L'organisation de la Ligne
Maginot
Plus qu'une simple organisation
linéaire, la Ligne Maginot comporte, depuis la frontière jusqu'à l'arrière
soit sur une profondeur de 20 à 25 km, un ensemble de structures d'alerte, de
résistance, de combat et de soutien, ainsi que diverses organisations
d'infrastructure. Toutes ces organisations s'articulent bien entendu avec la
ligne des ouvrages C.O.R.F., dite "ligne de résistance principale",
qui est constituée des ouvrages les plus solides et les plus puissamment
armés.
Depuis la frontière jusqu'aux arrières, on rencontre successivement :
(1) LES POSTES-FRONTIERE,
blockhaus souvent camouflés en inoffensives demeures (maisons fortes),
disposés sur chaque voie de passage, à quelques mètres de la frontière, et
destinés à donner l'alerte en cas d'attaque brusquée, à fermer les barrages
antichars et à provoquer les destructions à l'explosif aptes à retarder
l'ennemi.
(2) Environ 5 kilomètres en
arrière de la frontière, UNE LIGNE DE POINTS D'APPUI ET D'AVANT-POSTES,
blockhaus antichars devant opposer une première résistance tout en permettant
aux équipages des ouvrages C.O.R.F. d'être prêts à leurs postes de combat.
Ces avant-postes sont situés sur chaque voie de passage menant à la ligne
principale.
(3) A 10 kilomètres de la
frontière, on se heurte à la LIGNE PRINCIPALE DE RESISTANCE précédée d'un
OBSTACLE ANTICHAR, un champ de rails plantés verticalement et large de 6 rangs,
d'une hauteur variant de 0,70 à 1,40 m et plantés à 2 mètres de profondeur
dans le sol. Cet obstacle antichar s'étendait en avant des ouvrages, d'un bout
à l'autre du système fortifié, donc sur des centaines de kilomètres. Il ne
s'interrompait qu'en de rares endroits (forêts, cours d'eau, zones inondées,
terrain très accidenté, etc...).
L'obstacle antichar est
immédiatement suivi d'un obstacle anti-personnel fait de réseaux de fil de fer
barbelé très dense et d'ardillons, petites pointes émergeant du sol. Des
barrières routières antichars permettaient d'obstruer les routes aux points de
passage dans le champ des rails.
Le tracé en dents de scie de
ces obstacles résulte du fait qu'ils sont battus en flanquement par les armes
des ouvrages de la ligne principale de résistance. Ces ouvrages peuvent être
de trois types :
casemates d'infanterie,
petits ouvrages d'infanterie,
gros ouvrages d'artillerie.
(4) Les CASEMATES D'INFANTERIE,
armées de jumelages de mitrailleuses et de canons antichars de 37 ou 47 mm,
peuvent être simples (une seule chambre de tir, dans une seule direction) ou
doubles (deux chambres de tir, dans 2 directions opposées) ; elles ont
généralement 2 étages, un niveau de combat et un étage inférieur de repos
et de services (groupes électrogènes, réserves d'eau, de carburant, de
vivres, ventilation, etc...). Les casemates d'infanterie sont surmontées de 1
à 2 cloches de guetteur, parfois de cloches mitrailleuses ou observatoires.
Leur équipage est de 20 à 30 hommes.
(5) De place en place, la ligne
des casemates est renforcée par des ouvrages plus importants, les PETITS
OUVRAGES D'INFANTERIE, généralement constitués de plusieurs casemates
d'infanterie reliées entre elles par des galeries souterraines sur lesquelles
se greffent des locaux de logement et de service (casernement, centrale
électrique, systèmes de ventilation, transmissions, cuisines, sanitaires,
réserves d'eau, de carburant, de vivres, etc...). Leur équipage est de
100 à 200 hommes.
(6) Les GRANDS OUVRAGES D'ARTILLERIE
représentent les piliers du système fortifié. Ce sont les ouvrages les plus
importants, les plus solides et les plus puissamment armés. Ils se composent au
moins de 6 blocs de combat et de 2 entrées, reliés par un réseau de galeries
souterraines équipées de voies ferrées étroites, souvent électrifiées, et
sont dotés d'importantes installations de service : centrale électrique à 4
groupes électrogènes, plusieurs systèmes de ventilation indépendants, grands
casernements, cuisines, réseaux d'alimentation et de distribution d'eau,
monte-charges, magasins à munitions, pièces de rechanges, vivres, ateliers,
etc... Leur garnison peut aller de 500 à plus de 1000 hommes.
(7) Sur les hauteurs bénéficiant des meilleures vues sont implantés les OBSERVATOIRES dont la mission consiste à repérer les objectifs ennemis et à diriger les tirs de l'artillerie des ouvrages. Ce sont de gros blocs solidement bétonnés, enterrés, dotés de coupoles blindées abritant des instruments d'optique de haute précision et reliés par téléphone et T.S.F. aux ouvrages dont ils dépendent.
(8) Tous les ouvrages du
système fortifié, casemates isolées, petits et gros ouvrages, observatoires
et abris sont reliés entre eux par une RESEAU TELEPHONIQUE ENTERRE. Deux
rocades parallèles à la ligne des ouvrages, de nombreuses transversales et une
multitude de chambres de coupure bétonnées (dans lesquelles pouvaient se
brancher les troupes de campagne) constituent ce réseau.
(9) Entre 500 et 1000 mètres
en arrière de la ligne des ouvrages se situe la ligne des ABRIS D'INTERVALLE
(ou ABRIS pour réserves locales). Ce sont de véritables casernes sous béton
pouvant abriter jusqu'à une compagnie d'infanterie, soit 200 à 280 hommes, et
possédant des installations techniques telles que groupes électrogènes,
systèmes de ventilation, d'alimentation en eau, cuisines, chauffage, leur
permettant une certaine autonomie. Les troupes qu'ils abritent assurent la
défense des intervalles des ouvrages. Ils peuvent aussi servir de PC aux
unités d'intervalles et de base de départ à des opérations de
contre-attaque.
(10) Certaines cuvettes
naturelles ou cours d'eau peuvent être aménagés en ZONES D'INONDATION et
constituer ainsi un obstacle supplémentaire en cas d'offensive ennemie.
(11) Des CASERNEMENTS DE SURETE
ont été construits à proximité des ouvrages afin de permettre aux équipages
de gagner leurs postes de combat dans les plus courts délais en cas d'attaque
brusquée en temps de paix.
(12) Des DEPOTS DE
MATERIEL du Génie .
(13) Des DEPOTS DE MUNITIONS .
(14) Un réseau de VOIES
FERREES de 60 cm développé sur plus de 50 kilomètres relie ces dépôts aux
grands ouvrages. Des locotracteurs blindés à essence (ainsi que des
locomotives à vapeur de 1914-18) tractent des plates-formes spéciales à
munitions.
(15) Un réseau de LIGNES A
HAUTE TENSION, d'abord aériennes puis enterrées, branchées sur le réseau
civil, alimente les gros ouvrages en énergie électrique.
(16) Pour compléter
l'artillerie des ouvrages dont la portée a été intentionnellement limitée à
10-12 kilomètres, des positions d'ARTILLERIE LOURDE SUR VOIE FERREE ont été
établies.
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