Hatten - Rittershoffen dans la tourmente 


Décembre 1944 - mars 1945 , bref historique des événements :

 

13 décembre 1944 :

A dix heures du matin, les unités américaines entrent dans Rittershoffen sans combattre. Après quatre ans et demi d'occupation allemande, le village est libéré du joug nazi

16 décembre 1944 :

Début de l'offensive allemande dans les Ardennes, qui ne sera stoppée définitivement que le 4 janvier 1945.

1er janvier 1945 :

L'offensive NORDWIND ordonnée par Hitler commence ce jour dans le secteur de Bitche.

5 janvier 1945 :

Une tête de pont est lancée par les troupes allemandes au nord de Kilstett.

6 janvier 1945 :

Attaque du 39e corps blindé allemand depuis le Bienwald.

9 janvier 1945 :

Percée de la Ligne Maginot et investissement de Hatten. Les premiers obus tombent dans Rittershoffen. Plusieurs morts américains ; un civil est tué. Toute la journée on entend le vrombissement des obus au-dessus du village, tirés par les batteries américaines stationnées entre Betschdorf et Schwabwiller.

10 janvier 1945 :

Encerclement des troupes américaines à Hatten, par les Allemands. Le commandement américain ordonne à l'appariteur de passer dans le village pour prévenir les habitants, leur demander de se réfugier dans leurs caves, et de ne plus sortir dans les rues. Un avion allemand passe en rase-mottes en mitraillant. Les soldats américains, dans les rues, tirent de toutes leurs armes individuelles. Le soir, la première neige commence à tomber.

11 janvier 1945 :

A 6 h 30 du matin, l'attaque allemande se déclenche sur Rittershoffen. Les secteurs nord et la corne nord-est sont investis. Le presbytère, le Garsspruch, l'école, la boulangerie Walter et les premières maisons de la rue de Leiterswiller sont aux mains des Allemands. La sacristie de l'église simultanée (église où officient à la fois les catholiques et les protestants) est également investie par les soldats allemands, le clocher est encore aux mains des Américains. L'église connaîtra pendant des jours le bruit de la mitraille. Les Américains surpris reculent de cent mètres, mais résistent néanmoins âprement. Vers le soir, le village est investi aux 2/3 par les Allemands. Une contre-attaque américaine est stoppée à l’entrée du village.

12 janvier 1945 :

Une attaque dans la matinée permet de redresser la situation. Les secteurs nord, nord-ouest et sud sont nettoyés des troupes allemandes. Mais les secteurs nord-est et est restent néanmoins entre leurs mains; de ce fait, les 3/4 de Rittershoffen sont à nouveau nettoyés.

Dans la nuit du 12 au 13 janvier les combats continuent, car de nombreuses maisons incendiées éclairent les lieux du combat.

13 janvier 1945 :

Nouvelle attaque américaine dans Rittershoffen. Les combats qui vont suivre seront d'une extrême violence. Les Allemands sont presque boutés hors du village. Par endroits, les unités allemandes sont isolées. La route de Rittershoffen à Hatten est coupée. Le soir change le cours de la bataille ; les Allemands attaquent et Rittershoffen est encerclé par la 2le Panzer Division.

14 janvier 1945 :

Combats très durs toute la journée. Une lutte âpre s'engage, pour conquérir une maison, une remise ou une grange, aussitôt reprise par l'adversaire. Des tirs incessants s’abattent sur les maisons. Les chars de la 14e division blindée US attaquent, leurs tubes crachent le feu. On tire au mortier, à l’antichar, à la mitrailleuse, sur tout ce qui bouge.

I5 janvier 1945 :

A trois heures du matin, les Allemands attaquent à nouveau. L'église de Rittershoffen tombe définitivement entre leurs mains. Il aura fallu six assauts pour se rendre maître de cet édifice. Il en sera de même pour la mairie. La liaison entre Rittershoffen et Hatten est rétablie par les Allemands. Les positions de ces derniers sont consolidées, puis plusieurs attaques sont lancées par des éléments blindés. Vers le soir la situation des troupes américaines engagées est critique; de nouveaux renforts permettent de rétablir la situation. Enfin, un relâchement de la furia allemande est perçu, signifiant l'essoufflement des troupes allemandes engagées. Tout cela se passe au-dessus des têtes des villageois terrés dans les caves. A la question posée à un officier américain: "Pourquoi ne nous avez-vous pas évacués ?", il répond: "On ne peut pas forcer quelqu'un à quitter sa maison, son village". Par contre, les Allemands évacuent les villageois de force, lors de quelques accalmies. Ils chassent souvent les habitants d'une cave pour y abriter leurs blessés.

16 janvier 1945 :

Attaque américaine dans tous les secteurs. Comme les jours précédents, les combats se poursuivent toute la journée, les tirs d'artillerie sont incessants. Ainsi, les combats de rue et pour chaque maison font rage. Dans le secteur nord-ouest, deux familles tentent de partir avec leur bétail et leur charrette. Elles seront abattues par les Allemands. Les rares rescapés ayant pu ramper vers la route de Kuhlendorf arrivent dans le secteur américain. Un soldat surpris se retourne et, d’une rafale de mitraillette, abat un villageois.

Durant cette période, il n’est pas rare que des habitants aient dû souvent quitter leur cave pendant la nuit. D’autres essayent de se réfugier dans une autre cave plus sûre, mais ils se voient refuser l'entrée, et ils retournent dans la leur souvent occupée par des soldats.

17 janvier 1945 :

Dans la matinée, venant de Leiterswiller, une attaque américaine s'ébranle, appuyée par des chars. La neige tombe encore. Cette attaque sera stoppée par l'artillerie allemande. Juste avant midi, une autre attaque s'amorce venant du même secteur, et conjointement, débouchant de la forêt au sud, les Américains s'élancent vers le village.

Entre 7 h 20 et 18 h, les forces américaines ont attaqué huit fois Rittershoffen. Beaucoup de chars sont restés sur le terrain, détruits par l'artillerie allemande. Les combats, en cette journée, sont toujours aussi furieux. La situation des troupes allemandes n'est pas brillante. La relève d'un bataillon allemand ne peut se faire, car le général commandant à Rittershoffen craint que ce mouvement risque d'affaiblir momentanément sa ligne de front. Ses troupes, durement éprouvées, ont de la peine à tenir et il est question de se retirer de Rittershoffen.

18 janvier 1945 :

La nuit du 17 au 18 janvier 1945 est relativement calme, et des deux côtés on en profite pour évacuer les blessés. Certains villageois réussissent à quitter cet enfer. Dans la matinée les combats reprennent. Un violent tir d'artillerie s’abat sur les secteurs tenus par les Allemands. En début d'après-midi, vers 15 h, une attaque américaine s’ébranle vers les secteurs ouest, sud-ouest et sud. Une fois de plus, cette attaque est stoppée par une forte concentration d’artillerie allemande. Toute la soirée, les tirs d'artillerie visant Rittershoffen continuent. Les Américains tirent des obus au phosphore sur les maisons encore intactes tenues par les Allemands. A 21 h, une nouvelle attaque américaine est repoussée. Ce jour-là, l'aviation américaine est également entrée en lice. Le plafond souvent très bas, ainsi que l'éloignement de leur base, ne permet pas à l'aviation d'aider efficacement les troupes américaines engagées.

19 janvier1945 :

A 8 h du matin, les Américains venant de Leiterswiller attaquent à nouveau le secteur est de Rittershoffen. A 10 h, l'attaque est une nouvelle fois stoppée. Une autre attaque dans le secteur nord-ouest leur permet de s'implanter dans ce secteur pendant quelque temps. Une troisième attaque de cinq chars accompagnés d'infanterie, venant du nord, est repoussée par les Allemands. L'aviation américaine intervient dans l'après-midi. Toute la journée, des forces américaines sont mises à pied d'œuvre dans les secteurs nord, nord-ouest et ouest de Rittershoffen. Entre Betschdorf et Rittershoffen, un mouvement de chars et de véhicules est remarqué. Les Allemands, dont la pénurie en chars est flagrante, essaient de retirer 6 chars endommagés de Rittershoffen, mais cette manœuvre s'avère difficile par suite des ruines de maisons écroulées et des tirs incessants de l'artillerie américaine.

20 janvier 1945:

Les deux adversaires sont sur le qui-vive. Les Américains s’attendent à une attaque allemande qui ne vient pas. A 11h30, les Américains attaquent, venant d’ouest, ils dirigent leurs efforts vers le sud-est du village. A 12 h 50, une nouvelle attaque américaine déclenche de violents combats autour de l'église et du cimetière.

Il s'en est fallu de peu ce jour-là que les Allemands se retirent de Rittershoffen. Il était en effet question d'abandonner le village et de se retirer sur une ligne Rott, Oberseebach, Seltz.

21 janvier 1945 :

Le brouillard et la neige cachent les desseins des forces américaines. En effet, vers midi, elles se retirent de Rittershoffen pour se porter sur la nouvelle ligne de résistance, la Moder.

Les Allemands occupent rapidement tout le village. La liaison par la route, entre Rittershoffen et Hatten, est rétablie. Dans le bois de Rittershoffen, les Américains sont encore retranchés dans les casemates sur la route forestière de Rittershoffen à Königsbrück. Ce n'est qu'à la nuit tombée que ces dernières forces se retirent.

22 janvier 1945 :

La bataille est terminée, le calme règne dans le village. Les habitants sont sortis des caves et constatent l'état de leur village; il ne reste que ruines et dévastations. Les Allemands s'étant aperçus que les Américains se sont retirés bien au-delà de Rittershoffen, avancent. Comme l'essence est rare, l'avance ne se fera qu'à pied. Ce sont de pitoyables charrettes qui transportent le matériel. Certains fantassins avancent en tirant une luge sur laquelle ils ont entassé leurs armes et équipements. La route vers Kuhlendorf est minée. L’avance est ralentie. Au moment de leur retrait, les Américains ont enfoui de nombreuses mines dans la neige.

Maintenant que la bataille est terminée, des villageois qui ont pu fuir l'enfer pendant les combats reviennent dans le village. Ils cherchent dans les ruines ce qui est récupérable et s'installent tant bien que mal dans les caves, étables et maisons qui ne sont pas en ruines. Ils ramassent dans les granges le foin et la paille pour se faire une couche pour la nuit. Mais cette paille et ce foin feront défaut aux troupes allemandes pour nourrir les chevaux, car le parc auto, faute d'essence, stationne dans le village tandis que le parc hippomobile est mis à contribution pour acheminer le matériel. Le cas est donc vite réglé, le Gauleiter ordonne que le retour des habitants soit interdit.

Partout on bute sur les morts, ainsi que sur les cadavres d'animaux abattus. Les Allemands ordonnent aux rares hommes valides du village de s'organiser pour creuser d'abord des fosses communes. Avec quelques bêtes de trait et des charrettes récupérées, ils ramassent les morts tant civils que militaires. Les corps gelés sont lancés comme des sacs sur ces charrettes. Ce travail de ramassage est néanmoins très dangereux, car il faut craindre les mines et les pièges.

La Gestapo arrivée à pied d'œuvre recherche quelques personnes ayant collaboré avec les Américains. Heureusement, ces habitants ne se trouvent pas au village.

Le village est de nouveau à l'heure allemande, et ceci jusqu’au 16 mars 1945. Le soir de cette journée verra l'église simultanée sauter. Les Allemands ayant prévenu les quelques habitants, ils posent des explosifs dans l'église déjà meurtrie et la démolissent entièrement.

18 MARS 1945 :

Le 1er Groupement de Tabors Marocains de la 1ère Armée Française débouche de la forêt de Haguenau et entre dans Rittershoffen. La guerre est vraiment finie. Les combats ont coûté quelques centaines de vies humaines, tant du côté américain qu’allemand ; le village déplore 31 victimes civiles. Il faut maintenant panser les plaies, enlever les ruines, loger provisoirement les habitants et reconstruire le village.

Raymond Kieffer.



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