Des questions et des réponses


La Ferté fut une tragédie sur laquelle on a beaucoup écrit, mais qui garde encore beaucoup de secrets.  

Du cote des assaillants : Les Allemands en attaquant La Ferté ont voulu faire une expérience. Elle a réussi au-delà de leurs espérances, mais il faut dire qu'ils y ont mis les moyens. De nombreuses lacunes, du coté français, ont favorisé leur action. 

Le secteur fortifié de Montmédy : C'était un secteur particulièrement mal conçu, un secteur au rabais, car doté de crédits insuffisants (140.000.000). La CORF a mis moins de moyens dans le secteur fortifié de Montmédy qu'elle a mis dans les  seuls ouvrages du Hackenberg (170.000.000) ou du Hochwald (200.000.000).

La conception des fronts "Maginot" : Le légendaire flanquement des ouvrages de la Ligne Maginot est un mythe. Au mieux il y a flanquement entre les ouvrages d'artillerie, si la distance le permet. Par contre les ouvrages d'intervalles flanquent les obstacles et croisent leurs feux. Le flanquement est exceptionnel. La distance entre les ouvrages du secteur fortifié de Montmédy était trop grande, si bien que chaque ouvrage combattait isolément ;des défauts innés à la Ligne Maginot mais poussés dans ce cas au paroxysme.

La conception des ouvrages : Les ouvrages "Maginot" ont des défauts conceptuels qui furent fatals  à l'équipage de La Ferté.

Les organes de tir ne sont pas cloisonnés par des murs épais et des portes blindées. 
Les ouvrages ne sont pas assez cloisonnés par des portes blindées. Coupure entre le puits et le bloc par exemple.
Les chambres de troupes cohabitent à coté des organes de tir.
Les cloches sont trop saillantes.
Les entrées insuffisantes et trop exposées. 
Trop souvent il n'y a qu'une entrée par ouvrage.
Trop d'ouvrages n'ont pas d'issue de secours, même à l'étage inférieur des blocs.
Il manque des armes à tir courbe, et de grande puissance. Le mortier de 50mm est un pis-aller qui ne fut pas utilisable dans le secteur fortifié de Montmédy faute de support adéquat.

La gestion de la crise : On peut penser que le lieutenant Bourguignon a mal géré la crise. Rien ne permet d'affirmer que l'équipage s'est rendu compte que les dessus de l'ouvrage étaient aux mains des Allemands. Le commandement du secteur a mis plusieurs jours pour se rendre compte que l'ouvrage a été "coiffé" par l'ennemi.

La Ferté a subi un assaut traditionnel comme le fort de Vaux durant la première guerre mondiale. L'équipage a été surpris comme celui de Vaux. L'ouvrage de la Ferté était isolé comme l'avait été le fort de Vaux, un assaut classique et une surprise classique. Dans les deux cas,  la déconfiture de l'armée française a empêché toute forme de secours.

Tout le problème est là. On parle dans les manuels d'histoire de l'héroïque résistance du fort de Vaux, mais on oublie de dire l'essentiel. L'équipage du fort de Vaux par son manque de vigilance et de réactivité a été "coiffé" par l'ennemi. Le manque de réactivité de l'armée de campagne a permis qu'il se maintienne sur les dessus du fort. 

Qui oublie les leçons de l'histoire est condamné à les revivre.

L'équipage avait-il une chance : Les accès de l'ouvrage se situent au même niveau que les organes de tir. Il n'a pas  de sorties de secours. Les portes pouvaient  facilement être bloquées par des explosions internes ou externes; vrillées un tout petit peu il faut de l'outillage pour les débloquer. Mais pire encore, des barrages de sacs de sable avaient été érigés derrière la porte blindée et la porte étanche (confirmé par la patrouille de reconnaissance du 23 mai 1940, qui a exploré le bloc 1). Il faut tenir compte que les hauts de blocs étaient ravagés par les explosions internes. La literie s'était vraisemblablement enflammée et des munitions ont dû sauter par sympathie. Dans un local clos, le moindre incendie devient une catastrophe, très rapidement on n'a plus aucune visibilité. 

Enfin on ne sait pas dans quelle mesure l'équipage avait encore de l'éclairage, on ne sait pas combien de temps les moteurs ont encore tourné, ni s'ils produisaient encore de l'électricité, ni si les installations d'éclairage étaient encore en état (on peut sérieusement en douter). La ventilation était hors service à la suite des explosions internes.

Le vrai problème était d'accéder, de dégager et d'ouvrir les portes dans l'obscurité  totale et dans un air particulièrement opaque et vicié. Au bloc 1 la chambre de tir était encore intacte. On ne sait pas si elle était encore accessible, car on pouvait évacuer par le créneau de 47 (avec beaucoup de difficultés). Intact ne veut pas dire utilisable ou simplement accessible. L'évacuation par les créneaux de 47mm s'est fait dans certaines casemates, (une patrouille de reconnaissance du 21 mai 1940, aux abords du bloc 1, constate qu'un jumelage sur deux est en place ).

Conclusion : Les défauts rédhibitoires de la conception de l'ouvrage de La Ferté ont  fait que l'équipage n'avait pratiquement aucune chance de sortir du piège dans lequel il était. Visiblement, l'évacuation rapide et l'abandon d'un ouvrage n'étaient pas pris en compte par les concepteurs de la CORF.



- Suite, vers le bloc 1