Témoignage de M. Jacques LOEHR
Affecté au PC principal du Schoenenbourg en
1939/40
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LIGNE MAGINOT
22° R.I.F. - 2° C.E.O. - Élément A
La situation à l'ouvrage de SCHOENENBOURG en juin 1940.
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40 ans sont
pratiquement passés depuis les combats dans la Ligne Maginot de juin1940.
Cependant le souvenir de cette période tragique reste vivant dans la mémoire
des anciens.
Durant plusieurs
jours, l'ouvrage de Schoenenbourg avait été la cible
des avions de bombardement et de l'artillerie lourde de l'ennemi. Malgré ces
attaques massives et combinées et les gros moyens mis en œuvre, l'ouvrage a
tenu.
Le mercredi 19 juin
1940 à 20 h, premier bombardement par 30 gros avions allemands. Le jeudi 20
juin, trois bombardements successifs -matin-midi-soir. Des torpilles à très
gros calibre (probablement de
Le bruit est infernal
dans les galeries de l'ouvrage, mais n'a nullement ébranlé le moral des
équipages qui n'ont subi que la perte d'un seul homme, tué à son poste de
guetteur au bloc 5.
Soudain, le lundi, 24
juin, plus rien, pas de tirs, pas de bombardements, c'est le silence complet et
insolite. Tout le monde reste cependant en alerte, la radio est écoutée, mais à
Dès que la nouvelle
de l'Armistice est connue, tout le monde pousse un grand ouf de soulagement ;
c'est terminé, nous avons perdu la drôle de guerre. Néanmoins, les dispositions
de combat sont maintenues et la vigilance est de rigueur à tous les échelons.
(Notons pour mémoire, que ce jour, 24 juin à 20 h 05, le chef de la tourelle du
bloc 2 demande l'autorisation de tir de 10.000 coups pour combattre une unité
allemande qui marche en formation dans la direction nord-est, donc se replie en
bon ordre. L'autorisation de tir est immédiatement refusée par l'adjudant-secrétaire
du P.C.I. à ce moment seul de service ; tous les officiers étaient réunis au
mess autour du commandant de l'ouvrage.
Après les durs combats
de ces derniers jours, c'est presque la vie de garnison qui reprend à
l'intérieur et au casernement de l'ouvrage, qui pourtant reste en relation par téléphone
avec les autres ouvrages et positions du secteur.
La première visite
sur les dessus de l'ouvrage est vraiment impressionnante. Partout des
entonnoirs et impacts laissés par les torpilles et les gros obus. Des grenades
de tous calibres et un obus de
Après la bataille,
tout le monde s'interroge sur l'avenir et personne ne sait rien de précis. Des
on-dit circulent, les uns plus invraisemblables que les autres. On attend les
ordres du commandement supérieur de l'Armée, replié quelque part dans le
sud-ouest de la France.
Un certain jour, une
délégation d'officiers allemands doit visiter l'ouvrage et prendre contact avec
le commandant Reynier. Plus tard, on nous informe que
l'ennemi exige que tout l'armement soit entretenu et laissé en place et
l'ouvrage paré comme pour le combat. Les experts militaires allemands essaient
de comprendre pourquoi la Ligne Maginot avait héroïquement combattu jusqu'à la
fin et était restée imprenable.
L'ouvrage de Schoenenbourg, non hors de combat comme l'avait annoncé le
traître Ferdonnet à la radio de Stuttgart, disposait
toujours :
- d'un équipage
discipliné, valide et au complet, dont un certain nombre d'officiers se
refusaient d'admettre la défaite,
- d'un armement
intact et valable,
- d'un grand stock de
munitions, aussi bien pour l'artillerie que pour les armes d'infanterie,
- d'une centrale
électrique en parfait état de fonctionnement,
- d'un important
stock de vivres pour au moins 2 mois,
- etc,
etc.
Notons que dès
l'armistice, les dossiers, plans et documentations de l'ouvrage ont été brûlés.
Ainsi les jours
passaient sans se ressembler et après une semaine d'attente, le samedi 29 juin,
arriva l'ordre écrit du général d'Armée Huntzinger,
nous imposant d'évacuer la position. Les équipages doivent être internés, sans
avoir été fait prisonniers.
D'accord avec
l'occupant allemand, le départ de l'ouvrage était fixé au lundi 1er juillet
1940, à 8 h du matin. La colonne de marche devait se rendre à pied à Haguenau.
Donc, ce 1er juillet
1940, à 5 h. du matin, l'adjudant-secrétaire du P.C. procédait à
l'établissement de sa dernière situation de prise d'armes, qui faisait
ressortir un équipage total de 183 hommes, à savoir :
Infanterie :
6 officiers, (dont 1
aspirant), 3 adjudants-chefs, 1 adjudant, 5 sergents-chefs, 6 sergents, 29
caporaux et 85 hommes,
Total: 135 hommes.
Service de santé
et services généraux :
2 officiers, 3
adjudants, 4 sergents-chefs,
2 sergents, 7
caporaux et 30 hommes,
Total: 48 hommes.
Ces chiffres ne
tiennent pas compte des effectifs de l'artillerie et du génie, qui relevaient
de leurs commandants d'unité. L'équipage total de l'ouvrage était d'environ 600
hommes.
Mais tous ces
effectifs ne quittaient pas l'ouvrage en même temps. Une section de garde et de
sécurité sous les ordres du capitaine Etienne Kieffer, alias Capitaine "
Patrice", était maintenue provisoirement à l'ouvrage.
La colonne de marche,
renforcée entre temps par d'autres unités du secteur, comptait environ 5000
hommes, arrivait à destination au début de l'après-midi. A Haguenau, le
quartier Aimé était aménagé en camp d'internement pour les sous-officiers et
les hommes de troupe, tandis que le corps des officiers était dirigé sur la
caserne du 309° Régiment d'Artillerie.
Au camp le régime
était sévère. Le ravitaillement faisait défaut les 5 premiers jours. La garde
était assurée par des unités S.S. (à
confirmer ?)
A partir du 12
juillet 1940, la libération des internés originaires d'Alsace-Lorraine, était
commencée. Pour les camarades, originaires des autres départements, la longue
détention commençait. Leur statut d'internés était remplacé par celui de
prisonnier de guerre. Quelques jours après la libération des Alsaciens, ces
prisonniers étaient transférés en Allemagne.
Jacques Loehr - 1980
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