LES OUVRAGES DU SCHIESSECK ET DU SIMSERHOF DANS LES COMBATS DE 1944

Novembre 1944. L'offensive américaine bat son plein et les Allemands reculent pied à pied. Les troupes alliées arrivant en vue du Pays de Bitche, la défense allemande s'organise alors sur un terrain accidenté qui lui est relativement favorable, où sont implantés les gros ouvrages de la Ligne Maginot du Schiesseck et du Simserhof. 

Occupés par des combattants allemands, ces ouvrages seront l'objet de violentes attaques. Leur déroulement est relaté dans un rapport adressé au Haut commandement ouest de la Wehrmacht par le  général commandant le génie et les fortifications, ce qui nous permet non seulement de suivre le déroulement des opérations, mais de vivre, pour la seule fois dans l'histoire de la Ligne Maginot, des affrontements à l'intérieur même d'un ouvrage. C'est pour cela que le récit qui va suivre est du plus haut intérêt. 

Décembre 1944. Partant de Sarrebourg, le 15e corps d'armée de la 7e armée américaine progresse vers le nord-est et arrive dans le Pays de Bitche. Les Allemands reculent pendant qu'ils établissement leur ligne principale de résistance sur un axe Lemberg-Eschenberg-Petit Réderching.  

Du côté américain, on sait que l'ennemi s'est retranché dans les gros ouvrages de la Ligne Maginot de ce secteur et l'on craint une répétition de ce qui s'est passé à Metz, où les Allemands ont bloqué pendant plusieurs semaines l'avance des Américains à partir des ouvrages de l'ancienne ceinture fortifiée. L'état-major donne alors mission à la 44e division d'infanterie US d'attaquer le Simserhof, tandis que la réduction du Schiesseck sera dévolue à la 100e DIUS.

 

UNE SERIEUSE PREPARATION 

Malgré l'avance rapide des troupes américaines, la mise en défense du secteur de Bitche n'a rien d'une improvisation puisque le corps du génie de fortification de la Wehrmacht fait remettre en état de tirer, à partir de fin novembre, l'armement des quatre ouvrages du secteur qui sont  : le Simserhof, le Schiesseck, l'Otterbiel, le Grand Hohekirkel.

En fait, dès 1941, le génie allemand a élaboré un plan de "retournement" de ces ouvrages, pour les intégrer dans la Ligne Siegfried. 

De cet armement d'origine française seront alors disponibles : 

Au SIMSERHOF :

3 canons de 75 mm sous créneau, pointant vers l'Est

3 canons de 75 mm pointant vers l'Ouest

1 obusier de créneau de 135 mm

1 jumelage de canons de 75 mm sous tourelle éclipsable

1 jumelage d'obusiers de 135 mm  sous tourelle éclipsable 

Au SCHIESSECK :

1 jumelage de canons de 75 mm sous tourelle éclipsable

1 jumelage d'obusiers de 135 mm sous tourelle éclipsable 

Au GRAND HOHEKIRKEL :

1 tourelle pour deux canons de 75 mm 

D’autre part, sont encore disponibles 16 fusils-mitrailleurs alimentés de 200 coups chacun, qui seront répartis entre les quatre ouvrages. Les munitions d'artillerie ont été estimées à 12000 obus de 75 mm et 3000 obus de 135 mm, répartis entre les trois ouvrages d'artillerie. 

Les canons antichar de 47 mm de défense des entrées seront remis en état de tirer, mais ne purent entrer en action, les munitions qui avaient été livrées ne correspondant pas. 

Le carburant, soit 16000 litres, sera également distribué aux ouvrages proportionnellement aux puissances des groupes électrogènes, pour assurer une autonomie de fonctionnement de 160 heures. Ultérieurement, un réapprovisionnement de 14000 litres sera effectué par la 25e Panzer-Grenadier-Division. D'ailleurs, les ouvrages n'étaient plus alimentés en courant par le réseau extérieur du fait des combats et de la prise de Sarrebourg par les Américains 

Les réserves en eau sont largement suffisantes et 5000 bougies assureront, le cas échéant, un éclairage de secours.

 

LES EQUIPAGES 

Le commandement des quatre équipages d'ouvrages est alors assuré par le lieutenant  Zupka, de la 25e Panzer-Division, mais c'est le groupement du major Klikhart qui compose la garnison des quatre forteresses. Les détachements d'infanterie sont fournis par un rassemblement de troupes disparates issues du bataillon de marche E, qui occupe également l'Otterbiel. 

Occupation des ouvrages :

- Simserhof : 8 officiers, 70 sous-officiers et hommes de troupe.

- Schiesseck : 3 officiers, un fonctionnaire, 95 sous-officiers et soldats

- Otterbiel : 1 adjudant, 60 sous-officiers et hommes de troupe

- Grand Hohekirkel : 1 officier, 60 sous-officiers et hommes de troupe. 

Le personnel technique, sous-officiers, caporaux et hommes de troupes, est issu du corps des pionniers de forteresse.

 

Responsables techniques affectés aux ouvrages :

Au Simserhof :

Assistant technique Würtz (au Schiesseck à partir du 8/12)

Sous-officier Wichard, en tant que chef de centrale

Les caporaux Jansen et Medenbach,en tant que machinistes

 

Au Schiesseck :

Sous-officier Peiffer, en tant que chef de centrale

Les caporaux König et Zimermann, en tant que machinistes

 

A l'Otterbiel :

Sous-officier Kaczmarczyk, chef de centrale

Le soldat Ahlheim, en tant que machiniste

Le caporal-chef Pauli, en tant qu'aide machiniste 

Le sous-officier Kaczmarczyk sera évacué le 12 décembre pour raison sanitaire, et remplacé par le soldat Ahlheim qui maîtrisera parfaitement sa nouvelle fonction. Lui-même sera remplacé par le caporal-chef Dauner, au titre d'aide machiniste. 

 

LA BATAILLE EST ENGAGEE

Les combats pour la libération du Pays de Bitche débutèrent le 6 décembre 1944. Le Schiesseck ouvrit le feu le 6. Le Simserhof fit tirer la première fois sa tourelle de 75 le 7. Mais, le lendemain, celle-ci dut cesser ses tirs, un des deux canons de 75 ayant éclaté tandis que l'autre devenait inutilisable par la distorsion de l'affût. Deux canonniers subirent de légères brûlures lors de cet incident. 

Au début, eurent principalement lieu des échanges d'artillerie, qui se firent de plus en plus intenses au fil des jours. Les Américains avaient mis de gros moyens en œuvre. A la fin des opérations, les comptes rendus de la division firent apparaître une estimation de 50000 obus d'un calibre 150 mm et plus ayant pilonné l'ouvrage du Schiesseck. Au cinquième jour des affrontements, la ligne de feu s'établit le long de la route Bitche-Simserhof-Petit Réderching 

Le compte rendu des opérations ne mentionne pas ce genre de détail, mais il est pratiquement certain que les Allemands disposaient d'un réseau d'observation très structuré et se servaient vraisemblablement des plans-feu élaborés par les artilleurs français. Il est plus que probable que la direction des tirs et  que le service des pièces  étaient assurés par des artilleurs, (ce que ne mentionne pas le rapport établi par le génie, par rapport à sa propre activité), car on imagine mal une troupe non formée obtenir le moindre résultat avec du matériel aussi spécifique. La seule indication à ce sujet est la mention qui précise que dans le bloc 2 de l'ouvrage du Schiesseck, le sous-lieutenant Reichenberger est commandant  d'une batterie d'artillerie et a établi là son poste d'observation. 

Mais le rapporteur s'intéresse néanmoins aux performances de l'artillerie de la Ligne Maginot. On le sent admiratif, à la lecture de son compte rendu, lorsqu’il cite :

"Les canons de 75 atteignaient une cadence de tir de 48 coups à la minute, sur une distance allant de 500 à 10500 mètres. Les obusiers de 135 mm étaient d'une remarquable efficacité. En sus de leur aptitude de battre tous les objectifs, leur précision était tout à fait remarquable. Ils étaient utilisables jusqu'à une distance de 6500 mètres. D'après les déclarations de prisonniers américains, l'artillerie des ouvrages occasionna des pertes élevées". 

Les premiers jours de la bataille furent sans grande incidence sur les ouvrages, où, malgré l'accroissement et l'intensité des tirs américains, ni les tourelles ni les superstructures n'eurent à souffrir des tirs. Néanmoins, la situation devint progressivement plus préoccupante car les Américains ciblaient parfaitement leurs objectifs. Sans que cela soit une certitude, on peut très bien imaginer que ces derniers possédaient des renseignements très précis sur les ouvrages, à l'instar des plans des anciens ouvrages allemands de Metz que leur avait transmis le général français Nicolas, et dont il avaient édité des atlas très complets à destination de leurs troupes.

 

AU SIMSERHOF

 C'est à partir du 14 et du 15 décembre que l'artillerie américaine réussit à endommager sérieusement les façades arrières et les embrasures des blocs  1, 5 et 6, jusqu'à les percer, mettant hors d'usage les canons et blessant 8 servants. Entre temps, les troupes d'assaut américaines étaient arrivées jusqu'à l'entrée des munitions dont elles firent sauter la grille le 16. Cette action put être menée à bien grâce au tir soutenu des blindés qui avaient progressé jusque sur la vaste esplanade précédant l'entrée et tirer à courte distance sur les embrasures. 

Ne possédant pas d'armement antichar et ne pouvant faire faire feu qu'à travers de ridicules créneaux FM, sous le feu nourri des tanks destroyers, les défenseurs des entrées du  Simserhof durent refluer vers l'intérieur. Les Américains avaient amené des engins de terrassement et entrepris de combler avec de la terre les ouvertures, dont les prises d'air et les échappements des groupes électrogènes de l'entrée des hommes, qu'ils dynamitèrent, ainsi que les cloches de guet des deux entrées. 

Le 15, les deux obusiers de la tourelle de 135 durent cesser le feu, faute de munitions. Les blocs d'artillerie 1 et 5, dont les façades avaient été percée ayant certainement été évacués au même moment, le Simserhof avait perdu sa capacité de défense périphérique  et était lui-même en grand danger d'être submergé car la liaison téléphonique avec son voisin le Schiesseck s'interrompit le 16, empêchant par là les tirs de couverture par défaut de communication.

 Mais pendant ce temps, il fallait faire face. Il faut relever ici l'action hors du commun du sous-officier Wichard, alors Werkmeister du Simserhof. Infatigable, de jour comme de nuit, celui-ci dépanna à plusieurs reprises des éléments essentiels du fort comme la ventilation, les ascenseurs, etc. Il changea à deux reprises, et dans un temps record, le joint de culasse du groupe électrogène sollicité à l'extrême, qui s'était fissuré, l'autre machine ayant rendu l'âme Il faut rappeler ici que le Simserhof (comme tous les autres ouvrages) avait été dépossédé de deux de ses groupes.

 Les deux groupes restants furent soumis à rude épreuve du fait de l'obstruction de l'orifice d'échappement. De ce fait, le rendement du Sulzer avait été fortement diminué, se répercutant sur la tension électrique qui devint alors insuffisante pour maintenir en marche les ventilateurs, d'où l'introduction, dans les arrières, de gaz d'échappement, de brouillard et fumées d'explosions.

 Mais grâce à Wichard, la machinerie tourna jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu’au  moment où elle fut dynamitée lors de l'abandon du fort.

 Le 17, la météo, qui avait été exécrable jusqu'alors, devint plus clémente, ce qui permit aux chasseurs-bombardiers de la 12e force aérienne tactique US de prendre pour cible les ouvrages, principalement le Simserhof.

 Entre temps, la ligne principale de résistance allemande s'était déplacée d'un kilomètre vers le nord et les ouvrage s étaient alors quasiment encerclés. Les occupants du Simserhof quittèrent le fort le 19 décembre, à 1h30 du matin, par la sortie de secours du bloc 4, sans avoir à déplorer de pertes.

 

AU SCHIESSECK

 Le 16 décembre, les Américains s'approchèrent de l'entrée des munitions du Schiesseck. Elle n'était pas facile à attaquer de face car le bloc est situé sur une forte déclivité et le terre-plein, devant l'entrée n'est qu'une mince bande de terrain plat.

 Mais l'entrée n'était pas facile à défendre du fait des vues limitées et de l’absence de   défense par les cloches, car on pouvait alors facilement aborder le bloc à revers. C'est sans doute ce qui s'est passé. Vers 13 heures, les Américains réussirent à dynamiter les grilles du bloc. Les Allemands étaient alors obligés de refluer derrière la seconde porte blindée car ils se doutaient bien que leurs adversaires allaient essayer de faire sauter la première porte blindée qu'ils ne contrôlaient plus, car n'ayant plus de vues sur l'extérieur. Mais pour indispensable qu'il soit, ce repli aura l'inconvénient de donner à l’adversaire le libre accès aux orifices des conduits d'échappement des groupes électrogènes, ainsi qu'à la prise d'air générale du fort.

 Pendant ce temps, l'ouvrage fit feu par tous les tubes disponibles. Mais les tirs se ralentirent suite à la raréfaction des munitions. Toutefois, l'infanterie allemande qui tenait la côte 417 et le Freundenberg était soutenue efficacement par l'artillerie de l'ouvrage.

 Le 17, les deux portes blindées de l'entrée du Schiesseck étaient arrachées de leurs gonds. Deux défenseurs furent tués dans l'explosion, un sous-officier et un mitrailleur. A partir de là, une épaisse fumée envahit les locaux et couloirs environnants. Ces émanations de phosphore et de produits incendiaires introduits par l'ennemi rendirent l'atmosphère rapidement irrespirable, allant jusqu'à étouffer les bougies qui s'éteignirent faute d'oxygène.

 A la limite de la suffocation, les défenseurs coururent à la recherche d'air plus respirable qu'ils crurent trouver dans les locaux non encore pollués, dans les cages d'escalier menant vers le haut des blocs, même dans les cloches d'observation, sans beaucoup de succès. Entre-temps, la lumière électrique s'éteignit et la ventilation s'arrêta. Les explosions avaient coupé l'alimentation de l'éclairage et fait disjoncter le tableau électrique de l'usine. Les deux groupes électrogènes continuaient cependant à tourner (les deux autres avaient été démontés et transférés), alors que le circuit de refroidissement s'était lui aussi arrêté. Il était d'ailleurs plus que probable que les gaz d'échappement s'engouffraient dans l'ouvrage, au lieu de se perdre à l'extérieur.

 Il faut relever ici la présence d'esprit du technicien Würtz, qui, à la limite de l'étouffement, quitta à tâtons le bloc 7 pour gagner l'usine où il réussit à éteindre les moteurs. Il ordonna ensuite d'ouvrir tous les créneaux et orifices des blocs 4 et 5, de manière à provoquer un courant d'air naturel, tout en maintenant fermées les portes étanches des autres locaux greffés sur la grande galerie. Au courant de la nuit, l'épaisse fumée se dissipa quelque peu. Le lendemain matin, Würtz et le sous-officier Pfeiffer remirent en marche le groupe électrogène et la ventilation, mettant en œuvre cette fois-ci les filtres de neutralisation des gaz. Quelques heures plus tard, l'air ambiant était redevenu presque normal.

 Le 18, les Américains réussirent à forcer l'entrée des hommes en faisant exploser la grille et la porte blindée, faisant deux blessés parmi les défenseurs. Comme la possession de cette entrée était vitale (les assaillants pouvant prendre à revers les défenseurs de l'entrée des munitions et investir l'usine), le commandement allemand dépêcha des renforts sous forme d'un officier, quatre sous-officiers et vingt-trois pionniers, venus de l'extérieur par le bloc 2.

 On forma quatre patrouilles, dont deux chargées d'une reconnaissance du terrain à hauteur des entrées. Elles furent très vite prises sous un violent feu d'armes d'infanterie et ne purent que constater que l'ennemi avait pris possession du secteur, sur un demi cercle d'environ 500 mètres autour des entrées. 

Les patrouilles internes, parmi lesquelles se trouvait le sous-lieutenant B, progressaient à tâtons vers les entrées, car les couloirs étaient plongés dans une obscurité totale et envahis par une épaisse fumée grasse. Elles arrivèrent, au bout d'un moment, au contact de l'ennemi qui les prit sous le feu. Mais ni les tirs de carabines ni les jets de grenades n'arrivaient à faire reculer les Américains qui s'étaient admirablement barricadés. Ces derniers avaient l'avantage de pouvoir se déplacer sans bruit grâce à leurs chaussures dotées de semelles en caoutchouc. On les repérait néanmoins quand, de temps en temps, ils étaient obligés d'allumer leur lampe de poche.

 Le même jour, des tirs répétés de blindés mirent à mal la dalle de couverture du bloc 4, qui se fissura. Ces tirs détruisirent également les optiques de la cloche d'observation, ainsi que le fusil-mitrailleur. Seules, trois de ces armes étaient encore en état de tirer à ce moment là. Au bloc 2, deux Américains furent faits prisonniers, l'un d'eux était grièvement blessé. Partout, les Américains avaient pris pied sur les blocs et appelaient à la rédition, car entre temps la ligne de front s'était déplacée d'un kilomètre vers le nord et l'ouvrage était alors quasiment encerclé.

 Mais les Américains ne purent que constater qu'ils ne seraient pas en état de pénétrer dans l'ouvrage. Les défenseurs, bien qu'encerclés, avaient gardé leur capacité de résistance et montraient qu'ils étaient toujours là quand l'éclairage électrique se remettait en route de temps en temps. Les assaillants se concentrèrent alors sur les embrasures des cloches des blocs 7 et 8, où ils cherchèrent à endommager les créneaux en les dynamitant, ce qu'ils réussirent à faire au bloc 7 où la cloche sera éventrée, celle du bloc 8 fissurée..

 Leur artillerie pilonnait sans interruption les dessus des blocs, ainsi que les cloches, à coups de projectiles les uns plus gros que les autres. Le vacarme était tellement assourdissant que les défenseurs avaient l'impression d'être frappé à la tête par des marteaux. Tout l'ouvrage vibrait et résonnait sous les explosions. Néanmoins les défenseurs tenaient bon. 

Les attaquants étaient immanquablement refoulés par les défenseurs, à coup d'armes automatiques et de grenades. Ils étaient aussi régulièrement pris sous le feu de l'artillerie de campagne allemande, l'observatoire d'artillerie de l'ouvrage étant toujours en contact téléphonique avec les batteries externes.

 Dans l'après-midi du 19, le Américains réussirent à faire sauter la troisième porte blindée de l'entrée des munitions du Schiesseck., après avoir réussi à pénétrer de 150 mètres environ dans l'ouvrage. Cette troisième explosion était de loin plus importante que les précédentes. Le rapporteur parle d'une "Irrsinnige Sprengung – une explosion insensée" qui secoua toute la partie arrière du fort. La porte blindée fut littéralement soufflée. L'explosion était à ce point puissante que le locotracteur de l'ouvrage, qui était à l'arrêt près de la porte, se renversa, les roues en l'air. L'éclairage et la ventilation avaient cessé de fonctionner, les conduites électriques étant rompues. L'ouvrage étant à nouveau envahi par les gaz, la plupart des défenseurs s'évanouirent par manque d'oxygène, malgré le port du masque à gaz.

 Malgré l'intervention des soldats, qui du haut des blocs avaient accouru au secours de leurs camarades, plusieurs d'entre eux ne purent être réanimés et moururent intoxiqués. Les sauveteurs avaient d'ailleurs eux aussi toutes les peines du monde à intervenir, étant à la limite de l'asphyxie et souffrant d'horribles maux de tête.

Une nouvelle fois, le technicien Würtz et le sergent Pfeiffer firent preuve d'un sang-froid hors du commun en sauvant la vie de plusieurs personnes.  

Les Américains ne mirent pas à profit leur avantage, sans doute eux aussi dans la crainte de succomber aux gaz toxiques.

 A partir de là, il était impensable de vouloir prolonger  la résistance à l'intérieur de l'ouvrage. La Division donna l'ordre d'évacuation qui fut appliqué à 23 h. Pour s'assurer du bon déroulement de l'opération, le commandant de l'ouvrage, le lieutenant Stender envoya quelques hommes en reconnaissance. Sortis par l'issue de secours, ceux-ci durent affronter un groupe d'attaquants qui s'apprêtait à dynamiter l'issue de secours. Ils en tuèrent un et les autres s'enfuirent. Les hommes atteignirent les avants-postes allemands, après 400 mètres de pérégrinations. Les blessés et les intoxiqués purent être ramenés dans les ligne amies. Les 9 soldats qui avaient succombé furent laissés sur place. Les armes, l'optique et la machinerie furent détruites autant que possible étant donné l'état d'épuisement des derniers défenseurs.

 Pour mémoire, les armements et culasses qui n'ont pu être installés dans les ouvrages ont été emportés, alors qu'il était encore temps, par un commando, suite aux directives du Haut commandement de la Saarpfalz.

 

PLUS A L'EST

Les garnisons des ouvrages Otterbiel et Grand Hohekirkel sont restées à leur poste jusqu'au 19 au soir. Une reconnaissance a rapporté que ces derniers n'ont jamais été sous la menace directe de l'adversaire.

 

ET EN JANVIER 1945…

Le 1er janvier 1945, le Haut commandement allemand déclencha l'opération Nordwind (Vent du Nord) qui sera, entre autres, une manœuvre de diversion pour soulager l'offensive des Ardennes, qui s'était enlisée. La ligne de front s'étant quelque peu stabilisée juste derrière le Schiesseck depuis le 20 décembre, l'ouvrage sera attaqué cette fois-ci par les Allemands, sur un axe nord-sud. Ces derniers attaquèrent les positions américaines en hurlant des injures et des grossièretés. Plusieurs correspondants américains signalèrent, à cette date, des faits similaires, ce qui montre bien que les Waffen Grenadiere avaient été saoulés pour l'occasion.

 Le Simserhof sera attaqué à 6 heures du matin, mais les Allemands furent repoussés par les Américains. Mais non loin de là, d'autres troupes américaines, peu expérimentées et terrifiées par les attaques allemandes abandonnèrent la ferme et l'abri du Freudenberg, pour se replier.

 

Sources :

 - Rapport du General der Pioniere und Festungen im OKH, du 23.12.1944

- Rapport du caporal-chef Schwars, sur la défense de l'ouvrage du Schiesseck

- Guide de la Ligne Maginot, par Alain Hohnadel et Michel Truttmann

- Opération Nordwind, par François Rittgen

 

Jean-Louis Burtscher

Octobre 2004



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