Le Schoenenbourg livre bataille
(Période du 14 au 24 juin 1940)
Par le lieutenant LARUE
Les notes qui vont suivre ont été rédigées par le lieutenant Larue, qui a alors fonction d’officier adjoint au Schoenenbourg. Il est donc celui qu’on peut appeler le bras droit du commandant Reynier. A ce titre, il n’eut pas, comme d’autres officiers qui étaient en poste quasiment jour et nuit, à intervenir dans le déroulement des affrontements. De ce fait, et par sa disponibilité, il a pu être un témoin précieux des événements qui ont marqué l’histoire de notre forteresse. Rappelons, à cette occasion, que le commandant Reynier était bien le « patron » du fort mais que par exemple il n’avait aucune compétence sur les actions menées par l’artillerie (blocs 3, 4 et 5), qui elle dépendait du groupement (donc du commandant Rodolphe) installé à l’ouvrage du Hochwald.
Mais
place à l’histoire.
14
Juin 1940 :
De nombreux passages d’avions ennemis sur lesquels nos tourelles tirent.
Dès 14 heures, la nouvelle section de 120 L de Bange installée entre les blocs arrières, exécute des missions d’interdiction lointaine vers Schleithal et la tuilerie de Salmbach. Le colonel Schwartz, commandant le S.F.H., arrive à l’ouvrage à 14 heures 30, assiste un moment au tir et félicite le chef, le sous-lieutenant Peyrou, ainsi que son adjoint, l’adjudant Eschenlauer. Le colonel Miconnet, commandant le sous-secteur, arrive également à l’ouvrage. Il y a réunion chez le commandant. On y discute de la possibilité d’un repli suivi de destruction des ouvrages. Cette nouvelle jette la consternation chez ceux, rares, qui la connaissent. On prépare tout en souhaitant que cela ne sera rien.
De 22 heures à 24 heures, le bloc 4 exécute un harcèlement sur Wissembourg.
15 Juin 1940 :
De 2 heures à 4 heures, harcèlement sur Wissembourg par le Bloc 3.
A
partir de 4 heures, la pression ennemie augmente sans cesse sur le
sous-secteur d’Hoffen, d’Oberseebach à Croetwiller. Il en
résulte une débauche de tirs que nos tourelles expédient
allègrement. Certains P.A. tiennent, d’autres cèdent. Le
blockhaus d’Oberseebach Est est pris.
Les tirs continuent toute la journée. Le blockhaus d’Oberseebach est repris grâce à l’appui des tourelles, de même que tous les P.A. (ligne de points d’appui ou avant-postes) entre Oberseebach et Aschbach, mais au sud, Aschbach, Stundwiller et Buhl sont ennemis. Le P.A. l0 et les bétons de Trimbach sont encerclés.
Schoenenbourg est la seule artillerie du secteur capable d’intervenir efficacement dans ce coin, les consommations sont très élevées : au déjeuner, Michaud (B3) a déjà envoyé 1.500 coups. En fin de journée, au total il y en a 3 700 de 75 et 140 de 120, ce qui représente, de la part du personnel, un gros effort. Aux tourelles, quelques ennuis mécaniques sont rapidement réduits par le Génie.
Au P.C.A., malgré un personnel insuffisant (la relève des officiers n’était pas prévue) tout marche à merveille. Il ne faut pas oublier non plus les observateurs Guhl et Mall, d’Aschbach et Hoffen, qui, en liaison directe avec l’infanterie, peuvent demander avec précision tous les tirs nécessaires et les régler. Il paraît que l’efficacité est grande. Malheureusement, de nombreux objectifs sont signalés hors de portée.
Cet engagement dans la bataille nous soulage un peu ; il ne sera sans doute plus question de repli, il faut tenir.
Le P.A. 7, ses mitrailleuses enrayées, est sauvé grâce aux nombreux tirs d’arrêt des tourelles.
16
Juin 1940 :
La pression ennemie semble moins forte, mais on signale des hommes partout et les tourelles lâchent leurs tirs sans arrêt – 10 coups par ci – dix coups par là. – A tour de rôle les officiers du P.C.A., capitaines Cortassse et François, lieutenants Colson, Pinard et Peyrou, par équipes de deux président à un savant dosage, de façon à réaliser à la fois un effet massif et une économie de munitions. Dans les 24 heures 1.160 coups de 75 et une cinquantaine de 120 sont envoyés.
La situation est inchangée dans le secteur voisin, mais les nouvelles des opérations générales sont mauvaises. Les Allemands atteignent Cray, Langres, la Loire. On se remonte mutuellement le moral en racontant des histoires de nos campagnes passées.
Le P.A. 7 doit se replier (Lieutenant Meyer).
17
Juin 1940 :
Après une journée relativement calme, la pression ennemie augmente. Les P.A. résistent courageusement, mais difficilement. Les observatoires d’Hoffen et d'Aschbach font un excellent travail.
Seuls
les P.A. 3, 4 et 5 résistent.
A
12 heures 30, mauvaises nouvelles : l’armistice est demandé à
l’Allemagne. L’armée française est coupée en 4 tronçons. La
lutte continue, mais nous sommes complètement coupés. Il y a donc
lieu d’économiser tout pour tenir jusqu’au bout, quelle que soit
la durée de cette lutte. Nous combattons maintenant pour l’honneur
du drapeau.
Dans les 24 heures, on a tiré 1.000 coups de 75 et une trentaine de 120.
A partir de Hoffen (observatoire) la ligne suit le réseau de rails. Nous tenons vers les crêtes Est des bois Unterwald, Mittelwald, Oberwald et le Blockhaus Est d’Oberseebach, celui du nord est en sérieuses difficultés.
18
Juin 1940 :
Journée moins active au point de vue artillerie, mais de rendement meilleur. 565 coups seulement de 75 et une trentaine encore de 120.
La résistance des P.A. diminue, faute de liaison et de ravitaillements. Le P.A. 5 est perdu et il est impossible de le reprendre malgré quelques tentatives. Le P.A. 4, occupé en partie seulement, et qui est littéralement submergé, doit se retirer dans l’après-midi. Les liaisons avec les observatoires sont intactes, et l’artillerie, aux dires des observateurs, s’est montrée d’une belle efficacité. Ces deux observatoires se défendent au jumelage.
Les Allemands abattent le clocher d’Aschbach que nous visions depuis quelques jours. On ne comprend pas toujours ce qu’ils font.
19
Juin 1940 :
Dans la matinée, des bombardiers ennemis se livrent à des bombardements sur le Four à Chaux et le Hochwald Est en piqué. Nos tourelles font de la DCA. Il semble qu’il y ait quelques éléments ennemis à la Hasselmühl avec un projecteur. C’est assez invraisemblable et on ne peut pas vérifier sérieusement.
Dans la nuit nous avons abandonné tout ce qui se trouve à l’est de la voie ferrée au nord de la ligne et à l’est de la ligne fortifiée également entre Hatten et Hunspach ; L’ennemi, qui sans doute n’a pas aperçu ce mouvement, déclenche une attaque sur ces positions avec artillerie et armes automatiques.
Les bombardements aériens continuent dans l’après-midi. Devant la menace, on fait rentrer le personnel de la section de 120 L qui rejoint son poste normal au Bloc 5. A peine sont-ils entrés que quelques bombes tombent entre les blocs 7 et 8, vers 15 h 30, puis un tir percutant sur le bois de Schoenenbourg.
L’artillerie
continue à tirer.
Vers 20 heures, 30 bombardiers ennemis se dirigent sur l’ouvrage et nous bombardent. Ils nous lâchent une trentaine de grosses bombes et une cinquantaine de petites en 20 minutes. Le Hochwald nous fait une protection DCA.
Au bloc 1, le sergent-chef Wallior, le sergent Cardot, le caporal Dhieux, le 1ère classe Blanchard, les soldats Moreau, Kieffer, Bastien et le sapeur Giraud du poste radio, qui prêtait main-forte à ses camarades fantassins du FM de DCA. Sont blessés.
L’Adjudant-chef Lorthioir, le chef de bloc, ne cesse son tir que lorsque le souffle des éclatements lui a arraché la grille de visée et l’œilleton de son arme. Les points de chute se répartissent sur toute la superficie des avants. La tourelle 4 est recouverte de terre. Le jumelage de mitrailleuses du bloc 1 a son cadre faussé. En ¾ heures, tout est rangé, paré, prêt à fonctionner.
Aucun dégât matériel important. Les entonnoirs sont impressionnants, 5 ou 6 mètres de profondeur au moins, et 20 mètres de diamètre. Fort heureusement, il n’y a pas de harcèlement et les sapeurs peuvent aller dégager la tourelle.
L’impression sur la garnison est d’abord une surprise. Les vibrations ont une grande amplitude. Le béton fait preuve d’une telle élasticité qu’on se croirait sur un bateau. Lorsqu’une bombe tombe sur le béton ou tout près, le son est dur et désagréable, c’est le coup de poinçon qui fait croire que tout est cassé.
Un fait glorieux, malheureusement non confirmé : Un observateur de Drachenbronn, après nos tirs de DCA. sur le Hochwald, dit avoir vu un appareil ennemi s’enfuir vers Wissembourg, en flammes, puis un second s’enfuir également en lâchant une fumée noire.
Pendant ces 24 heures, les tourelles ont envoyé 1.160 coups.
Ce bombardement, violent pour un premier coup, il faut bien le dire, n’a fait que renforcer notre confiance dans notre cher vieil ouvrage.
20
Juin 1940 :
Le tir des tourelles continue pendant la nuit. La matinée est calme, trop calme.
Dès le début de l’après-midi, l’attaque reprend sur Hoffen et Aschbach. Il y a un déploiement considérable d’infanterie et d’armes antichar qui tirent de très près dans les créneaux.
Au même moment, on apprend que l’ennemi est à Surbourg et se dirige vers nous. C’est bien la plus désagréable des sensations.
Cette fois, l’encerclement est complet. On ne doit plus compter que sur nous et nos réserves. Les blocs arrières passent blocs avants et sont de ce fait bombardés, par avions, en même temps que les autres ; d’ailleurs ce ne sont pas des grosses bombes et les vibrations sont faibles, relativement.
On apprend que les avant-postes ont été repliés dans la nuit et sont installés face à l’arrière.
L’artillerie se donne tant qu’elle peut. Une batterie est disloquée à Surbourg au moment où elle se mettait en position, vers Aschbach et Hoffen, toutes les colonnes d’infanterie qui s’approchent des observatoires sont prises à partie violemment et ce, indépendamment des tirs contre avions sur le Hochwald et les observatoires d’Aschbach et Hoffen.
On fait des tirs d’essai avec la tourelle de 81. Il y a des incidents de culasse – ce matériel est trop fragile.
Les liaisons téléphoniques avec les observatoires d’Hoffen et Aschbach sont coupés au cours des bombardements par avions. – Cela nous cause une certaine angoisse, tant sur le sort de nos camarades, qui ont fait un travail magnifique, que sur le fait que, sans eux, le PCA voit ses moyens très diminués, en effet, les tirs demandés par le sous-secteur arrivent avec un retard tel et une précision si insuffisante que leur efficacité est douteuse.
A 20 heures, à une minute près la même heure qu’hier, le bombardement des avants reprend. Trente bombardiers nous lâchent un tonnage de bombes sensiblement égal à celui d’hier, dans le même temps, sans causer de grands dégâts, sauf une fissure à la voûte et au radier du 75 du bloc 3. Ce bombardement est suivi d’un harcèlement panaché par calibre moyen et gros. Les tourelles sont recouvertes de terre et les sapeurs sortent pour les dégager, sous la conduite du capitaine Stroh et de l’adjudant Hascouët, l’un et l’autre toujours sur la brèche en pareil cas (la veille déjà).
On apprend au dîner les citations de Michaud, Lefrou, Schmitt – Pinard, Peyrou, le capitaine François et Colson, qui n’ont cependant pas cessé, eux aussi, de fournir un effort méritoire, ne font pas partie de cette promotion. Ce sera sans doute pour plus tard.
Pendant ces 24 heures, 96 tirs ont été exécutés, représentant une consommation de 2.050 coups.
21
Juin 1940 :
Vers 0 heures 30, des éléments ennemis s’attaquent au Hochwald Est.
Aussitôt, Schoenenbourg, toujours prêt à intervenir, envoie jusqu’à 5 heures 1.600 coups (à la demande du PCA.EST ou de l’ensemble. On parle de mitraillettes, de lance-flammes etc…On ne retrouve, paraît-il, aucune trace.
La liaison a été rétablie avec Guhl et Mall. Guhl a dû abandonner sa cloche périscopique rendue inutilisable par les tirs d’embrasure.
Cette liaison est presque aussitôt coupée.
Vers 8 heures 30, nouveau bombardement aérien, à la fois sur les arrières et les avants. Le Bloc 6 reçoit une bombe dans son fossé diamant. La secousse est violente. Le béton résiste, mais il y a un fort ménisque dans le mur de gorge, à la hauteur de la chambre de repos. Le personnel occupant cette pièce n’est pas blessé, mais assez choqué. Il se produit une fissure à la jonction du bloc et du puits et l’escalier reliant les deux étages du bloc sérieusement endommagé. Il faut l’abattre pour éviter des chutes dangereuses de matériaux.
Le bloc 3 a été secoué aussi, mais sans grands dommages. Le déclenchement à ce moment précis du signal d’alerte aux gaz, dû à la pénétration d’abondantes fumées aux entrées, augmente la confusion. Le Commandant, qui est toujours debout, rétablit rapidement la situation en remettant chacun à son poste.
On reçoit la citation du capitaine Cortasse.
De 11 heures 15 à 12 heures, nouveau bombardement aérien. Dans l’après-midi on signale sur la route nationale de Wissembourg des véhicules à fanions blancs. On ouvre le feu avec la tourelle de mitrailleuses, quoique la distance soit un peu élevée.
La tourelle de 81 effectue des tirs. Ca ne marche pas trop mal.
A 18 heures 30, nouveau bombardement aérien, puis vers 19 heures, bombardement par très gros calibre à cadence lente. – Fin de bombardement vers 20 heures 40. - Environ 8 ou 10 coups toujours dans les parages du bloc 6.- Aucun dégât constaté, mais on a l’impression que cette fois nous gênons trop l’ennemi et il nous envoie quelque chose de très gros. C’est trop d’honneur.- Les vibrations ne sont peut-être plus aussi fortes que pour les bombes, mais le coup de poinçon est extrêmement violent.
Le groupe franc, soit avec Mathès, soit avec Fleck, sort pour surveiller les dessus et éviter les infiltrations.
On reçoit des messages radio chiffrés des observatoires. Cette liaison radio a été établie lentement parce qu’elle est fonction d’une première liaison de casemate à casemate et cette lenteur est augmentée par le chiffrement. Une liaison radiophonique entre les observatoires et l’ouvrage aurait été préférable pour ces questions de tirs.
L’activité générale est moindre : 1.120 coups.
22
Juin 1940 :
Quelques percutants de gros, moyens et petits calibres se répartissent entre avants et arrières. Quelques avions passent, l’un d’eux mitraille, sans doute la route nationale, on ne sait.
L’ennemi s’exerce au tir d’embrasure sur ce pauvre Bloc 6.
Aucun dégât important.
Dès que les tourelles se mettent en batterie, elles sont prises à partie par du calibre 88 ou 105.
Dès 16 heures 15, bombardement par très gros calibre, - coup de poinçon » à chaque arrivée -. Cadence plus rapide, un coup par 7 minutes.
Tout l’ouvrage vibre. Une quinzaine de coups environ, suivis par un tir de harcèlement de petit calibre, encore sur le bloc 6, puis le calme revient.
Depuis hier au soir, l’ennemi fait chaque soir, à partir de 21 heures 30, un petit feu d’artifices.
Consommation des 24 heures : 600 coups.
23
Juin 1940 :
Vers 1 heure, tir de protection sur la casemate de Bremmelbach-Sud. On ne comprend pas très bien.
La matinée est calme, mais à chaque mouvement que font les tourelles, elles sont prises à portée par une pluie de petits obus. La cloche du Bloc 6 est momentanément hors service, son périscope étant bloqué. Incident auquel il est rapidement remédié.
La tourelle de 81 tire dans l’après-midi ; ça marche. – Michaud, qui voulait faire du tir fusant à vue, encaisse un coup dans sa tourelle. Le dégât est insignifiant, mais la mise en éclipse ne se fait plus à fond.
On signale l’ennemi un peu partout, des isolés.
Le harcèlement sur l’ouvrage a duré toute la journée, puis, vers 19 heures 20, le très gros calibre entre en action. Une quinzaine de coups environ, à raison d’un par 7 minutes. L’un d’eux tombe sur le Bloc 5, secouant fortement le bloc et l’ouvrage par contrecoup.
Fissurant et crevassant les locaux souterrains, en particulier la chambre où logent Pinard et Peyrou, qui est saccagée. Les enduits tombent un peu partout à chaque coup. Le Bloc 3 reçoit son coup aussi, même jeu. – Fin de tir vers heures.
Liaison rétablie avec Aschbach et Hoffen.
Fleck sort avec le groupe franc, il patrouille et rapporte des renseignements sur le coup du Bloc 5. On l’a échappé belle !
Si le coup était tombé 50 cm, plus loin, il atteignait en plein la cloche lance-grenades dont la protection supérieure consiste en une plaque d’acier de 4 cm. D’épaisseur.
Le feu d’artifice allemand arrive à son heure.
Consommation de la journée : 230 coups.
24
Juin 1940 :
Nuit et matinée très calmes.
Pour abuser l’ennemi, on fait le mort, ce qui évite les tirs systématiques. En fait, aucun coup ne nous atteint.
Grâce aux éclats, nous identifions le calibre des projectiles qui nous secouent si bien ; c’est tout simplement du 420. – Celui qui est tombé sur le Bloc 5 a fait un trou de 60 cm de profondeur.
Les éclats sont énormes, 6 cm de paroi.
Dans l’après-midi, Pinard, muni de son appareil photographique, se fait accueillir par quelques percutants en allant chercher des images de notre petit coin de lune.
Vers 16 heures 15, le s/secteur de Soufflenheim demande un tir sur Rittershoffen, et la riposte est immédiate
Il paraît qu’au Hochwald, deux prisonniers allemands interrogés ont retenu de l’artillerie de forteresse une impression qui doit être celle d’un lapin sur le pré devant un chasseur adroit. – C’est leur propre expression.
Un tir de harcèlement de 220 coups est prévu sur la région de Rittershoffen jusqu’à 3 heures du matin, mais la radio annonce l’armistice pour 1 heure 30, heure française.
C’est une source de confusion qu’on essaie de réduire par une foule de coups de téléphone. Enfin il est décidé qu’on cessera le feu à 0 heure 35.
Conclusion :
Pendant cette période, on peut estimer que l’ouvrage de Schoenenbourg a reçu, au maximum, environ :
50 bombes de fort calibre (de 1000 à 1800 kilos) (ceci semblerait s'être avéré inexact, il s'agirait de bombes de 500 kg dont l'effet aurait été accentué par des propulseurs de type fusée à poudre – voir rapport Stroh -)
120 bombes de moyen calibre (jusqu’à 500 kilos)
40 projectiles de 420 m/m de rupture
20 projectiles de gros calibres (de 210 à 280 ?)
5.000
coups au moins de 150 ou 105.
Après
ces tirs, les dessus de l’ouvrage sont profondément labourés (10
à 12 m). Une cheminée de 420 s’enfonçait jusqu’à 12 mètres.
Les blocs sont décapés, en partie, le fossé diamant du Bloc 6 est éventré, la pipe d’air cuirassée de ce bloc arrachée et projetée à 20 m. par un 420, la section des 120 L des avants détruite et enterrée. Fait curieux, alors que des pièces résistantes comme les rails par exemple sont sectionnées, les périscopes qui se trouvaient en position d’observation au moment des bombardements et qui constituent tout de même une pièce faible, n’ont pas souffert.
Celui du Bloc 4, cloche périscopique, a été recouvert de débris par des éclatements près de la tourelle sans subir de ce fait aucune détérioration. De même le détecteur Z du s/lieutenant Audran, placé près du bloc 1 sur un simple tube, a résisté à presque tous les bombardements (sauf le dernier).
Les épiscopes des cloches, contrairement à ce que l’on pouvait attendre après l’accident du bloc 5 (guetteur tué) ont tous résisté.
Aux arrières les bombes lancées dans le but manifeste soit de pénétration par la grille (Bloc 7), soit de destruction de l’aérorefroidisseur (Bloc 8), n’ont pas atteint leur but, sans doute parce que la proximité de la forêt gênait le pointage des bombardiers ennemis. Les antennes de façades de ces blocs ont été sectionnées, tandis que les descentes d’antennes, moins robustes, ont résisté.
A l’intérieur, de nombreuses fissures sont constatées aux blocs 3,4,5,6. En un mot, dans tous les blocs particulièrement atteints. Il y a également de nombreuses chutes d’enduit. Le bloc 6 a une fissure à la partie supérieure du puits et une à la partie inférieure.
A chaque instant, les dégâts ont été réparés dans un minimum de temps. Au Bloc 1, le jumelage est remplacé par l’adjudant Nadaud en ¾ d’heure, le cadre réparé par le Génie en 6 heures (adjudant Jouan). Au bloc 2, l’adjudant Roland remet en état le tableau divisionnaire. Le Capitaine Stroh et l’adjudant Hascouët dégagent les tourelles.
Le docteur Brandel, assisté de ses deux auxiliaires, Loisance et Derouet, opère, à l’infirmerie, dans des conditions assez peu confortables, un sapeur qui s’est tiré une balle dans la main, par maladresse. Le Génie coule un mur supplémentaire de béton dans la chambre de repos du bloc 6.
Les blessés ont demandé eux-mêmes à retourner à leurs blocs après un repos infime à l’infirmerie.
Il faudrait nommer tout le monde. Le moral de la garnison n’a pas souffert pendant cette période pénible et tous se sont montrés à la hauteur de leur mission. Malgré une température excessive, les électromécaniciens ont assuré le service de l’usine dès que la centrale de Haguenau eut interrompu le sien. Tout a fonctionné sans accroc.
On a demandé à tous de combattre pour l’honneur du Drapeau, ils l’ont fait sans hésiter et ont su faire respecter leur fière devise aussi :
« ON NE PASSE PAS ! »
(Rapport du lieutenant LARUE, Officier adjoint au SCHOENENBOURG)