Pierre Stroh
COMBATS SUR LA LIGNE MAGINOT
OUVRAGE DE SCHONENBOURG
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Ce document unique de
la Ligne Maginot ne doit pas être diffusé, le haut commandement militaire
n'ayant aucune connaissance sur l'existence de ce document.
Le commandant
de l'ouvrage de Schoenenbourg,
Martial
REYNIER
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(A l'attention du lecteur :
Le capitaine Pierre Stroh, qui était alors le commandant du génie de
l'ouvrage de Schoenenbourg, a rédigé ce rapport en 1941 alors qu'il était
captif dans un Oflag (camp de prisonniers pour officiers) à Nuremberg, en
Allemagne. Il le soumet aussitôt au commandant Reynier, ancien commandant de
l'ouvrage, lui aussi prisonnier. Il y décrit les bombardements adverses,
analyse leurs effets et préconise des solutions pour une fortification du
futur. Il retrace ainsi de mémoire, un an après les faits, le déroulement des
opérations. Mais il est incomplet sur le nombre de gros obus tombés sur le
Schoenenbourg (il oublie de mentionner un bombardement dans la matinée du 23
juin), mais ceci n'enlève rien à cet inestimable témoignage.)
CHAPITRE I -
Préambule.
L'ouvrage de
Schoenenbourg est le dernier à l'Est des gros ouvrages faisant partie de ce que
l'on a appelé la ligne Maginot. Il se trouve en bordure de la route nationale N°
63 de Strasbourg à Wissembourg et à Landau.
Il semble avoir
particulièrement intéressé les Allemands, car, parmi les ouvrages de la Région
fortifiée de la Lauter, c'est celui qui a reçu le plus de projectiles au cours
de la 2ème quinzaine de Juin 1940. Il a eu l'occasion d'intervenir activement
pour protéger la ligne de casemates Hoffen-Aschbach-Oberroedern violemment
prise à partie par une division allemande renforcée de 10 Stosstrupps. On peut
admettre que son action a empêché, à cet endroit, la percée de la ligne qui
avait été démunie de toute l'artillerie et d'une partie de l'infanterie
d'intervalle à la date du 13 juin.
Toutefois, cette
action n'a pu être aussi vive qu'il eut été désirable car il fallait ménager
les munitions d'artillerie avec une avarice sordide puisque nous n'avions que
des approvisionnements assez faibles sans espoir de ravitaillement et que nous
ignorions combien de temps nous devrions tenir ; nous ne voulions quand même
pas être pris avant l'armistice que la radio civile annonçait proche.
Enfin, les Allemands
ont choisi en Juillet 1940 cet ouvrage pour y filmer la partie de leurs films de
guerre concernant les ouvrages français. Il a été donné au soussigné d'assister
à cette prise de vue. Il semble que, si l'armistice n'était pas entré en
vigueur, ils auraient tenté une attaque sur l'ouvrage de Schoenenbourg et la
ligne de casemates qu'il flanquait vers l'Est.
Toutefois, après le
20 Juin (percée de la ligne du côté de Neunhoffen), ce plan avait peut être été
laissé de côté pour faire place à un plan d'attaque concentrique.
Quoi qu'il en soit,
la résistance de cet ouvrage permet de se faire une opinion sur la valeur au
combat de cette ligne fortifiée qui a rempli entièrement son rôle, mais n'a pu
suppléer aux insuffisances de notre armée de campagne.
Par ailleurs, les
locaux de l'ouvrage étaient particulièrement exigus car il est l'un des
premiers construits et implanté dans un terrain difficile qui l'a rendu coûteux.
Il y régnait, plus que dans un autre, un véritable esprit d'ouvrage qui était
animé par le commandant REYNIER et qui venait à bout des délicates questions
d'écusson.
Cette exiguïté des
locaux et cette unité d'esprit permettent de faire une critique aussi
judicieuse que possible des solutions adaptées aux difficultés de la vie en
période calme. Il ne faut pas oublier que l'un des rôles de la fortification
est d'être constamment prête au combat pendant des mois et des années et qu'il
faut que ses occupants se conservent pendant ce temps en bonne forme physique
et mentale.
La présente étude a
pour but l'examen de la tenue des organes de l'ouvrage avant et pendant le
combat. Elle est suivie de réflexions diverses sur la fortification moderne.
Chapitre II -
EFFETS DU BOMBARDEMENT SUR L'OURAGE DE SCHOENENBOURG.
L'historique des
événements intéressant directement l'ouvrage du 14 au 25 Juin
Projectiles
d'artillerie reçus :
a) Le 15 mai :
environ 15 projectiles d'un calibre de l'ordre de 240 ou 280. Aucun coup n'a intéressé les blocs.
La pièce qui les
tirait a été repérée par ses lueurs; elle était à Bundenthal, à
b) Environ 34 projectiles
de très gros calibres (un coup de 420 identifié avec certitude) ayant éclaté
(le 21 Juin : 8, le 22 Juin : 12, le 23 Juin : 14).
Pièce non repérée se
trouvant dans la direction de Wissembourg, angle de chute : 70° environ,
cadence de tir : un coup toutes les 7 à 10 minutes.
Des renseignements
obtenus ultérieurement, il résulterait que la moitié environ des projectiles
était de
Il y a eu 3 impacts
sur le béton, de dimensions comparables ; celui du bloc 5 (voir plus loin) est
certainement produit par un 420 (un gros éclat de 50 à
c) A partir du 15 mai,
nombreux bombardements de petits calibres (105, 150) ; le nombre des obus
reçus, difficile à déterminer, est de l'ordre de 1 500 à 2 000. Il s'agissait
généralement de tirs de harcèlement exécutés sur les avants de l'ouvrage.
Bombes d'avions
reçues
L'ouvrage a reçu environ
70 grosses bombes, sans compter les petites réparties chronologiquement comme
suit :
- Le 19 Juin une
vague de trente avions lance en piqué sur les avants des bombes de divers
poids, dont 15 grosses bombes évaluées à
- Le 21 Juin : 3
vagues de 25 à 30 avions chacune lancent des bombes variées sur les avants et
les arrières, dont une trentaine de bombes de gros calibres évaluées à
- Remarque : les
blocs visés étant très serrés et les entonnoirs des bombes s'entremêlant, on
n'a pu vérifier si, comme à l'ouvrage du Hochwald-Ouest, chaque gros entonnoir
était accompagné de 2 petits (les 3 bombes étant lâchées par le même avion).
Effets constatés
Bien que le tonnage
de projectiles reçus par l'ouvrage de Schoenenbourg soit loin d'atteindre
l'ordre de grandeur de ceux qui ont été reçus par plusieurs forts pendant la
guerre de 1914, les effets constatés permettent de se faire une opinion sur la
tenue sous le bombardement de la fortification de la C.O.R.F.
Le tonnage de
projectiles reçus est du même ordre de grandeur qu'au fort de Manonvillers, ce
qui permet d'apprécier la différence de tenue des organes de l'ouvrage.
Les effets constatés
sont exposés ci-après, classés selon les emplacements des dégâts ; pour chaque
bloc, on a indiqué sous forme de moralité une impression sur l'ensemble des
dégâts du bloc,
Effets dans le
terrain.
a) Grosses bombes
d'avion. Elles donnent des entonnoirs réguliers ; l'entonnoir apparent a été
mesuré, il a environ
On peut donc admettre
que le centre des poudres au moment de l'explosion était de 8 à
C'est ainsi que je
présume que les bombes reçues étaient de
Je n'ai rien pu
apprendre à cet égard des officiers allemands que j'ai vu ultérieurement et qui
auraient voulu faire croire que nous n'avions reçu que des projectiles de 50 à
b) Obus présumés de
420 : les impacts sont manifestés par des puits de
Ces puits aboutissent
à des camouflets qui se manifestent extérieurement au bout d'un temps variable par
un effondrement de la croûte du sol.
Effets dans le
réseau-rails.
1- ) Un coup présumé
de 280 (tir du 15 mai) à retard explose à environ
Un des rails projeté
s'est replanté en terre de
Un autre coup a des
effets analogues.
2 -) Un coup présumé
de 150 sans retard explose à environ 1m 20 de profondeur et coupe net 8 rails
sans les déterrer, ni les déplacer sensiblement.
3 -) Plusieurs coups
de petit calibre avarient des rails, les éclats percent la semelle ou l'âme.
Effets sur le
réseau de ronces type C.O.R.F.
Il est démoli ou recouvert
de terre par endroit.
Effets sur le bloc
1 (casemate d'Infanterie Ouest)
1 -) Le 19 Juin, une
bombe d'avion lancée en piqué par un avion venant du Sud ou du Sud-ouest ricoche contre le mur de garde (en maçonnerie
qui est détérioré) et explose au niveau du sol à
a) un sous-officier
se trouvant au bord du fossé diamant et qui allait servir un F.M. de D.C.A.
placé à l'extérieur est culbuté dans le fond du fossé (commotion, blessures
légères).
b) 3 hommes se
trouvant dans le bloc en face de la porte de secours laissée ouverte par
imprudence sont brûlés superficiellement à la face ; surtout, l'un d'eux est
déculotté,
c) Le cadre fixant le
jumelage de mitrailleuses à la trémie est faussé et ses quatre oreilles de
fixation sont tordues ou fendues. Le 2ème jumelage (celui du créneau du canon
de 47) est mis en position aussitôt à la place de la pièce avariée qui est
envoyée à l'atelier de l'ouvrage où l'équipe de dépannage du Génie le répare.
Durée de
l'indisponibilité du créneau : 3/4 d'heure à partir de l'explosion de la bombe
jusqu'à la mise en service du jumelage de rechange.
Durée de
l'indisponibilité du jumelage touché : 12 heures.
d) Le bloc étant
rempli de fumée par la porte de secours ouverte, une légère panique a eu lieu.
2 -) Un coup de 150
percutant à
Moralité : La gravité
de l'accident dû à la bombe vient du fait que trois hommes se trouvaient à
l'extérieur pour servir un F.M. sur support de circonstance tirant contre avions
et qu'on avait imprudemment laissé la porte de secours ouverte. L'exemple du
bloc 6 (voir plus bas : bombe dans le fossé diamant) montre que, lorsque la
porte est fermée, le personnel du bloc n'a rien à craindre des effets de souffle
d'un projectile explosant à l'extérieur.
Il est à noter que le
personnel servant le F.M. a été encadré par 2 grosses bombes tombant à moins de
E -) Effets sur le
bloc 2 (tourelle de mitrailleuses)
Gros entonnoir à
proximité : aucun dégât dans le bloc ; le champ de vision et de tir de la
cloche est gêné par les lèvres des entonnoirs, ce qui eut été dangereux en cas
d'attaque d'infanterie.
F -) Effets sur le
bloc 3 (tourelle de 75 R 32)
1 -) Un obus présumé
de 420 tombe sur le béton et laisse une
souille de
2 -) Une pièce allemande
baladeuse était embusquée à 2 à
3 -) Les entonnoirs
voisins engorgent de terre un créneau de la cloche de G.F.M. du bloc 3 et
gênent le service des autres créneaux.
4 -) Sous l'effet des
premières bombes d'avions un magasin à munitions souterrain (cellule du magasin
M 2) est fendu selon la clef de voûte et l'axe du radier. Ce dommage n'est pas
aggravé par les bombardements ultérieurs; il est attribué à un tassement
provoqué par les ébranlements du bombardement (il convient de noter la mauvaise
qualité du terrain aux alentours des blocs d'avant : ces sables aquifères ont
pu se modifier pendant ou après la construction et créer des tensions dans la
maçonnerie.
5 -) Une cassure
horizontale règne à la jonction du raccord des dessus du bloc avec la
maçonnerie du puits et est due sans doute aux différentes façons de se
comporter du bloc et du puits sous l'action des coups directs sur le bloc.
Cette cassure existe plus ou moins dans tous les blocs, elle est particulièrement
notable aux blocs 3, 4, 5 et 6 qui ont été atteints par des coups directs.
Moralité : Les dégâts
causés au bloc 3 sont faibles, sauf l'obstruction des champs des créneaux de la
cloche qui eut été dangereuse en cas d'attaque d'infanterie.
G - Effets sur le
bloc 4 (tourelle de 75 R 32 et observatoire cuirassé).
1 -) Le 19 Juin, une
bombe d'avion tombe sur le béton à
Les débris de béton
retombent sur la tourelle entremêlés avec les armatures et on attend la nuit
pour aller dégager la tourelle par les dessus. Il est probable qu'en cas
d'urgence, la tourelle aurait pu se dégager en mettant en batterie et en tirant
quand même ; toutefois, on aurait risqué
ainsi de la coincer par des morceaux de béton difficiles à enlever de
l'intérieur de l'avant-cuirasse.
2 -) Une 2eme bombe d
avion tombe le lendemain au même point que la précédente ; cette dernière
enlève environ
3 -) Des bombes
d'avion éclatent de part et d'autre du bloc dans le massif de rocaille : les
entonnoirs produits ont
4 -) On a constaté
extérieurement un camouflet produit par un coup de gros calibre (420 ?) au
contact de la paroi Nord du bloc; un décollement peu apparent d'un ménisque
d'enduit intérieur semble en être la conséquence.
5 -) Un gros
entonnoir gêne le service des créneaux de la cloche G F M.
6 -) Le bloc présente
une cassure horizontale à la partie supérieure du puits compliquée de cassures
plus petites inclinées à 45° (cf. bloc 3).
Moralité : Le bloc
H - Effets sur le
bloc 5 (tourelle de 81)
1 -) Le 26 mai, un obus
de 150 atteint la cloche G FM au bord de l'embrasure d'un créneau (face
extérieure de la cloche) : l'épiscope et le périscope sont brisés, l'équipement
fixe du créneau est faussé, le guetteur est tué. L'équipement de créneau et
l'épiscope sont remplacés par du matériel fourni par les services de la 5e
Armée.
2 -) Un obus de 420
atteint le béton au voisinage de la cloche de lance-grenades de 60 (non
équipée) ; il produit une souille de
L'ébranlement causé
par la percussion de l'obus a provoqué des fentes aux maçonneries des locaux
souterrains du bloc assez loin du point d'impact (voir plus loin) ; ces dégâts,
relativement peu importants, ont été une cause de gêne en raison de l'afflux
d'eau qui en a été la suite, les locaux étant bâtis en terrain aquifère.
3 -) Des bombes et
obus bouleversent le terrain au point de recouvrir de
Il est nécessaire de
sortir à plusieurs reprises pour les dégager et on a une certaine difficulté à
retrouver l'emplacement de la tourelle, tant l'aspect du terrain est modifié.
Après dégagement de la tourelle par l'extérieur, il y a encore beaucoup de
terre dans l'avant-cuirasse et il y en a même dans les tubes des mortiers de 81
et leur mécanisme de chargement. Il y a tant de terre et de poussière que le
dégagement, lent et fastidieux, dure plusieurs heures. Il est ralenti par
l'exiguïté des accès à l'avant-cuirasse et à la tourelle.
Moralité : Le bloc
proprement dit n'a pas souffert du coup de 420. Le service a été surtout gêné
par les irruptions de terre qui entraînèrent des indisponibilités durant
jusqu'à 18 heures. Il est à remarquer que la terre est moins gênante pendant
les périodes de tir de la tourelle car elle est tenue en respect par le souffle
des bouches à feu.
Le moral du personnel
du bloc avait été fortement atteint pour des causes diverses : exiguïté et
manque de confort du bloc, mort du guetteur de la cloche le 26 mai, incidents
dus à la terre, accident de tir survenu à l'équipe à l'occasion du service
d'une pièce de 120 De Bange placée sur l'ouvrage (3 blessés dont 1 mort). Le
moral du personnel a été remonté par l'arrivée du coup de 420 qui a prouvé la
solidité du béton et par le premier tir que la tourelle de
I - Effets sur le
bloc 6 (casemate d'infanterie Est)
1 -) De nombreuses
bombes d'avion tombées à proximité du bloc créent une vaste baignoire allongée
ayant environ
2 -) Une bombe éclate
dans le fossé diamant, ce qui a pour conséquence :
a) la création d'un
important ménisque dans le mur de la chambre de repos (voir figure 2) : les
occupants de la chambre projetés hors des lits contre la paroi en face en
sortent émus et déprimés pour 24 heures.
b) l'éventrement du
mur extérieur du fossé diamant (ouverture de
c) la détérioration
du cadre fixant le jumelage de mitrailleuses à la trémie ; les avaries sont
analogues à celles survenues au bloc 1 (voir plus haut) la réparation est faite
par le Génie de l'ouvrage dans les mêmes conditions que pour le bloc 1.
d) la détérioration
de la serrure de la grille extérieure de l'issue de secours, ce qui montre que
les projections et le souffle ont agi avec une sérieuse force sur cette grille,
bien qu'aucun courant d'air n'ait pu s'établir puisque la porte blindée de
l'issue était fermée. Un sapeur a dû travailler 6 heures dans la poterne pour
la rendre à nouveau praticable.
e) Un tir tendu
d'obus de petit calibre (77 ou 88) a été ajusté sur les créneaux du bloc par
une pièce baladeuse. Les armes étaient en position de tir et n'ont pas
souffert, l'enduit du béton a été écorché, ce qui a fait disparaître le beau
camouflage à la peinture noire qui avait été appliqué durant l'hiver.
4 -) Un obus présumé
de 420 est tombé sur le béton et a fait une souille de
5 -) Sous l'effet des
explosions, le puits du bloc
Il semble que le
bombardement ait disloqué la maçonnerie en éléments tels que I, II, III.
La cassure AB se
retrouve aux blocs 3, 4, 5, 6 comme il a été dit ; des cassures telles que D se
retrouvent dans la galerie souterraine du bloc 5, toutefois c'est au bloc 6 que
cette dislocation est la plus visible; plusieurs raisons sont plausibles :
a) la mauvaise
qualité du terrain (sables boulants très fins) qui a pu être aggravée du fait
qu'un captage d'eau existait dans la galerie à la base du bloc.
b) le bloc
c) le bloc 6 est
relativement petit et la masse faible, il a donc opposé moins d'inertie aux
coups et ses déformations en ont eu une plus grande amplitude,
d) le bloc 6 est le
seul des blocs actifs qui n'ait pas été fondé par piliers reposant sur des
semelles au niveau de la galerie ; on avait renoncé à ce mode de fondation en
raison de la mauvaise tenue du terrain en profondeur.
e) la cassure D
préexistait sous forme de fissure témoignant d'un déséquilibre des maçonneries.
Elle avait donné lieu durant l'hiver 1939-40 à une réfection d'enduit pour
aveugler la venue d'eau ; toutefois, aucun mouvement des maçonneries n'avait eu
lieu depuis l'époque de cette réfection (cette fissure D se prolongeait
d'ailleurs dans le local voisin où elle avait été aveuglée, et elle s'y est
largement ouverte au moment du bombardement,
Moralité : Le bloc
Malgré les dégradations
de la maçonnerie, l'armement du bloc est resté continuellement en état de
tirer, il a été réparé et se trouvait intact au moment de l'armistice.
Les causes de l'acharnement
des avions sur le bloc 6 peuvent être les suivantes :
a) il était bien
visible la première fois que les avions sont venus (19 Juin à 19 heures) car il
était alors le seul bloc qui présentait une façade à l'ombre ; par la suite, il
était le mieux visible car il avait été déchaussé de terre lors de la première
attaque (il apparaît très bien sur la photo parue le 20 Janvier 1941 dans un
journal allemand : Kölnische Illustrierte Zeitung).
b) Ce bloc est
relativement plus vulnérable que les autres à une attaque d'infanterie car il
n'est pas protégé par les feux directs de la casemate voisine (masquée), il n'y
a pas d'artillerie sous béton à l'Est de l'ouvrage et sa façade Est est à
l'abri des feux des autres blocs de l'ouvrage. Il pouvait donc être tentant de
préparer le bloc et ses abords à une attaque par les sapeurs allemands.
Il est à remarquer
que c'est ce bloc qui a été choisi pour le simulacre d'attaque qui a été filmé
par les cinéastes allemands vers le 20 Juillet. Il a été donné au soussigné
d'assister à cette mise en scène qui a été faite avec un grand déploiement de
pétards et de lance-flammes, selon les principes connus.
c) L'ennemi ayant
commencé à attaquer le front fortifié dans la partie Est de l'ouvrage
(Casemates d'Aschbach et d'Oberroedern), il avait intérêt à se débarrasser des
armes tirant vers l'Est.
J - Effets sur les
blocs 7 et 8 (entrée des munitions et entrée des hommes).
Deux ou trois bombes
de gros calibres sont tombées aux abords de chaque entrée, créant des obstacles
importants, (entonnoirs de
Moralité Les bombes
des entrées auraient pu causer de graves dégâts dans l'entrée des munitions ou
dans l'aérorefroidisseur, mais elles ont été ajustées avec une précision
moindre que celles qui étaient destinées aux blocs d'avant ; cela peut tenir
aux causes suivantes :
a) le bombardement
des blocs d'entrée a été fait par des avions volant bas (environ
b) les blocs d'entrée
sont entourés d'arbres qui ont certainement gêné la visée des aviateurs.
K - Effets sur les
locaux souterrains.
Les locaux
souterrains n'ont eu que peu de dégâts; on peut noter :
a) dans le magasin M2/M1
du bloc 3, une fissure longitudinale dans l'axe de la voûte et une fente plus
importante dans le radier (dégât mentionné plus haut).
b) au P.C.
d'artillerie, l'accentuation d'une fissure préexistante.
c) à la chambre
d'officier du bloc 5 une cassure des piédroits courant horizontalement à
Moralité : Les dégâts
des locaux souterrains ont été surtout gênants par l'afflux d'eau consécutif et
n'ont pas, sur le moment, affecté la solidité des locaux ; ils auraient tous
nécessité des réfections d'enduit ou le montage de tôles parapluies si
l'ouvrage avait continué son service;
Parmi les trois
dommages cités, les deux premiers ont été sans doute favorisés par des tensions
internes préexistantes dans la maçonnerie ; le dernier serait plutôt dû au choc
du coup de 420 tombé sur le bloc 5 ; le bloc et son puits se seraient ébranlés
comme un monolithe, ce qui explique l'apparition de solutions de continuité
fort éloignées du point d'impact et survenues dans la région reliant la base du
puits aux maçonneries souterraines.
L - Aspect
d'ensemble des dégâts.
L'aspect extérieur de
l'ouvrage était impressionnant, mais il ne faut pas conclure de l'énumération
qui précède que l'ouvrage était diminué. A part le bloc 6, aucun organe n'était
sérieusement touché ; en particulier tout l'armement de l'ouvrage était intact
à l'armistice et il a fallu le donner en bon état aux Allemands. Ceux-ci
étaient tous très surpris de la faible importante des dégâts.
CHAPITRE III -
RÉFLEXIONS DIVERSES CONSÉCUTIVES.
Ces réflexions sont
faites au fil de la plume sous forme de critique de la fortification de la
C O R F à la lumière
de l'expérience de leur auteur. Elles contiennent des suggestions pour la
fortification de l'avenir ; elles supposent connues les discussions d'école sur
les doctrines et les modes de fortification ; elles ne comportent pas de
critique des détails de construction (par exemple : nécessité d'assécher les
parois des galeries au moment de leur construction, mode de fixation aux parois
des câbles et tuyauteries). Elles n'engagent naturellement que la
responsabilité de leur auteur.
Ces réflexions sont
classées sous les rubriques
A - Les places et
leur commandement.
B - La vie des places
en période calme.
C - Les organes passifs
au combat.
D - Les organes
actifs au combat.
A – Les places et
leur commandement
1 -) Rôle de la
forteresse dans la défense des Etats.
La fortification
permet de choisir le théâtre du combat et d'attendre la décision, mais non de
la donner. Cette vérité évidente semble avoir guidé les constructeurs de la
fortification française, puis avoir été oubliée les années suivantes. Cet oubli
a fait que l'on n'a pas forgé à temps l'outil de la décision; on n'a pensé à le
forger qu'au moment où il était trop tard.
On entend communément
proférer l'opinion que nous aurions évité l'invasion "si la ligne Maginot
avait été prolongée jusqu'à la mer".
Sans compter qu'il
aurait fallu travailler pour cela plus que ce n'était la mode dans les milieux
dirigeants, cette opinion est une erreur pour deux raisons au moins :
a) nous aurions eu
pour le prix de ce prolongement une sérieuse flotte aérienne et de bonnes
divisions cuirassées ;
b) un pareil
développement de forteresse aurait englouti à la mobilisation tout le personnel
jeune et tout le personnel technique de valeur que possédait le pays. Il aurait
enlevé aux divisions de campagne le peu de dynamisme qu'elles avaient en 1940,
(Je ne parle pas ici des cavaliers qui ont apporté leur allant dans tous les
corps qu'ils ont formés).
La mission de la
fortification en 1938 était de couvrir le pays pendant la mobilisation.
A la fin de 1939, on
admit implicitement que cette mission de couverture devait durer jusqu'à ce que
nous ayons une quantité suffisante de chars et d'avions pour pouvoir nous
battre. Ceci était assez bien compris par les troupes de forteresse qui
apportaient à cette mission tout le sérieux possible. Ce n'était en général pas
compris par le personnel cantonné à l'arrière ou par les civils qui s'endormaient
dans une sécurité trompeuse et s'installaient dans la guerre comme dans une
spéculation de père de famille à longue échéance. La majorité des Français
comptait inconsciemment sur l'aide que fournirait l'Amérique au bout de
quelques années ; ils n'ont pas fait comme nos pères qui, de 1914 à 1917,
n'avaient pas oublié le vieux proverbe du fabuliste :"Aide-toi, le ciel
t'aidera",
2 -) Sécurité des
places fermées.
Les attaques par
surprise des avions et des chars revêtent une grande violence et menacent toute
la fortification linéaire si celle-ci est percée ou tournée.
La sécurité de la
fortification exige donc que ses flancs et ses arrières soient gardés comme son
front.
On peut remarquer
qu'en 1914 et en 1940, la fortification a canalisé l'invasion vers des régions
peu ou pas fortifiées. En 1940, la possession de grosses places équipées à la
moderne aurait pu permettre la prolongation de résistances durables, telles que
celle de
Denfert - Rochereau
en 1870 (1). La fortification en cordon de la Ligne Maginot était condamnée à
se désintégrer par parties à bref délai si une contre-attaque vigoureuse et
rapide ne suivait immédiatement l'attaque du pays (1) ; c'est d'ailleurs ce qui
se serait passé si l'armistice n'avait arrêté la marche des événements. En
effet, les éléments de la ligne pouvaient se prêter l'appui de leurs yeux mais
ne pouvaient plus, fin juin 1939, s'entraider par leurs approvisionnements
faute de communications sûres ; l'élément qui a le plus à agir est ainsi exposé
à périr faute de munitions. (C'est ainsi qu'au moment de l'armistice, l'ouvrage
de Schoenenbourg n'avait plus que 8 000 coups par tourelle de 75, alors que
l'ouvrage voisin en avait encore plus de 16 000 par tourelle, sans que l'on
puisse égaliser ces stocks).
Une fortification
linéaire est donc condamnée en bloc à partir du moment où elle n'a plus un
secours extérieur suffisant ; sa résistance est prolongée si on lui ajoute une
seconde ligne et des bretelles (genre ligne Siegfried) ; son prix et ses
effectifs sont alors prohibitifs si on veut qu'elle ait de la durée. La
prolongation de la résistance est également obtenue si on fractionne la
fortification d'un pays en un certain nombre de places fermées, gardant les
trouées d'invasion et servant de points d'appui à des troupes de campagne. Une
place fermée protégerait les approvisionnements destinés aux troupes de
campagne et les mettrait à l'abri de coups de mains exécutés par les forces
motorisées ennemies. Une telle place se composerait de plusieurs ouvrages d'un
type dérivant du type actuel et disposés en étoile autour d'entrées communes.
Elle serait comme un oursin qui pique de toutes parts et possède au centre un
orifice lui servant à la fois de bouche et d'anus.
Dans l'établissement
de la défense d'un état on peut hésiter entre deux conceptions :
a) Établir le long de
la frontière quelques grosses places (de la taille atteinte en 1914 par Verdun)
capables d'immobiliser dans un siège une grosse armée ennemie en attendant
d'être débloquée par une armée de campagne.
Ces places peuvent
servir d'appui à une troupe mobile qui retarde le plus possible le moment où
elle est enfermée.
b) Établir un
quadrillage de places, petites et nombreuses, échelonnées sur deux ou trois
lignes et formant ce que Vauban a appelé un "pré carré" ; dans ce pré
carré s'établit une armée de campagne prête à sortir à l'improviste sur
l'ennemi par un côté quelconque du pré carré.
Quelle que soit la
conception adoptée, il ne faut pas oublier que le béton doit être complété
d'une armée de campagne agressive et mobile. Cette armée doit trouver dans les
places des aménagements qui lui sont réservés (abris, hangars et garages
souterrains, approvisionnements, ateliers, etc..,,).
3 -) Fragilité des
casemates isolées.
Une ligne de
casemates isolées doit être appuyée par des ouvrages d'artillerie et posséder
avec ces ouvrages des moyens de transmissions très sûrs ; mais la question la
plus délicate est celle de leur commandement.
Le commandement d'une
casemate à officier unique lui donne une énorme responsabilité s'exerçant dans
des domaines très variés (approvisionnements divers, fonctionnement des
installations électromécaniques et des transmissions, maintien du bon état
sanitaire, entretien des maçonneries et des abords, service de matériels de tir
très variés et différents des matériels de campagne).
Cette responsabilité
est comparable à celle d'un commandant d'un petit navire de guerre; mais ici le
petit navire ne va jamais au port; si l'accès est possible en tout temps, il
est toujours délicat car les transports par voie de terre jusqu'aux petites
casemates sont presque toujours difficiles. Le commandant de casemate est donc hanté par les
difficultés d'approvisionnement et d'entretien, même en période calme, alors
que des services divers en sont chargés.
Ces services (génie,
transmissions, intendance, artillerie, santé) lui font à peu près défaut au
moment du combat et il doit les remplacer à lui seul, alors qu'un commandant de
gros ouvrages a sous ses ordres tout le personnel d'entretien voulu.
Il semble donc que les
lignes de casemates isolées soient à proscrire chaque fois qu'il est possible; elles
seront souvent remplacées avantageusement par des détachements rapides et bien
armés qui pourront être appuyés par les feux des ouvrages.
Lorsqu'on devra
construire des casemates ou des observatoires écartés, il sera bon de les
réunir transversalement par une galerie aboutissant si possible à un ou deux
ouvrages voisins; cette galerie procurerait les avantages suivants :
a) assurer le passage
des câbles téléphoniques;
b) permettre l'accès
du matériel et des approvisionnements par une voie plus commode que les accès
extérieurs qui ne sont souvent que de mauvais chemins de terre.
c) procurer un appui
moral aux équipages des casemates.
d) procurer un appui
matériel par l'utilisation des moyens des ouvrages (infirmerie-ateliers),
e) faciliter l'écoute
souterraine et éventuellement l'exécution des travaux de contre-mines.
4 -) Feux de
front.
a) Artillerie.
Dans la fortification
française, l'exécution, des feux de front était réservée aux batteries
extérieures et éventuellement aux tourelles des ouvrages.
Les batteries
extérieures pouvant facilement être prises à partie par les avions, il y aura
lieu à l'avenir de généraliser l'emploi des tourelles. Toutefois, étant donné
le rendement d'une tourelle et la possibilité d'avoir une D.C.A. active, il
semble qu'il suffirait de mettre trois tourelles de 75 là où un ouvrage type
CORF en comportait deux.
b) Infanterie.
Les feux d'infanterie
de la ligne française comprenaient :
1) des feux de
flanquement principaux (jumelages de mitrailleuses et canons antichars) sous
béton;
2) des feux
rayonnants de défense rapprochée (cloches G F M, grenades, etc,...),
3) des feux d'armes
antichars sur plate-forme non protégée,
4) des feux de
troupes d'intervalle (armement de campagne).
Le plan de feux des
ouvrages (paragraphes 1 et 2 ci-dessus) qui doit assurer à lui seul une défense
homogène présentait la grave imperfection d'être discontinu devant les ouvrages
et les casemates. Le principe du flanquement réciproque des organes de feux est
excellent, mais ce flanquement doit être complété par des feux de front
efficaces ; or la fragilité des cloches G F M leur donne une valeur presque
nulle (voir plus bas). Vauban attaquait les saillants des bastions, les
Allemands, en 1940, attaquent directement les casemates ; c'est le même
phénomène. On pourrait envisager de généraliser l'emploi des armes frontales
sous cuirassement, telles que les jumelages de mitrailleuses sous cloche qui
existaient dans certaines casemates. Mais on risque toujours que l'ennemi
attaque en dehors du champ de cette cloche frontale; c'est par exemple ce qui
s'est passé à la casemate d'Aschbach-Nord; il est tout de même vexant pour le
mitrailleur qui a un bon outil de devoir faire appel à l'artillerie de
l'ouvrage voisin. Comme on ne peut multiplier ces cuirassements, il est logique
d'envisager un emploi plus général de la tourelle de mitrailleuses (ou mieux
d'arme mixte). Si le pays est assez riche, il n'y a pas de raison pour ne pas
mettre une tourelle d'arme mixte par casemate isolée et 2 ou 3 tourelles par
ouvrage.
Quant aux canons
antichars sur plate-forme fixe, ils seraient avantageusement remplacés par des
unités de chars gardées sous abri jusqu'à l'heure du combat. Les ouvrages
avaient reçu fin mai 1940 des sections ou demi-sections de chars destinés à la
défense des entrées et des abords de l'ouvrage; c'était une excellente idée qui
serait à retenir et à généraliser dans une fortification future.
On voit ici, en petit,
coopérer l'organe fixe avec l'organe mobile qui est plus agressif, comme on
devrait voir en grand coopérer la fortification et les troupes de campagne.
5 -) Rendement du
personnel technique des places fermées.
Dans la ligne fortifiée
française était dispersé un nombreux personnel technique de valeur à travers
les ouvrages et les services d'entretien annexés à tous les échelons de la
hiérarchie (sous-secteurs, secteurs, régions fortifiées, armée).
Cette dispersion
était une conséquence de celle de la fortification. Elle nuisait au rendement
de ce personnel qui, en temps de paix et en temps de guerre, passait son temps
sur les routes et les chemins et qui déployait des trésors d'ingéniosité pour
transporter les pièces à réparer ou les rechanges sans perdre trop de temps. Il
est absurde de gaspiller ainsi l'énergie des meilleurs éléments de la nation ;
l'économie de ce personnel est d'autant plus nécessaire que je suppose que nous
voulons posséder à la fois une bonne fortification et une armée de campagne
dynamique.
La concentration du
personnel technique dans les places fermées lui assurera un meilleur rendement;
le même atelier servira à assurer l'entretien des chars et des ouvrages et les
approvisionnements seront communs. Il faudra avoir dans chaque place des
ateliers et des magasins largement conçus ; s'ils n'existent pas dans la ville
que l'on a fortifiée ; il faudra favoriser l'installation dans les places
fortes de quincailleries et d'ateliers divers (mécanique, chaudronnerie, scierie,
charpente, maçonnerie, etc ...), Pour peu qu'on y veille, les commerces et les
industries utiles à la défense en temps de guerre se développeront tout seuls
au moment de la construction de la place forte ; il suffira de guider leur
développement. Logiquement, on devrait commencer cette construction par celle
de magasins et d'ateliers sous béton; l'exécution en première urgence de ces
commodités donnerait aux armées de campagne une certaine sécurité dans la
manœuvre avant même que les organes de feux fixes existent. Ces locaux seraient
mis à la disposition des entrepreneurs et des artisans chargés de la construction
et de l'entretien de la fortification; la gérance des ateliers et des magasins
pourrait très bien être donnée à bail pendant les périodes de paix sous réserve
de conserver en magasin un stock minimum et d'entretenir les machines. Cette
façon de faire permettrait d'améliorer le rendement de ces installations
coûteuses en les faisant servir le cas échéant à des travaux civils.
6 -) Aménagement d'une
place fermée.
La place comprend un
périmètre central où seront construits des locaux à l'épreuve contenant abris,
garages, entrepôts, ateliers et magasins ; ceux-ci seront répartis au voisinage
d'un nœud routier et d'une gare mixte et desservis par voie normale et voie de
60. Une partie centrale devra être réservée aux commerces et aux distractions
nécessaires à la vie de la population. Les services administratifs seront
groupés et leurs locaux seront doublés d'abris dans lesquels ils se transféreront
en cas d'alerte.
La protection de la
place sera assurée par des organes de feux judicieusement implantés. Le gros
ouvrage ayant donné satisfaction, dans l'ensemble, nous conservons son type et
nous groupons les organes de feu principaux dans des ouvrages situés aux
sommets d'une étoile entourant le périmètre central.
Les intervalles des
ouvrages devront être gardés, mais on évitera de multiplier les casemates
isolées en étalant les ouvrages en largeur. Les ouvrages auront chacun leur
entrée.
Des organes de feu
seront placés dans les abris du périmètre central de façon à pouvoir être
servis le cas échéant par le personnel des magasins et des ateliers.
Il faudra développer
les communications à l'épreuve entre les divers organes du périmètre central,
et même les ouvrages si les crédits le permettent.
En temps de paix, les
voies de 60 serviront à transporter les voyageurs privés à la façon d'un
tramway et du métro afin de faciliter l'existence des militaires et de leur
famille. Les logements et les casernes seront en effet étalés au voisinage des
entrées des ouvrages donc éloignés du centre de la place.
Il faudra largement
planter des arbres à haute tige partout
afin de camoufler les défenseurs ; les rues devront être larges pour
rester praticables même après un bombardement.
7 -) Le
Commandement des places.
Le commandement et
l'organisation des troupes de forteresse à la mobilisation de 1939 était
satisfaisant et adapté aux dispositions de notre fortification, à l'exception
de trois points :
a) Un commandant de
sous-secteur commandait simultanément des bataillons d'infanterie d'intervalle,
des compagnies d'équipages de casemates et des compagnies d'équipages
d'ouvrages ; ces unités étaient très hétéroclites; les dernières comprenaient
les éléments
d'artillerie et du
génie des casemates et ouvrages ; cependant il existait dans le sous-secteur
des unités d'artillerie et du génie indépendantes du commandant du
sous-secteur. L'ensemble était peu harmonieux et il en résultait des
difficultés fréquentes.
Il vaudrait mieux
avoir à chaque secteur ou sous-secteur un commandant des troupes fixes et un commandant des troupes mobiles
placés tous deux sous les ordres d'un chef commun. Les troupes fixes et les
troupes mobiles ont des besoins et un esprit trop différents pour pouvoir
collaborer directement.
b) Les troupes
d'intervalle ne possédaient pas assez de mobilité; elles occupaient des
positions reconnues depuis longtemps et attendaient, il eut fallu dans le
secteur disposer d'un organe rapide jouant le rôle d'un groupe de
reconnaissance ; il eut fallu dans chaque régiment de forteresse une unité
mobile comprenant camions, autres blindés, chars ; artillerie.
c) Les troupes d'un
même ouvrage étaient d'armes différentes ; elles avaient à grade égal des primes
et des avancements différents et en concevaient de la jalousie. Il fallait
beaucoup de tact et de dévouement de la part des officiers pour amortir les
difficultés dues aux mesquineries de l'écusson et créer un esprit d'ouvrage.
Dans le cours de la
guerre, des troupes de campagne ont été installées sur la position même sans
que l'indépendance du commandement de la forteresse ait été réservée ; les
officiers de ces troupes connaissant peu le terrain, organisaient comme s'ils
taillaient dans du neuf. Il en résultait de perpétuels conflits d'attribution
nuisant à la discipline et à l'exécution des travaux dont le programme
changeait à chaque relève de division.
Si nous avons une
fois à nouveau une fortification, il faudra instruire tous les officiers des
devoirs et des possibilités d'action de chacun afin qu'on n'installe plus de
troupes dans les zones battues par les armes sous béton et que les ordres
soient transmis par la voie hiérarchique.
Cette instruction
serait d'autant plus nécessaire dans la place fermée que j'imagine que les
organes centraux en seraient communs aux éléments fixes de forteresses et aux
troupes de campagne. Dans une certaine mesure, le commandant de la place
jouerait le rôle d'un hôtelier vis à vis des
troupes de passage ; ceci nécessite un dressage de tous afin que les voyageurs
ne s'ingèrent pas dans l'administration de l'hôtel et ne partent pas en
emportant les petites cuillers. Pour éviter toute confusion, il serait alors
bon de doter les éléments fixes d'une tenue et d'un statut uniformes ; le bon
ordre exige qu'on ne puisse, confondre le personnel de l'hôtel et les
voyageurs.
Il importe également
que le commandant de la place soit entièrement maître chez lui aux sommets
difficiles ; il doit donc ne relever que du commandement en chef et exercer le
commandement sur toutes les troupes étrangères à la garnison à partir du moment
où elles sont bloquées dans la place. Cette question du commandement des places
est évidemment épineuse et on ne peut lui trouver qu'une solution appropriée ajustée
au mieux au système de fortification adopté. De toutes façons, il faut que les
officiers commandant les troupes de campagne sachent bien tous qu'ils peuvent,
dans certaines circonstances, être subordonnés à un commandant de place forte.
8 -) Organisation
des troupes da forteresse.
Les troupes
organiques des secteurs fortifiés ou des places doivent comprendre des éléments
les rendant indépendantes des troupes de campagne, tels que :
a) D.C.A. (sous
béton, mobile, chasse aérienne).
b) Troupes de reconnaissance
(autos et chars légers).
c) Troupes de combat
mobile (autos et chars légers).
d) Aviation (quelques
appareils d'observation et de combat).
Le commandement
hésitera toujours à mettre à la disposition des secteurs ou des places des
éléments mobiles sous le prétexte que ces éléments ne rendront que des services
momentanés, restent inutilisés le reste du temps et pourraient être plus utiles
en étant groupés en une masse de manœuvre. On n'hésite pas, en période active
du temps de paix, à faire des efforts gigantesques pour construire du béton ou
des cuirassements ; mais on n'ose pas, au moment décisif, disposer des éléments
mobiles qui donneraient au béton tout le rendement possible. C'est ainsi que
les commandants d'ouvrage sont souvent aveugles sous leur carapace.
L'histoire nous
apprend que les garnisons ont souvent manqué de moyens de renseignements (par
exemple en 1914 : à Manonvillers, au fort de Troyon où l'approche des Allemands
a été connue fortuitement par un civil). C'est ce qui permet le succès des
attaques par surprise (prise de Liège en 1914). Il est classique de vanter le
procédé de la défense extérieure active de Denfert-Rochereaut mais il faut un
minimum de moyens pour le mettre en pratique. En période critique, le
commandant de place forte ou d'ouvrage n'a que ses moyens organiques et ne peut
compter sur personne ; si ces moyens ne comprennent pas un minimum d'éléments
de reconnaissance rapide, il ne sera prévenu de l'approche de l'ennemi que par
celui-ci ou par hasard.
B - La vie en période
calme dans un ouvrage.)
9 -) Prises d'air.
L'utilisation des
entrées comme prises d'air pur entraîne des sujétions graves :
a) les
ravitaillements et manutentions aux entrées se font dans un courant d'air qui
entraîne à l'intérieur les poussières et les gaz d'échappements des véhicules.
b) les consignes
concernant l'ouverture ou la fermeture des portes de sas et des portes blindées
varient selon les saisons et l'heure de la journée, ce qui entraîne de
l'incertitude chez les occupants du bloc.
c) en période
d'alerte, surtout la nuit, il est prudent de fermer les portes blindées ; ceci
est impossible sans mettre les blocs d'entrée en dépression.
Il est désirable
d'aménager une prise générale d'air pur placée sous le feu des organes de défense
des blocs d'entrée ; elle peut très bien faire partie de l'un des blocs pourvu
que la conduite d'entrée de l'air débouche dans l'ouvrage en deçà du sas. Il
serait peut être même possible de condenser un peu de vapeur d'eau lorsque l'air
est voisin de l'état de saturation en pratiquant des chicanes dans la conduite
d'entrée. Celle-ci pourrait d'ailleurs être obturée par des portes étanches
indépendantes de celles du bloc. Les blocs d'entrée seraient ventilés comme les
autres blocs.
10 -) Ventilation
des blocs actifs.
Il serait bon
d'établir un sas ou une simple porte étanche à la base des puits, ainsi qu'un
jeu de clapets dans la conduite de ventilation de régime air pur ; ces clapets
permettraient d'envoyer à volonté l'air pur pulsé dans les locaux des dessous
ou dans ceux des dessus. Les avantages seraient les suivants :
a) la condensation
serait diminuée si on ventilait en plein hiver directement les locaux des
dessus ; la ventilation des dessous serait alors réduite aux minimum pour ne
pas envoyer trop d'humidité dans les dessus. D'ailleurs la fermeture de la
porte au bas du puits empêcherait le tirage naturel de s'établir.
b) on pourrait
ventiler fortement les locaux des dessus s'ils étaient enfumés ou gazés, ou
même simplement trop chauds : en été la température en période d'occupation
sans combat monte souvent à plus de 25° tandis que l'air des dessous est à 14°;
on pourrait alors forcer la ventilation de ces locaux sans amener d'excès de
condensation dans les dessous.
c) la présence de ces
portes atténuerait la transmission des bruits par les puits qui constituent des
cages de résonance.
La ventilation en
régime gazé ne subirait aucune modification)
Constitution des
portes de sas.
Les portes de sas
utilisées à l'ouvrage de Schoenenbourg assuraient la continuité du rail de la
voie de 60 et non celle du joint d'étanchéité, malgré un jeu compliqué de
leviers et de verrous. C'est l'inverse qui devrait avoir lieu : des verrous
progressifs doivent exister sur tout 1e périmètre de la porte; les gonds
doivent avoir un jeu suffisant pour que les verrous puissent presser la porte
contre son bâti fixe; le joint doit être fixé sur la porte pour ne pas être
détérioré par le frottement des pieds sur le bord du seuil. Les portes étanches
de l'avenir devront consentir à se fermer sans qu'il soit besoin d'user de
violence et sans produire un bruit comparable à celui d'un coup de canon.
12 -) Monte-charges.
Le mode d'entrée
desservie par monte-charges est à déconseiller chaque fois qu'il est possible
en raison des difficultés et lenteurs des manœuvres.
Il serait utile de
disposer d'un treuil électrique mobile à débit suffisant (2 tonnes/heure); ce
treuil permettrait de monter des matériaux dans les puits démunis de
monte-charge ou dont le monte-charge est avarié. Ce serait bien utile en cas de
réparation urgente car la manœuvre à bras d'un seau au bout d'une corde est
déplorablement lente. (Cas de la réparation des avaries survenues au bloc 6 de
l'ouvrage à la suite du bombardement par avions).
13 -) Insuffisance
de locaux.
Certains locaux se
sont révélés à l'usage trop exigus ; ce défaut était plus sensible à l'ouvrage
de Schoenenbourg que dans d'autres car les difficultés de construction dues au
terrain avaient rendu celle-ci relativement coûteuse. On peut signaler dans cet
ordre d'idée.
a) les locaux à
vivres. Ils étaient trop exigus et placés trop près de la cuisine qui les
rendait humides. Il y aurait lieu dans un ouvrage neuf de prévoir pour les
vivres courants (pain, viande, vivres du jour) un local aussi sec que possible.
Ces vivres sont exposés à s'avarier rapidement dans l'humidité qui règne dans
les dessous en été. Pour empêcher le pain de moisir en 12 heures l'été, nous le
laissions dans l'entrée des munitions où il était exposé aux injures de 1a poussière
et des passants.
Une chambre
frigorifique est également d'une grande utilité. Nous en avions installé une
avec des moyens de fortune. Elle présentait l'avantage d'être sèche car
l'humidité se condensait sur le réfrigérateur.
La meilleure solution
pour la conservation des vivres serait d'installer des locaux spacieux, bien
réfrigérés et de refroidir vigoureusement l'air de ventilation de ces locaux
afin qu'il n'y apporte aucune humidité,
b) Les locaux
administratifs. Ils n'étaient pas prévus lors de la construction et ont été
installés dans une chambre d'officier.
c) Locaux pour le
couchage et les repas. Ces locaux étaient beaucoup trop petits ; les chambres
prévues pour 24 hommes couchés sur deux étages avaient été transformées en
chambres pour 36 couchés sur trois étages. L'encombrement en faisait de
véritables taudis.
Il semblerait
judicieux d'adopter les hamacs comme moyen de couchage chaque homme serait muni dans l'ouvrage d'un hamac et d'une
grande boîte métallique pour mettre ses affaires personnelles ; aucune autre
valise ou boîte ne serait tolérée; les hamacs seraient rangés dans des coffres
dès qu'on n'en aurait plus besoin ; ces dispositions faciliteraient beaucoup
l'ordre et la relève ; le mobilier des locaux serait complété par des porte-manteaux,
des tables pliantes. L'éclairage devrait être placé assez bas pour que les
occupants puissent y lire ou écrire commodément.
La ventilation des
locaux d'habitation doit être étudiée avec soin pour fournir un air frais et
sec ; les locaux de l'ouvrage étaient à une température de 22° à 25° et ce
n'est qu'en plein hiver qu'il n'y avait pas de condensation.
Il faut disposer les
couloirs de façon à séparer les circuits d'aération des locaux d'habitation de
ceux des locaux humides (cuisine, douche, lavoir, réservoirs) quel que soit le
sens des appels naturels de l'air.
e) Atelier. Il est
nécessaire d'avoir une forge et un atelier à bois (menuiserie et charpente).
Ces installations
avaient dû être installées à l'extérieur faute d'emplacement commode à
l'intérieur; elles n'ont pas chômé un seul jour et leur absence s'est faite
sentir dès le début des bombardements,
f) Entrée des
munitions. Son exiguïté était rendue plus sensible du fait qu'elle comportait
un monte-charge et qu'il fallait obligatoirement y faire ces manutentions pour
tout. Il faut y prévoir le garage d'un ou deux véhicules pour le service de
l'ouvrage et un local pour entreposer et trier le matériel entrant; ce local
serait garé par le personnel des transports de l'ouvrage.
g) Lavoir et séchoir.
Une installation de blanchissage de linge eut été fort utile.
14 -) Climatisation.
Il ne n'a pas été
donné d'apprécier les installations de climatisation qui étaient en cours de
montage pendant le printemps 1940. Le principe adopté en était de chauffer les
locaux pour éviter la condensation. J'ai l'impression qu'elle n'aurait pas
atteint entièrement son but dans l'ouvrage de Schoenenbourg car l'air extérieur
était la nuit en été souvent à 20 à 25° et saturé. Il faut se persuader que
l'ennemi journalier dans un ouvrage est l'humidité, et aussi que l'on a
toujours une température trop forte dans les locaux habités.
Je pense qu'il serait
bon de nuancer la solution à adopter car les problèmes de conditionnement de
l'air sont différents selon les locaux; en particulier :
a) Cuisine, W.C.,
lavoir et lavabos. Il faut une aspiration énergique de l'air vicié et humide.
b) Locaux
d'habitation. Il faut y maintenir une température sèche de 18 à 20° malgré la
présence de nombreux occupants.
Il faut également
veiller à ce que les mesures prises pour la ventilation ou le conditionnement
de l'air ne soient pas contrariées par une disposition locale ; je peux
signaler trois faits de ce genre :
1 -) La canalisation
d'évacuation des gaz brûlés des moteurs suivait le puits du bloc d'entrée des
hommes et le rendait en tout temps relativement chaud et sec ; il en résultait
un appel constant d'air de bas en haut dans ce puits (V. fig. 3). Or la prise
d'air de ventilation de la caserne était du côté de ce puits car on avait
escompté en l'installation que le courant d'air normal s'établirait des entrées
vers les avants. En réalité, seule l'entrée des munitions servait de prise
d'air et l'appel naturel de l'air était tel qu'il est indiqué sur la figure.
Ceci rendait mauvaise l'aération de la caserne car la ventilation normale
aspirait en partie l'air vicié des locaux et de la cuisine. Il eut fallu tenir
compte des courants d'air naturels constatés dans l'ouvrage en service pour 1a
disposition de la ventilation de la caserne et placer la prise d'air à
l'emplacement marqué h sur la figure.
2 -) Les bâches à eau
de refroidissement des moteurs étaient placées dans une longue alvéole
débouchant directement sur l'usine; en régime continu, leur température montait
à 35° environ et leur rayonnement contribuait beaucoup à échauffer l'usine et à
y rendre le séjour pénible : il faudrait à l'avenir éviter un voisinage aussi
étroit entre ces bâches et l'usine.
3 -) Les réservoirs à
eau principaux de l'ouvrage étaient placés dans deux locaux débouchant sur le
couloir de la caserne; ils y amenaient une forte condensation tant par leur
température relativement faible que par l'humidité qu'ils engendraient. De même
les locaux des douches débouchaient sur le couloir de la caserne. Il y aurait
lieu de prévoir un circuit particulier d'aérage pour tous les locaux humides
(cuisine, douches, lavoir, réservoir).
15-) Isolement
acoustique.
Les bruits de
l'ouvrage se transmettent à une grande distance; il y aurait intérêt à isoler
le P.C. et la caserne par des galeries assez longues munies de portes insonores
ne claquant pas (par exemple portes roulantes à butées élastiques).
Dans le même ordre
d'idée, il faut impérativement placer un téléphone au moins par bloc dans une
cabine insonore; le simple bruit de la ventilation empêche souvent de
téléphoner.
16 -) Fosses
d'aisance.
Le traitement de la
soude n'a pas donné d'excellents résultats sous la forme préconisée par le
constructeur des fosses ASEPTA car la mécanique se rouille ou se bloque. On est
arrivé à rendre les fosses presque inodores en faisant passer une équipe de 4
hommes qui, chaque jour, lavait le siège et ses abords et agitait le contenu de
1a fosse et qui, chaque semaine mettait la dose de soude et, le lendemain,
vidangeait le liquide. Cette équipe travaillait avec ardeur et n'était pas
inodore.
Il semble qu'une
fosse plus simple que la fosse ASEPTA ne nécessiterait pas plus de travail.
Il existe des sièges
séparateurs qui permettent un traitement rationnel de l'urine et des matières
car leurs trajets sont séparés dès l'origine. Leur emploi faciliterait sans
doute la solution du délicat problème du traitement de l'évacuation des
déchets.
17 -) Sécurité
électrique.
Il eut été utile de
disposer de tableaux à 2 jeux de barres à la centrale et dans les sous-stations
afin de ne pas interrompre le service de l'électricité lors des réparations aux
disjoncteurs ou des vérifications d'isolement.
Il eût été également
intéressant de disposer d'un petit groupe électrogène de secours aux avants
suffisant au moins aux besoins de la lumière en cas d'avarie à la galerie
principale (par bombardement) ou d'incendie, la panne de lumière eût entraîné
des difficultés de service ou même des paniques. On a beau prévoir des lampes
ou des bougies qu'il faut allumer au moment critique, rien ne vaut la lumière
électrique d'autant plus qu'elle ne vicie pas l'atmosphère.
18 -) Relèves.
La relève des troupes
d'ouvrages est une nécessité au bout de quelques mois de séjour ; le mieux est
d'en tenir compte en majorant légèrement les tableaux d'effectifs. L'envoi du
personnel dans un cantonnement à l'arrière est une demi-mesure difficile à
appliquer en période troublée (longueur des transports) ou en période de
permission (interférence des tours de relève et de permission). Il vaut mieux,
dans ce dernier cas, prévoir des permissions plus longues pour le personnel des
ouvrages pour lui permettre de respirer et de contempler la verdure et des
visages gracieux.
C - Les organes
passifs au combat.
19 -) Obstacles
antichars.
Le réseau-rail est
coûteux et assez vulnérable; dans certains cas un fossé revêtu ou un mur en
béton ne serait pas plus cher. Il faut chercher à tracer l'obstacle antichar
dans des régions basses où on peut le constituer par des inondations ou de larges
fossés remplis d'eau.
20 -) Entraînement
du personnel.
La confiance dans la
bonne qualité de la forteresse n'a été parfaite dans la troupe, et même chez
les cadres, qu'après deux ou trois bombardements ; le premier bombardement
avait produit un léger flottement qui ne s'est pas reproduit par la suite ; il
eût pu être funeste en cas d'attaque immédiate (la casemate d'Oberroedern-Nord
faillit être prise par une vague d'assaut qui suivit immédiatement un
bombardement par avion; par bonheur les Allemands furent arrêtés alors que les
premiers étaient parvenus sur le bord du fossé diamant, une ou deux minutes
après la dernière bombe).
Il conviendrait
d'entraîner le personnel aux bruits et aux chocs du bombardement en le faisant
rester dans une casemate bombardée pendant une séance d'instruction en temps de
paix. Cet entraînement devrait être subi au moins par les officiers et
sous-officiers d'active et de réserve appelés à servir dans la fortification.
J'insiste sur
l'utilité de cet entraînement car ma proposition pourrait faire sourire les
personnes qui n'ont pas subi un bombardement en étant elles-mêmes dans la
fortification ; ces personnes ont en celle-ci une confiance d'autant plus naïve
qu'elles en sont plus éloignées, ou bien qu'elles reçoivent des projectiles en
étant à l'air libre. Il faut penser que le premier réflexe du monsieur qui est
derrière un créneau est d'aller se terrer au fond de son trou où il est
parfaitement aveugle. L'homme inquiet se figure toujours qu'il serait mieux
ailleurs ; il faut combattre cet instinct par une instruction appropriée.
21 -) Epaisseur
des parois et massifs de rocaille.
Dans la fortification
française, les murs non exposés aux coups de l'artillerie étaient moins épais
que les autres et démunis de massifs de rocaille. Les aviateurs allemands ont
profité de cette particularité pour attaquer systématiquement les murs de
gorge, envoyant des bombes jusque dans les fossés diamants ; (exemple : bloc 6
de Schoenenbourg : voir plus haut; casemate de 135 du Hochwald : détérioration
de l'installation de ventilation ; abri de Hoffen : mise hors de service de
l'aérorefroidisseur).
A l'avenir, la
protection devra être la même dans toutes les directions et assurée par une
égale épaisseur des parois et du massif de rocaille. Les orifices divers
débouchant sur les murs de gorge (portes, créneaux, prises d'air etc...)
devront être protégés contre les grosses bombes; il pourra être intéressant
d'augmenter les dimensions des visières pour améliorer la protection de ces
ouvertures en écartant les points d'éclatement; dans ce cas il faudra des
colonnes ou des piédroits pour les supporter et il faudra veiller à ne pas
canaliser le souffle des projectiles vers des parties vulnérables. On pourra
également envisager l'emploi de visières métalliques.
22 -) Liaison
rigide du puits et du bloc
Lorsqu'un bloc reçoit
un choc ou une série de chocs, il subit un déplacement pouvant entraîner des
cassures dans des parties assez éloignées; c'est ainsi que :
a) au bloc 4, une
légère cassure horizontale existe à la jonction du puits et du radier des
dessus du bloc;
b) au bloc 3, une
cassure identique existe et des fissures sont apparues dans l'axe d'un magasin
à munitions souterrain (comme il a été dit cette détérioration semble imputable
à des tensions préexistant dans la maçonnerie ; elle a été vraisemblablement
favorisée par la transmission de l'ébranlement à travers la maçonnerie).
c) au bloc 5 une
cassure horizontale importante s'est produite dans la chambre d'officiers
souterraine qui se trouve dans les dessous à environ
d) au bloc 6 (fig. I)
est apparu un système de cassures horizontales ou inclinées à 45°, certaines
cassures (en particulier C) présentent un gonflement de l'enduit ; de plus, la
partie inférieure du puits a subi un affaissement de 1 à
La cause principale
des détériorations lointaines aux locaux souterrains est la transmission de
l'ébranlement par la maçonnerie; cette transmission serait moindre s'il
existait un joint entre le bloc et le puits; il localiserait les dégâts dus des
projectiles de gros calibre (je crois que l'essai d'un tel joint a été fait
dans les ouvrages récents). Toutefois, ce joint ne serait à préconiser que dans
le cas de gros blocs présentant une grande inertie ; en effet, un bloc trop
léger pourrait être déplacé avec excès par rapport à son puits, ce qui serait
préjudiciable à l'étanchéité et au monte-charge.
Il serait également
bon de séparer la maçonnerie du puits de celle des locaux souterrains et en
particulier de celle des voûtes par un joint recouvert après coup de matériaux
souples et muni d'une gouttière pour recueillir l'eau d'infiltration.
23 -) Prise d'eau
et drainage.
Il est nécessaire
d'enlever l'eau derrière les maçonneries car elle les traverse et apparaît à
l'intrados ; cette opération est d'une utilité directe pour l'alimentation en
eau lorsqu'elle est en quantité suffisante.
Dans la majeure
partie des cas, le terrain ne fournit pas d'eau en quantité appréciable, mais
il faut cependant la drainer pour qu'elle ne vienne pas apparaître à l'intrados
où elle détériore les installations intérieures et compromet l'habitabilité. La
solution adoptée à l'ouvrage de Schoenenbourg consistait à faire des drains et
des enduits d'intrados; elle est coûteuse et compromise par les mouvements du
terrain et les ébranlements. Il y aurait lieu de mettre au point un système de
drainage, en poteries par exemple, qui règnerait à l'extrados des voûtes et des
piédroits à raison d'environ
En terrain aquifère,
le problème est plus délicat car il faut éviter que la circulation de l'eau
souterraine ne compromette la stabilité du terrain et, par suite, des galeries ;
il est également intéressant de capter ces eaux pour l'alimentation de
l'ouvrage. Il y a intérêt dans ce cas à abaisser le niveau de la nappe par des
prises d'eau faites assez loin des galeries de circulation et des locaux des
dessous et des dessus pour qu'ils ne soient pas affectés par les tassements
avoisinant les captages. Ces prises d'eau peuvent être établies au bout de
galeries visitables ou de forages obliques à large section ; ces galeries ou
forages devront avoir une longueur suffisante et pouvoir être facilement curés.
24 -) Chambre de
repos.
a) Il est illusoire
de placer une chambre de repos unique dans les dessus d'un bloc d'infanterie
car le bruit y est excessif, même en dehors des périodes de combat. Tout bloc
devrait avoir sa ou ses chambres de repos en souterrain et n'avoir dans les
dessus qu'un bat-flanc ou des hamacs pour l'équipe de piquet.
b) En cas de gros
bombardement (bombes d'avion ou 420), le bruit est presque aussi fort à la
caserne qu'aux avants ; seul le balancement du sol diminue d'amplitude à mesure
qu'on s'éloigne du point d'impact. Dans tout l'ouvrage, chacun a toujours
l'impression que les coups tombent juste au-dessus de lui. L'éloignement des
locaux de repli avait été préconisé en partie pour assurer la tranquillité du
personnel ou pendant les bombardements ; on voit qu'un éloignement de
Il est à noter que
les autres raisons qui ont fait éloigner les locaux de repos des avants
conservent toute leur valeur.
25 -) Issues de
secours aux avants.
Il est nécessaire de
sortir fréquemment sur les dessus, tant en période calme qu'en période de
combat. Il y aurait lieu d'étudier les issues de secours des blocs d'avant, de
façon qu'elles soient praticables au matériel léger et à l'outillage d'organisation
du terrain (rouleaux de ronces, rondins, mines antichars).
A cet égard, les
issues de secours de l'ouvrage de Schoenenbourg étaient malcommodes et
nécessitaient des manutentions longues. Elles étaient basses, munies de
chicanes, donnaient sur le fond du fossé diamant d'où il fallait sortir en
évitant l'antenne de T.S.F. de fossé.
I1 est à noter
qu'elles étaient bien conçues sous le rapport de la protection car l'issue du
bloc 6 n'a eu que des dégâts minimes bien qu'une grosse bombe ait éclaté dans
le fossé diamant à quelques mètres de la grille.
Il y aurait lieu de
rendre le passage plus commode, mais sans diminuer la sécurité.
Remarque : Il ne
semble pas heureux de placer les prises d'air dans les entrées de secours : à
l'ouvrage du Hochwald, le souffle d'une bombe, canalisé dans le passage d'une
issue de secours a ensuite pénétré dans le conduit de ventilation et détérioré
la batterie de filtres. A cet égard, il faut éviter de placer des prises d'air
dans des endroits creux ou des angles rentrants de la maçonnerie. Le mieux est
de les faire déboucher dans la surface plane d'un piédroit ou d'une dalle.
26 -) Protection
des locaux souterrains.
Les bombardements de
l'ouvrage de Schoenenbourg ont été plus denses que ceux des ouvrages voisins,
si toutefois ils n'ont rien eu de comparable à ceux qu'ont reçus certains forts
pendant la Grande Guerre. Aussi ne peut-on tirer d'enseignement formel en ce
qui concerne la protection des locaux souterrains.
L'emploi systématique
des grosses bombes ameublit le sol jusqu'à une profondeur de 9 à
Si on veut assurer la
protection des galeries souterraines par la terre vierge, il faut donc les
tracer à une profondeur supérieure d'au moins une dizaine de mètres à celle qui
était admise dans la fortification française. Cet accroissement varie
naturellement en fonction de la nature du terrain.
Le chiffre de
27 -) Transmissions.
J'ai noté les
particularités suivantes :
a) les centraux
téléphoniques souterrains présentaient facilement de l'induction entre les
circuits; elle semble due en grande partie à l'humidité.
b) les appareils
téléphoniques sont délicats, beaucoup trop sensibles à l'humidité qui abîme les
microphones; les combinés coupent les cordons dont il est fait une grande
consommation. Il y aurait lieu de s'inspirer des types d'appareils utilisés
dans l'industrie à l'extérieur (gares) ou dans les mines.
c) les entrées de
câbles téléphoniques dans les casemates ont été coupées par les bombes (Bois
d'Hoffen, Oberroedern-Nord, Verrerie). Il y aurait lieu de les établir plus
profondément.
d) les antennes de T
S F de façade ou de fossé sont vulnérables. Il serait plus simple de sortir par
un trou de périscope ou un orifice à axe vertical spécial une antenne
constituée par un tube, télescopique ou non. Des jeux d'antenne de rechange
permettraient de remplacer les antennes brisées par le bombardement. Il
conviendrait évidemment que cet appareillage soit simple, car il serait
intéressant d'avoir un grand nombre de jeux de rechange.
L'emploi d'ondes
courtes semble devoir donner de bons résultats car la fortification est
construite sur des lieux relativement élevés.
28- ) Camouflage
des dessus aux vues aériennes.
a) arbres : Les jets
de bombes d'avions acquièrent à l'heure actuelle une grande précision ;
toutefois celle-ci est diminuée par la présence d'arbres car d'une part ils
augmentent l'altitude à laquelle l'avion doit lâcher son projectile, d'autre part,
ils gênent la visée en formant écran et en créant des tâches d'ombre ; à
l'ouvrage, le bombardement des blocs d'entrée a été moins précis qu'aux avants
et toutes les bombes de gros calibre sont tombées trop court ; or, les blocs
d'entrée étaient entourés d'arbres a une distance de
Ces arbres
présenteraient de plus l'avantage d'assainir les terrains et de maintenir leur
stabilité; ils devraient être plantés à des endroits choisis avec discernement ;
mais il faut les maintenir malgré la malveillance dont le Français moyen est
naïvement animé et qui s'autorise d'un dégagement de champ de tir, des besoins
en chauffage ou pour la construction d'abris.
Il faut choisir les
essences avec discernement car on a couru plusieurs fois à des échecs en
plantant des arbres ou des plantes grimpantes dans des sols qui ne leur
convenaient pas.
b) Moyens
artificiels. En général, les moyens artificiels de camouflage ont un effet
préventif car ils empêchent l'ennemi d'apercevoir l'organe camouflé.
Ils doivent être
parfaitement agencés car au moindre doute l'ennemi peut tirer dessus et
compromettre leur effet car ils ne tiennent pas sous le feu. Je peux signaler
un cas où un tel camouflage a eu du succès, c'est celui de la section de 120 de
Bange installée en plein sur l'ouvrage dans un talus; l'herbe du filet de
camouflage était soigneusement entretenue et les pistes canalisées par des
clôtures en fil de fer.
Les Allemands venus à
l'ouvrage en Juillet 1940 ont tous été surpris de trouver les 2 pièces à cet
endroit; d'ailleurs elles n'avaient jamais fait l'objet d'un tir de
représailles quelconque.
c) Fumée. Les arbres
et tous les moyens artificiels n'ayant qu'une durée limitée sous le feu, il y
aurait lieu de disposer d'un appareil fumigène à gros débit, permettant de
camoufler les dessus en 5 minutes (temps nécessaire à une vague de bombardiers
pour prendre ses dispositions d'attaque entre le moment où elle est signalée et
le moment où arrive la première bombe) et d'entretenir ensuite le nuage
artificiel.
Il ne peut être
question de placer une ligne circulaire de pots fumigènes autour de l'ouvrage,
mais on peut imaginer une buse orientable crachant de la fumée contre le vent
avec une force d'autant plus grande que le vent est plus rapide. Ces appareils
à grand débit pourraient s'inspirer de ceux en usage dans la marine.
S'il est impossible
de lancer la fumée avec assez de force d'un point d'émission unique, il faudra
revoir plusieurs appareils fumigènes placés dans les blocs extrêmes dans la
direction des vents dominants.
D - Les organes
actifs au combat.
29 -) La cloche G.F.M.
Elle présente les
inconvénients suivants :
a) grandeur excessive
des créneaux et fragilité de leur équipement; un projectile de petit calibre
tombant à proximité suffit à y faire des dégâts ou même à tuer le guetteur
(ouvrage de Schoenenbourg et casemate d'Oberroedern-Sud).
b) le déplacement de
l'arme d'un créneau au voisin est
long et laisse le guetteur à découvert, il nécessite des manœuvres précises et
délicates qui ne peuvent être exécutées correctement dans la fièvre du combat :
les rotules sont de véritables appareils
de laboratoire.
c) les créneaux sont
placés très bas : l'observatoire ou le tir tendu sont gênés par le moindre entonnoir
; il arrive que les créneaux soient engorgés de terre projetée par les
explosions.
d) il est impossible
d'entendre de la cloche les bruits extérieurs même quand la ventilation ne
fonctionne pas ; par contre on entend très bien de l'extérieur ce qui se passe
dans la cloche car les bruits y résonnent (toux, conversation téléphonique, pas
sur l'échelle). Ces inconvénients viennent surtout de ce que l'on a voulu faire
des cloches des organes bons à tout : observation, tir tendu, tir courbe.
1 ère solution : On
dissocie ces rôles et on les confie à des organes différents :
a) observation : le
guet serait bien assuré par l'observation périscopique ; le périscope
traverserait un cuirassement à faible relief, il comporterait un appareil
d'écoute placé au-dessus des objectifs et constitué par deux petits cornets
reliés à un stéthoscope (un appareil d'essai a été construit par le lieutenant
AUDRAN et a donné satisfaction : il permettait la localisation de la direction
d'un bruit à 1 grade près et on pouvait entendre le pas d'un homme marchant
dans l'herbe à
b) tir tendu : la
tourelle de mitrailleuse est un organe bien au point ; on peut monter dans un
ouvrage 2 ou 3 tourelles d'arme mixte au lieu des 6 ou 8 cloches qui existaient
dans la partie avant d'un ouvrage français,
c) tir courbe : le
mortier de 50 est une arme fragile, on peut imaginer un lance-grenades monté à
part sous des cuirassements fixes ou bien monté dans les tourelles précédentes.
2ème solution:
Il serait possible de
conserver les avantages de la cloche G.F.M. (identité du personnel de guet et
de tir, bonne implantation pour ces 2 missions) en les remplaçant par des
tourelles; ces tourelles étant toutes en azimuts pourraient être en nombre
moindre que les cloches (3 ou 4 pour la partie avant, 2 pour la partie
arrière).
Chaque tourelle
comporterait répartis sur la circonférence : une mitrailleuse ou arme mixte, un
lance-grenades, un ou deux créneaux munis d'un robuste épiscope et d'un
appareil d'écoute. L'ensemble pourrait être logé dans une tourelle un peu plus
petite que celle de 75 R 32 et servi par 2 ou 3 hommes. Le fait de placer 2
tourelles aux entrées améliorerait leur défense qui était insuffisante.
30 -) Remarques
diverses concernant l'observation,
a) L'observation
pourrait être assurée du haut d'un mât blindé ou d'un mât télescopique
éclipsable ; ce mât aurait des proportions analogues à celles d'un mât de
cuirassé et offrirait un poste d'observation qui ne serait pas gêné par les
entonnoirs. Il serait fort utile pour l'observation des avions et pourrait même
être muni de mitrailleuses de D.C.A.
b) La télévision
pourrait permettre de transmettre aux P.C. souterrains l'aspect extérieur des événements.
c) L'emploi sur les
tourelles de télémètres (analogues aux télémètres montés sur les tourelles de
marine) permettrait de tirer directement sur les objectifs au sol et aériens.
31 -) Défense
rapprochée.
La défense rapprochée
des ouvrages français était insuffisante, surtout celle des petits ouvrages
isolés (casemates) Le réseau de rails et le réseau de ronces sont très
vulnérables et les moyens de tir des cloches n'étaient pas assez sûrs.
La valeur de
l'obstacle entourant les ouvrages doit être accrue; il y aurait lieu de
construire des fossés fortement revêtus ou des murs en béton flanqués par des
organes spécialisés (caponnières ou coffres).
Les organes de feu
doivent être sûrs; à cet égard la tourelle de mitrailleuses ou d'arme mixte est
bien supérieure à la cloche G.F.M.
32 -) Sondages,
météorologiques.
La précision des
méthodes de l'artillerie de forteresse exige une connaissance parfaite des
éléments météorologiques locaux. Les renseignements de poste de sondage
divisionnaire ne sont pas toujours suffisants.
Il importe que chaque
ouvrage ait les moyens de les compléter en mesurant la température au sol, la
direction et la vitesse du vent, du sol jusqu'à
33 -) Implantation
des organes de feu et d'observation.
Nous avons vu comment
les cloches G.F.M, étaient implantées trop bas pour pouvoir remplir leur
mission dès que le terrain est bouleversé par de gros entonnoirs.
Il est donc
nécessaire d'implanter tous les organes assez haut pour que l'observation et le
tir tendu puissent s'effectuer facilement en tout temps.
Il faut prendre des
précautions analogues en ce qui concerne les organes de tir courbe : c'est
ainsi que la tourelle de 81 avait été implantée au fond d'une cuvette sous
prétexte de défilement ; elle n'y était d'ailleurs à l'abri d'aucun projectile
usuel ; le résultat a été qu'elle a été complètement enterrée sous
Il est à remarquer
que l'on a, en général, par tendance à implanter trop haut aucune construction
civile ou militaire; c'est que l'on ne tient jamais- assez compte de
l'importance des déblais qui viendront s'amonceler autour d'elle.
Il ne faut pas
craindre de donner du commandement à tous les organes et, au moment de régaler
les terres, d'enlever les excédents de déblais qui pourraient menacer un
créneau.
34 -) Nécessité
d'organes de D.C.A.
Les ouvrages ne
possédaient aucun organe de défense contre avions.
On a tiré sur les
avions avec les tourelles de 75 (barrages), les jumelages de mitrailleuses sous
béton ou avec des armes sur affût de circonstance placées à l'extérieur.
Les barrages exécutés
par les tourelles ne pouvaient l'être qu'à basse altitude (angle au niveau
inférieur à 35°) et sans précision faute d'appareils permettant une observation
précise des avions.
Le tir des armes sous
béton était sans valeur puisqu'on ne pouvait à la, fois voir l'avion et tirer,
en raison du faible champ des lunettes de pointage.
Aussi, les avions
pouvaient-ils manœuvrer comme à l'exercice.
On pourrait adapter
aux armes de forteresse des appareils
permettant de tirer avec précision sur les avions (correcteurs,
télémètres). On pourrait aussi installer des tourelles de mitrailleuses ou de
75 présentant un grand champ de tir en hauteur. Toutefois, la meilleure défense
consisterait en avions et armes extérieures mobiles placées à l'air libre.
Cette question est à étudier de près afin de ne pas laisser les ouvrages sans
aucune défense antiaérienne aussitôt qu'ils sont abandonnés à leurs seuls
moyens.
35 -) Armes
modernes
Il y aurait lieu
d'étudier dans une fortification moderne les questions ci-après, ou tout autres
du même genre :
a) défense rapprochée
par lance-flammes à grande puissance,
b) camouflage par
appareils émetteurs de fumée,
c) émission de gaz ou
de produits toxiques,
d) détection des
avions par la mine,
e) Liaisons par
rayons infrarouges ou pas ondes courtes.
D'une façon générale,
on a intérêt à mettre sous béton tous les organes de combat modernes et coûteux
qui peuvent être proposés par des inventeurs et qui se révèlent efficaces.
CHAPITRE IV -
CONCLUSIONS.
L'art de la
fortification est vieux comme le monde ; il a fait partie le toutes les
civilisations ; il est à présumer qu'il continuera à se manifester tant qu'il y
aura des hommes. Il est art et, en tant que tel, sujet à des critiques ; ces
critiques visent son utilité ou ses manifestations. Il est certain que
l'absence ou l'excès de fortifications sont de graves défauts pour un Etat ;
elle est un élément important, nais non unique de leur système de défense.
La fortification
repose sur des principes simples, mais ses réalisations doivent se tenir au
courant des progrès de la technique de la guerre.
On peut imaginer que
l'aménagement technique de la fortification de l'avenir dérivera de ceux de la
Ligne Maginot ; comme, celle-ci dérive des forts de 1885.
Cette ligne a été l'œuvre
d'une génération qui avait été frappée par l'ampleur et la force des vagues d'assaut
d'infanterie, ainsi que par la puissance du tir de la mitrailleuse ; aussi
l'a-t-on constituée essentiellement d'un barrage de feux d'infanterie servi par
des moyens techniques auxiliaires puissants (éclairage, force motrice,
ventilation, transports, etc...). La guerre de 1914-18 ayant également montré
la puissance des grosses masses d'artillerie, on cherche dans la fortification
française à abriter le personnel dans des locaux tranquilles,
La guerre actuelle
nous montre la puissance des masses d'autos blindées et d'avions ; il faudra en
tenir compte dans l'élaboration de la fortification de l'avenir sans oublier
les enseignements des guerres précédentes. Il ne faut pas oublier que la ligne
française a été attaquée à certains endroits par de simples vagues d'infanterie
appuyées par des avions (Oberroedern, Verrerie, ailleurs sans doute).
A Oberroedern,
l'attaque a été repoussée de justesse par les éléments sous béton ; à la
Verrerie, l'attaque a réussi, faute de troupes d'intervalle pour colmater la brèche.
Ceci montre que cette ligne, conçue pour la défense contre l'infanterie,
devenait vulnérable à cette même infanterie lorsque celle-ci était aidée par
quelques moyens extérieurs et surtout lorsque la ligne était démunie de troupes
extérieures mobiles. Il faut en effet noter quel dans les deux cas, les troupes
de forteresse avaient été diminuées de toute leur artillerie extérieure et de
la majeure partie de l'infanterie extérieure qui s'étaient repliées le 13 Juin
avec la 5e Armée. On voit là un exemple de la nécessité de la collaboration du
béton et des troupes mobiles.
La continuation de
cette guerre nous réservera peut être de nouvelles surprises techniques ;
toutefois il sera utile de méditer l'expérience de l'ouvrage de Schoenenbourg
lorsqu'on élaborera une nouvelle fortification.
Cette expérience est
favorable à la conception technique et tactique de la fortification française
puisqu'elle lui a permis de résister aux moyens mis en œuvre par l'ennemi.
D'un point de vue
philosophique, il est à regretter que cette expérience ait été incomplète d'une
part parce que les troupes de forteresse françaises étaient tronquées de leurs
éléments mobiles, donc déséquilibrées, d'autre part parce qu'elle a été
interrompue par l'armistice du 25 Juin 1940.
Il est à souhaiter
que les constatations et réflexions précédentes contribuent à aider l'évolution
de l'art de la forteresse et de la technique de sa construction.
Juillet 1941.