen.

 

A partir du 22, c'est l'embrasement : l'attaque sur les casemates de la ligne Maginot du secteur Hoffen/Aschbach/Oberroedern, puis les bombardements et pilonnages des forts qui mettent en échec l'adversaire dans sa tentative de percer la ligne Maginot et donc le secteur fortifié de Haguenau. Mais cette phase de la bataille incombera surtout aux troupes de forteresse, ce qui n'entre pas dans le cadre de cette étude.

 

Tout s'arrête le 25 juin, à 1h35 du matin (0h35 chez les Français), au moment de la mise en application de l'armistice.  Des 9000 hommes restés dans le SFH, 8300 seront livrés le 1er juillet, sans avoir été vaincus (le reste étant les tués ou disparus). Même s'il n'en resta que très peu sur le front de la Lauter quand les armes se sont tues, les soldats des divisions de campagne n'ont pas démérité sur la ligne Maginot.

 

Jean-Louis Burtscher

 

Sources :

 

- Société d'Histoire et d'archéologie du Ried Nord – annuaire 1991 –

  1939-40 Combats sur la ligne Maginot

- René Rodolphe dans "Combats dans la ligne Maginot"

- Johannes Nosbüch dans "Damit es nicht vergessen wird" – Landau 1982.

- Jean Yves Mary et Alain Hohnadel :

            Hommes et ouvrages de la ligne Maginot tome 3 – les troupes de forteresse

- Armée de terre française de 1940  - www.atf40.fr/

  



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